Endométriose : un traitement novateur par ultrasons unique au monde

17/11/2018 Par Corinne Tutin
Gynécologie-Obstétrique

Une équipe lyonnaise utilise depuis 2015 les ultrasons pour traiter des endométrioses rectales. C’est la seule au monde à pratiquer cette technique.

Le Pr Gil Dubernard est à l’origine de cette innovation aux Hospices civils de Lyon, dont les premières données sont positives. Il explique à Egora les atouts de cette technique.     Egora : Pourquoi avoir pensé à utiliser les ultrasons dans l’endométriose ? Pr Gil Dubernard : Je suis chirurgien gynécologue mais réalise depuis longtemps mes échographies moi-même et ai développé un protocole d’échographie spécifique pour l’exploration des lésions endométriosiques : la rectosonographie photo. C’est cet intérêt pour l’échographie, qui m’a donné l’idée d’utiliser les ultrasons de haute intensité chez des patientes avec une endométriose digestive. Il existe d’ailleurs un intérêt particulier des Hospices civils de Lyon pour le traitement par ultrasons, car c’est dans notre établissement que ceux-ci ont été utilisés pour la première fois pour traiter des cancers prostatiques. Vingt pour cent des femmes avec une endométriose développent une atteinte digestive, qui souvent s’accompagne de symptômes : diarrhée, dyschésie, crampes intestinales. Ce qui représente donc environ 1 % des femmes en France. Après échec du traitement médical (contraception hormonale notamment), un traitement chirurgical est le plus souvent proposé. Même si l’intervention est réalisée par cœlioscopie, il s’agit d’un geste lourd nécessitant souvent plusieurs heures, et qui peut être source de fistules recto-vaginales et peut conduire une fois sur deux, comme l’a mis en évidence une évaluation faite en France en 2015, sur l’exérèse d’une partie du rectum, avec éventuellement mise en place d’une stomie provisoire.  Il était important de trouver un traitement alternatif. Grâce à un partenariat ancien, développé entre les Hospices civils de Lyon, la société lyonnaise Edap TMS, et l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), nous avons pu conduire des études à Lyon chez des femmes endométriosiques avec la sonde FocalOne d’Hifu (High intensity focused ultrasound), développée pour traiter les cancers prostatiques.   Combien de femmes ont-elles aujourd’hui été traitées avec les ultrasons et quel est leur profil ? Nous avons commencé à traiter en septembre 2015. Les 5 premières patientes devaient, sur recommandation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm), être âgées de plus de 35 ans et ne plus avoir de projet de grossesse. Nous avons ajouté à ce critère l’absence de lésion endométriosique non digestive. Les premiers traitements s’étant déroulés sans complication et devant des résultats encourageants, nous avons obtenu par la suite l’autorisation d’inclure d’autres femmes de plus de 25 ans sans projet de grossesse dans les 3 mois suivant le traitement. Au final, 2 études de respectivement 11 et 12 patientes ont été conduites entre septembre 2015 et juillet 2017, et mai et octobre 2018. Et, sur les 23 femmes incluses, 20 ont effectivement été traitées. Les résultats observés nous ont montré que la majorité des patientes sont améliorées. Les symptômes digestifs sont très atténués à 1, et 6 mois, de même que la douleur, qui peut être très invalidante chez certaines patientes et empêcher tout rapport sexuel. La qualité de vie de ces femmes, auparavant souvent très altérée et source de retrait social, est augmentée. Nous n’avons pas relevé de complications urinaires ou de fistule chez les patientes traitées. Mais, les femmes peuvent présenter quelques rectorragies dans les suites immédiates.   Comment l’intervention se déroule-t-elle en pratique ? Le geste exige en moyenne 50 minutes et se déroule au bloc opératoire après rachianesthésie, et après un lavement rectal la veille puis le matin. La sonde, qui est entourée d’un ballonnet contenant de l’eau froide dégazéifiée pour limiter la diffusion thermique des ultrasons et tout échauffement excessif, est introduite par voie rectale. Elle diffuse au travers de la paroi rectale les ultrasons de haute intensité. La température peut atteindre 85° au niveau de la zone de focalisation ; ce qui dévitalise les nodules endométriosiques ciblés. Un dispositif de sécurité évite que l’ensemble du dispositif ne s’approche de plus de 3 mm de la muqueuse rectale. A Lyon, nous hospitalisons les femmes la veille. Elles sortent le lendemain du traitement et reprennent une alimentation normale dès le soir du traitement.   Quelles sont les perspectives ?   Nous devrions, si nous obtenons l’autorisation, redémarrer au premier trimestre 2019 une étude chez une trentaine de patientes, notre espoir étant que la sonde obtienne un marquage CE dans l’endométriose digestive pour faciliter une utilisation plus large de ce traitement. Nous sommes les seuls à pratiquer aujourd’hui cette méthode dans le monde. Cependant, plusieurs équipes, en France, sont intéressées par cette technique, qui nécessitera malgré tout d’avoir une bonne expertise en échographie. A Lyon, nous travaillons avec l’Inserm et la société Edap-TMS à la modélisation d’une nouvelle sonde dédiée à la prise en charge de l’endométriose, ainsi qu’à une amélioration des connaissances des effets thérapeutiques des Hifu sur l’endométriose grâce à un modèle animal.   Le Pr Dubernard déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour les entreprises Hologic et Samsung

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