Loi de santé au Sénat : les mesures auxquelles vous avez échappé, et celles qui vous pendent au nez
Adopté ! Le projet de loi de santé a été voté mardi soir au Sénat, au terme de quatre jours d'examen en séance plénière, par 219 voix pour, 92 contre. Le texte doit désormais être examiné en commission mixte paritaire le 20 juin. Si les 7 députés et les 7 sénateurs qui la composent échouent à trouver un compromis, le projet de loi reviendra à l'Assemblée nationale, qui aura le dernier mot. Initialement "resserré" sur un petit nombre d'articles, laissant une large place à l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances, le projet de loi d'organisation et de transformation du système de santé s'est considérablement étoffé au cours du processus parlementaire (consulter la version du Sénat). Défenseurs des territoires confrontés au manque de médecins, les sénateurs ont fait entendre leur voix, donnant parfois des sueurs froides aux représentants de la profession. Décryptage. Suppression du numerus clausus : oui, mais… Les formation en santé "favorisent la répartition équilibrée des futurs professionnels sur le territoire au regard des besoins de santé". Dès l'article n°1, le ton est donné : la suppression du numerus clausus ne doit pas seulement permettre de former davantage de médecins, mais aussi de mieux les répartir. Les sénateurs ont introduit plusieurs amendements en ce sens. Ils ont notamment fait primer, dans la détermination du nombre d'étudiants admis en 2e et 3e année du premier cycle, le critère des "besoins de santé du territoire" sur celui des capacités d'accueil des facultés. Lutte contres le sexisme, aromathérapie et homéopathie Par divers amendements, les sénateurs ont cherché, en vain, à étoffer la formation des médecins : ajout d'un module dédié à la gestion du cabinet, formation spécifique sur les violences sexuelles et "stéréotypes de genre", enseignement sur la "santé environnementale" ou encore sur "la prise en charge des personnes en situation de pauvreté ou de précarité"… Plusieurs sénateurs ont par ailleurs tenté de "systématiser" dans les universités "la participation des patients aux formations pratiques et théoriques des professionnels", afin de développer "leur capacité d’attention à autrui" et de favoriser "les processus de décision partagée". D'autres parlementaires sont allées plus loin, en tentant d'introduire dans les études de médecine "une formation relative à la santé par les plantes, la phytothérapie et l’aromathérapie" ou en cherchant à "sensibiliser" les étudiants aux "théories homéopathiques". Le Gouvernement a repoussé ces amendements un à un. "Il ne faut pas détailler dans la loi le contenu des études", a martelé Agnès Buzyn. Les internes dans les déserts Voté par une majorité écrasante de sénateurs (311 voix contre 16) malgré l'avis défavorable du Gouvernement, un amendement transforme la dernière année d'internat de médecine générale (et d'autres spécialités listées par décret, notamment l'ophtalmologie et la gynécologie) en "année de pratique ambulatoire en autonomie", réalisée en priorité dans les zones sous-denses. Pensé dans le cadre d'une 4e année, le dispositif permettra de "déployer plusieurs milliers professionnels de santé dans les territoires sous-dotés", escompte l'un de ses promoteurs, le sénateur socialiste Yves Daudigny. Une mesure qui a fait bondir les carabins et les doyens, qui refusent de "brader" la formation des généralistes "pour répondre à des problématiques d'accès aux engendrées par des erreurs politiques d’il y a 30 ans". L'ajout d'une 4e année n'étant pas à l'ordre du jour, le DES de médecine générale se verrait, dans les faits, amputer de sa troisième année, dédiée à l'approfondissement des compétences. Les jeunes se mobilisent contre cette mesure, qui doit encore passer la commission mixte paritaire, à travers la campagne "PasEncadréPasFormé" sur Twitter.
Les futurs généralistes vont déjà en stage dans les territoires !
Il s'agit de leur formation, ils ont besoin d'être encadré pour devenir progressivement des médecins autonomes et responsables, à même d'offrir des soins de qualité à tous.#PasEncadréPasFormé
Cc @ISNARIMG pic.twitter.com/wcxYJxOP6G— Pierre Guillet (@PierreGuillet7) 11 juin 2019
Déserts médicaux : la carotte et le bâton Portés, notamment, par la commission de l'Aménagement des territoires, plusieurs amendements visaient à restreindre la liberté d'installation des médecins. Tous ont été retoqués. Plutôt que "d’imposer à tous les étudiants nouvellement installés de s’implanter dans les territoires sous denses", le sénateur LR Vincent Segouin a proposé un dispositif coercitif, certes, mais respectant le "principe de méritocratie" : les étudiants classés dans le dernier tiers du numerus clausus devront exercer trois ans (installation ou remplacement) dans une zone sous-dense "de leur choix", située dans la région où ils ont effectué leur troisième cycle. L'amendement a finalement été retiré. Autre mesure vivement dénoncée par la profession : la limitation de la durée de remplacement à trois ans. "Si le recours à la qualité de remplaçant peut être utile, de manière ponctuelle, dans le cadre d'un parcours professionnel ou pour un territoire spécifique, ce mode d'exercice dérogatoire ne doit pas devenir la règle à la sortie des études de médecine", estime son auteur, le rapporteur général du projet de loi de santé Alain Milon (LR). La mobilisation des organisations de jeunes, soutenue par la CSMF, la FMF et MG France, à travers la campagne #TouchePasAMonRemplaçant a payé : l'amendement a été rejeté. Son pendant incitatif, en revanche, a été adopté : un article additionnel au projet de loi prévoit que les honoraires et revenus des jeunes installés soient exonérés de cotisations sociales pendant cinq ans, à condition qu'ils s'installent moins de trois ans après leur diplôme et qu'ils exercent en continu durant cette période. "Un médecin installé dans la première année suivant l'obtention de son diplôme bénéficiera d'un barème plus avantageux que celui qui s'installe au cours de la troisième année", précise Alain Milon. Le barème sera établi par décret. Les zones sur-denses, si tant est qu'il en existe encore, ont été exclues de ce dispositif par un autre amendement. Les sénateurs ont voté pour un allongement de la durée du Contrat d'engagement de service public (CESP), un dispositif attractif. En contrepartie d'une allocation mensuelle de 1200 euros, les signataires s'engagent à exercer à l'issue de leur études dans une zone sous-dense durant trois ans, contre deux actuellement. Les parlementaires ont par ailleurs voté un article obligeant les médecins et la Cnam à négocier, dans le cadre de la convention, la contribution de la profession à la réduction des inégalités territoriales d'accès aux soins. Ils ont, enfin, reconnu aux maires la possibilité de saisir le Conseil de l'Ordre sur les situations de carence médicale dont ils auraient connaissance sur leur territoire afin d'ouvrir la possibilité de recrutement de médecins adjoints. La télémédecine dans les hôpitaux de proximité Malgré de fortes réticences sur la méthode, le Sénat a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnances sur le développement des "hôpitaux de proximité", non sans avoir exprimé de vives inquiétudes sur "le flou" de leur définition, leurs moyens et missions. Par amendement, ils se sont assurés que ces établissements locaux soient dotés d'un plateau de "télésanté" (télémédecine + télésoins), en plus de plateaux d'imagerie et de biologie médicale. L'exercice mixte limité Plébiscité par les jeunes, et promu par Agnès Buzyn, l'exercice partagé ville-hôpital a pris du plomb dans l'aile au Sénat Le rapporteur général, Alain Milon, a fait voter un article permettant aux directeurs d'hôpitaux d'interdire aux praticiens hospitaliers travaillant à mi-temps dans leur établissement d'exercer une activité rémunérée dans un établissement de santé privé à but lucratif, un cabinet libéral ou un laboratoire de biologie médicale privé situé "dans un rayon maximal de dix kilomètres autour de l’établissement public". La mesure est justifiée par les potentiels "effets de concurrence" qui pourraient résulter de l'exercice partagé au sein d'un territoire. Télétransmission des arrêts maladies Supprimée en commission, la dématérialisation des arrêts maladie a été réintroduite en séance plénière, mais avec des exceptions possibles, notamment en cas de difficultés matérielles des médecins. Allongement du délai légal de recours à l'IVG Voté en toute fin de séance, vendredi dernier, en présence d'une vingtaine d'élus, l'amendement de l'ex ministre Laurence Rossignol (PS) repoussant à la fin de la 14e semaine de grossesse (soit deux semaines supplémentaires) le délai légal de recours à l'IVG a finalement été supprimé ce mardi après-midi, lors d'une seconde délibération, réclamée par la commission des Affaires sociales, avant le vote solennel du texte. "J'estime en conscience et en responsabilité que les conditions dans lesquelles le Sénat s'est prononcé vendredi dernier (...) n'étaient pas satisfaisantes", a déclaré Agnès Buzyn. "En acceptant la seconde délibération (...) je veux réunir les conditions pour que ce débat légitime ait lieu dans le bon cadre, et en assurant l'ensemble des échanges que l'importance du sujet justifie", a poursuivi la ministre de la Santé, précisant qu'elle recevrait prochainement le Planning familial, qui milite pour cet allongement des délais.
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