Un médecin sur trois victime de violences sexuelles ou sexistes : "Nous prenons la réalité en pleine face", constate l'Ordre
C'est une première. Après l'observatoire de la sécurité des médecins, le Conseil national de l'Ordre des médecins publie sa première enquête sur les violences sexuelles et sexistes (VSS) dans le monde médical. En trois semaines, l'institution a recueilli les témoignages de 21 140 médecins inscrits au tableau. Et les résultats sont édifiants. Un médecin sur trois a été victime de VSS. Un chiffre qui grimpe à 54% quand il s'agit des femmes.
"Nous avions la certitude que les violences sexuelles et sexistes existaient, mais il nous fallait les quantifier. Avec ces chiffres, nous prenons la réalité en pleine face", a admis le président du Conseil national de l'Ordre des médecins, François Arnault, en préambule d'une conférence de presse destinée à présenter l'enquête, mercredi 20 novembre. Pour cette première étude sur les VSS dans le milieu médical réalisée par l'institution ordinale, tous les médecins inscrits au tableau, ainsi que le docteurs juniors ont été interrogés. "Nous avons obtenu 21 140 réponses", s'est félicité le président. "C'est un des meilleurs scores jamais obtenu pour une étude", a-t-il précisé. "Ces VSS impactent notre société de façon violente. Elles existent depuis très longtemps, mais il y a eu une prise de conscience collective", a constaté le Dr Arnault.
"Des faits souvent passés sous silence"
Accompagné des Drs Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi et Jean-Marcel Mourgues, vice-présidents de l'institution, François Arnault a décidé de "de mettre en lumière des faits souvent passés sous silence". Car de l'aveu même de l'Ordre : "Les résultats sont très inquiétants."
65% des médecins actifs déclarent avoir eu connaissance de VSS dans le monde médical. Un taux qui grimpe à 74% chez les moins de 40 ans. Pour 54% des médecins interrogés, les violences sexistes et sexuelles dont ils ont eu connaissance ont été commises par un médecin inscrit à l’ordre.
Un médecin sur trois (29%) a déclaré avoir été victime de VSS, souvent pendant leur parcours étudiant. Un taux qui monte en flèche lorsqu'il s'agit des femmes puisqu'elles sont 54% concernées, contre 5 % d'hommes. Pour ces femmes victimes, les VSS concernent les outrages sexistes et sexuels pour la moitié d'entre elles (49%). Dans 18% des cas, il s'agit de harcèlement sexuel, les agressions sexuelles et les viols représentent respectivement 9% et 2%. La moitié des femmes victimes ont été agressées par un confrère médecin.
Tolérance zéro
Pour cette enquête, l'institution ordinale a interrogé les victimes sur leurs agresseurs. Pour les VSS commises dans le cadre du parcours étudiant, on relève que pour les outrages sexistes et sexuels, 69% ont été commis par un enseignant, maître de stage ou encadrant. Ces derniers sont également à l'origine de 63% des cas de harcèlement, et de 41% des agressions. En revanche, les viols ont été commis dans 47% des cas par un camarade étudiant.
Lorsque les VSS ont été commises dans le milieu professionnel, l'Ordre constate que les outrages ont été commis respectivement à 49 et 50% par un supérieur hiérarchique médecin ou un confrère. Ces derniers sont également responsables à 42 et 49% des cas de harcèlement, et à 41 et 32% des affaires d'agressions sexuelles. Dans plus d'une affaire de viol sur trois, les agresseurs sont encore des supérieurs hiérarchiques médecins et des confrères.
"Les victimes des viols sont murées dans le silence"
Si l'institution ordinale n'a de cesse de répéter qu'elle prône la tolérance zéro dans ces affaires de VSS, force est de constater que l'obstacle majeur à la sanction des agresseurs est l'absence de signalement ou de dépôt de plainte ; ces derniers restent rares. Auprès de leur supérieurs, les victimes craignent de ne pas être crues, les conséquences sur leur carrière telle que la mise au placard, et éprouvent un sentiment de honte. "Les victimes des viols sont murées dans le silence voire la solitude. Le dénominateur commun à toutes les victimes est la peur de ne pas être crues", a déploré le Dr Jean-Marcel Mourgues.
Pour 69% des médecins interrogés, les victimes de violences sexistes et sexuelles sont exposées à une discrimination professionnelle. Un chiffre qui grimpe à 76% pour les femmes ou les moins de 40 ans.
Les signalements sont également rares auprès des institutions ordinales. Les praticiens méconnaissent les démarches à suivre ou éprouvent une perception d'inefficacité de l'Ordre. Seules 3% des victimes ont connaissance que l'Ordre a été informé de ces violences.
"Notre objectif est qu'aucun acte ne reste sans réponse"
"En tant que président de l'Ordre, je suis mal à l'aise. Cette situation ne peut pas durer", a conclu le Dr Arnault avant de poursuivre : "Notre obligation incontournable est désormais d'aller plus loin." L'Ordre s'engage désormais à "toujours donner suite en cas de signalement". "Notre objectif est qu'aucun acte ne reste sans réponse", a martelé le président de l'institution. Une modification dans le système des inscriptions ou des transferts doit permettre de contrôler minutieusement chaque dossier. "Nous avons triplé les effectifs dans ces services", a fait savoir le Dr Arnault.
Le conseil national souhaite donc pousser les victimes à déposer plainte. La procédure à suivre est disponible sur le site de l'Ordre. La commission nationale des plaintes, organe de l'institution, a également pour objectif de ne laisser aucune plainte sans poursuite.
"Nous devons des solutions aux victimes pour que les violences disparaissent. L'Ordre est le garant de la probité et de la moralité, c'est notre mission. Nous devons tout faire pour protéger les patients et garder le contrat de confiance qui existe entre les médecins et la population", a clamé François Arnault
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