Depuis plusieurs semaines, les colonnes de la presse nationale et locale sont quotidiennement occupées par les fermetures de services d’urgences à la chaîne. Avec une alerte relayée à tous les échelons : celle d’une crise estivale sans précédent. A l’occasion de l’ouverture du salon Santexpo, qui réunit le monde hospitalier, mardi 17 mai, le président de la FHF a fait part de ses inquiétudes : "Le taux d’absentéisme est plus élevé qu’avant la crise, les difficultés à recruter sont fortes, l’intérim et ses dérives battent leur plein, et des tensions majeures existent sur les spécialités médicales assujetties aux gardes et astreintes", a-t-il énuméré. Faute de personnels, des lits sont fermés dans "plus des trois quarts des établissements". Face à cette situation, Frédéric Valletoux a appelé à transformer "radicalement" le système de santé. "L’heure n’est plus aux analyses et aux diagnostics mais aux mesures rapides, fortes, profondes et durables." "La France manque tout simplement de médecins qui prennent en charge des malades, disons-le", a ajouté le candidat de la majorité aux législatives en Seine-et-Marne, estimant que "les obligations qui pèsent sur les acteurs rémunérés par les cotisations sociales obligatoires demeurent déséquilibrées". "Les professionnels des hôpitaux publics doivent assumer la permanence des soins, répondre à une obligation de gardes et astreintes, et assumer un poids toujours plus grand dans les soins non programmés." Outre un plan de continuité des soins territoriaux ou le doublement des heures sup’ et du forfait de temps de travail additionnel pour l’hôpital public, le président de la FHF a suggéré de rétablir l’obligation de garde des médecins de ville en urgence. "Chaque praticien devrait s’inscrire sur une ligne de garde ou d’astreinte, en ville (PDSA) ou à l’hôpital (PDSES), lorsqu’elle est jugée indispensable pour l’accès aux soins sur le territoire d’exercice. Nul ne devrait pouvoir s’y soustraire sauf dérogations en raison de son état de santé ou de son âge", a-t-il déclaré. Une demande qu’il avait déjà formulée à plusieurs reprises.
« Compte tenu de la situation, une obligation de tous les praticiens devrait être décidée en urgence. Chaque praticien devrait s’inscrire sur une ligne de garde ou d’astreinte en ville ou à l’hôpital lorsqu’elle est jugée indispensable. »
— FHF (@laFHF) May 17, 2022
Sans surprise, ses propos n’ont pas manqué de faire réagir le corps libéral. "Une fois encore, Monsieur Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), s’en est pris violemment à la médecine libérale […] A ses yeux, les maux dont souffre l’hôpital public n’ont qu’une explication : les médecins libéraux qui n’en feraient pas assez !" ont aussitôt fustigé les syndicats Avenir Spé, la CSMF, la FMF, le Bloc, MG France, le SML et l’IFML-S dans un communiqué commun diffusé ce jeudi. De son côté, la Conférence nationale des URPS Médecins Libéraux a déploré "la méconnaissance et le mépris criants de [Frédéric Valletoux] pour la médecine libérale". Ce dernier "a souligné une fois de plus aujourd’hui sa volonté de placer la médecine libérale sous la coupe de l’hôpital. Mais qui compense d’ores et déjà la prise en charge des urgences et des soins non programmés sur les territoires, si ce ne sont les libéraux ?" s’interroge l’instance dans un communiqué diffusé mercredi soir. "Un non-sens" alors que le nouveau ministre de la Santé devrait être nommé d’ici peu, et que les élections législatives approchent à grand pas. Les syndicats libéraux se sont défendus de ne pas prendre leur part dans la permanence des soins, s’appuyant sur un rapport réalisé par le Conseil national de l’Ordre des médecins en 2021 au sujet de l’organisation de la PDSa : chez les libéraux, "le taux de couverture est de 96% les week-end et jours fériés". "Il est de 95% en soirée entre 20h et 24h. En nuit profonde, ce taux chute à 23%, les ARS arrêtant la prise en charge des lignes de PDSA en nuit profonde", argumentent-ils. Le président de la FHF soulignait pour sa part un autre chiffre présent dans ce même rapport : moins de 40% des médecins se sont inscrits à au moins une garde sur l’année (de régulation et/ou effection). Les syndicats ajoutent que les lignes de permanences des soins en établissement de santé privé (PDSes) ont quant à elles "fortement diminué au cours de ces dernières années par des décisions unilatérales des ARS les supprimant au profit de l'hôpital public". Alors que l’hôpital est au bord du naufrage, ils déclarent être eux aussi surchargés par l’afflux de patients : "Nous tenons à rappeler à Monsieur Frédéric Valletoux que le temps moyen de travail des médecins libéraux dépasse allègrement les 50 heures par semaine et que près de 9 consultations sur 10 sont assurées par un médecin libéral". Appel à l’unité Les leaders des 7 syndicats représentatifs plaident pour "une refonte en profondeur du système de santé afin d’écrire tous ensemble un nouveau pacte social dont la nation a besoin". Défendant l’union des acteurs plutôt que le divorce, les libéraux appellent le président de la FHF "à plus de modération, à s’attacher à la vérité des chiffres et à éviter ces dérapages qui nuisent profondément à la réflexion que nous devons mener de toute urgence au service de nos concitoyens". Un avis partagé par la Conférence des URPS-ML qui indique que les déclarations du président de la FHF témoignent "d’un esprit systématique d’opposition indigne des enjeux auxquels le système de santé est confronté ; ceux-ci imposent, dans la situation démographique actuelle, cohésion, cohérence, complémentarité, agilité et solidarité de tous les acteurs. La situation, tant des hôpitaux, que de la médecine libérale et du secteur médico-social, appelle à la responsabilité et à l’unité, et passe par la reconnaissance du travail de chacun. Le mépris est ici, comme ailleurs, irresponsable." La Conférence appelle ainsi le futur Gouvernement et la Première ministre à engager de ce pas un travail de reconnaissance de la médecine libérale, "de ce qu’elle a apporté à la crise, du service rendu par les médecins libéraux dans les situations d’urgence comme de suivi des patients". Elle annonce par ailleurs qu’elle écrira au nouveau ministre de la Santé "sans délai" pour lui faire part des enjeux du système de santé", et plaide pour le lancement immédiat d’"une concertation nationale". Sans nier les difficultés du navire Hôpital, l’instance prévient : "les médecins libéraux ne peuvent être tenus comptables, responsables et réduits demain à de simples supplétifs, pour sauver un hôpital public à bout de souffle. Ils ne peuvent être soumis à des stages obligatoires, à des gardes obligatoires. Sans quoi c’est demain l’ensemble de notre système de santé qui menacera de s’effondrer, faute de vocations et d’installations."
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