"Les médecins ont peur de la concurrence" : les lecteurs d'Egora divisés sur l'évolution du rôle infirmier
Alors que 85% des Français se disent favorables à l'élargissement des compétences des infirmières, un sondage réalisé sur Egora révèle que cette position n'est pas partagée par les soignants. En effet, 57% des lecteurs se disent opposés à l'idée d'octroyer plus d'autonomie aux infirmières.
Un sondage Elabe réalisé pour l’Ordre infirmier (ONI) révèle que 44% des Français expriment des inquiétudes concernant la capacité du système de santé à les soigner correctement en cas de besoin. L’accès aux médecins est cité comme la principale difficulté. Seuls 9% des répondants disent rencontrer des difficultés à accéder à une infirmière libérale. Dans ce contexte, 85% des personnes interrogées considèrent qu’il serait utile de renforcer le rôle des infirmières pour faire face au manque de médecins et améliorer la prise en charge des patients dans certaines zones.
Pour autant, les textes d'application de la loi Rist de mai 2023, qui encadre l'accès direct et la primo-prescription des infirmières en pratiques avancées (IPA), n'ont toujours pas été publiés.
Le 30 juillet dernier, le collège de la Haute Autorité de santé (HAS) a rendu un avis réservé concernant les projets de décret et d'arrêté mettant en application l'accès direct aux IPA. La HAS a considéré que "la prescription médicamenteuse non symptomatique et sans diagnostic médical préalable ne peut être envisagée que par exception et avec le plus haut niveau de sécurisation". En outre, elle estime qu'une primo-prescription dans le domaine d'intervention "pathologie chronique stabilisée" est "incompatible avec la notion même de pathologie stabilisée". La HAS a également souligné l'importance de la formation initiale et continue à ces nouvelles compétences.
Interrogés sur la question "Faut-il octroyer plus d'autonomie aux infirmières ?", les lecteurs d'Egora* ont répondu par la négative pour 57% d'entre eux. "La question oubliée est la suivante : quid de la tenue du dossier? Qui est le 'pilote'? Il est extrêmement difficile de ne rien oublier en tant que réel médecin traitant voire médecin de famille. Il est aussi extrêmement compliqué, chronophage, épuisant de 'vérifier', 'superviser', voire 'contrôler' le travail d’autres intervenants. Qui est responsable, non pas de ce qui est fait, mais de ce qui ne sera pas fait ?", s'est interrogé le Dr Laurent S. sur Egora.
"Quid de la responsabilité ? N’oubliez pas que lorsque l’on injecte n’importe quel produit nous sommes tout autant responsable[s] que le prescripteur y compris en cas d’erreur de prescription", lui a alors répondu Marie-Claude M., infirmière. "Les IPA n’ont pas été créées pour remplacer les médecins mais bien pour travailler avec eux avec un dossier médical partagé ! On sait tous qu’actuellement le DMP n’est pas accessible aux infirmiers comme cela était prévu ! C'est pour moi indispensable que le médecin soit alerté par l’IPA de toute modification de traitement et certainement pas d’une primo prescription en autonomie ! Après pour tout ce qui est insuline et previscan par exemple, les infirmières libérale[s] font couramment des adaptations de doses surtout lorsque le médecin n’oublie pas de prescrire un protocole en fonction des surveillances !", a-t-elle ajouté.
"Moi je ne vois pas le problème à ce qu’une infirmière formée aux maladies chroniques fréquentes puisse faire le suivi, l’éducation thérapeutique, évaluer la tolérance et l’observance du plan de soins. Et réadapte si nécessaire en lien avec un médecin (protocole) ou demande un avis Spé. La connaissance scientifique médicale n’appartient pas qu’au médecin mais à tout le monde, même au patient", a estimé le Dr Jean J., médecin généraliste.
"Les médecins ont peur de la concurrence. C'est inapproprié tellement ils sont surchargés et qu'ils le resteront eu égard à la démographie. Quand accepteront-ils de regarder la réalité des difficultés que rencontrent les patients en face sans corporatisme. Il ne s'agit pas de recréer des officiers de santé type monsieur Bovary, il s'agit de fluidifier les parcours et d'aider l'ensemble de la chaine des prises en charge ; la seule limite est celle d'une vraie coordination entre médecins et IDE voire IPA pour ne pas laisser en pleine autonomie des prises en charges inadéquates faute de compétences", s'est agacé le Dr Jean-François T., cardiologue.
"La réponse aux déserts médicaux passe aussi par un déploiement massif d’IPA sur tout le territoire car ils ou elles permettent la prise en charge de maladies chroniques équilibrées et octroient aux patients qui en sont atteints d’être assurés de la prise en charge régulière de leurs pathologies et que les préventions qui accompagnent cette prise en charge soient parfaitement réalisées", a abondé la Dre Laure A..
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