Cent médecins de tous horizons viennent de signer une tribune pour protester contre le fichage des manifestants "gilets jaunes" aux urgences via Sivic, dénonçant une violation du secret professionnel et une possible "exploitation politique ou judiciaire". Dans cet "appel des 100", ils appellent à la "désobéissance éthique" et demandent la constitution d'une commission d'enquête parlementaire. Une "dérive inacceptable", auxquels ils répondent par un devoir de "désobéissance éthique" vis-à-vis des consignes de l'administration. Dans une tribune publiée dans L'Express mercredi 8 mai, cent médecins médiatiques s'élèvent contre l'utilisation du fichier Sivic (système d'information pour le suivi des victimes) afin d'inscrire les patients "gilets jaunes" hospitalisés aux urgences lors des manifestations. "Les autorités sanitaires enjoignent médecins et équipes soignantes à rentrer dans cette base de données les patients "gilets jaunes", à saisir leurs identités et données médicales mais aussi tout élément d'identification physique pour remonter des informations aux différentes autorités", dénoncent les signataires. Or, le fichage de patients, sans recueil de consentement, est "parfaitement antidéontologique", estiment-ils.
"Nous, médecins, faisons donc face à une injonction irréalisable au regard de notre éthique et de notre déontologie : la violation du secret professionnel au détriment des malades et ce, en dehors de toute dérogation légale", expliquent les signataires de la tribune, dénonçant un fichage de patients "à des fins possibles d'exploitations politiques ou judiciaires". Ils demandent l'ouverture d'une enquête parlementaire "pour faire tout la lumière sur l'utilisation dévoyée" de Sivic et appellent à un "arrêt immédiat de l'utilisation du fichier" pour les mouvements sociaux".
Les cent médecins signataires sont issus de tous horizons : politiques (Sabrina Ali Benali FI, Gérard Bapt PS, Bernard Debré ex-LR, Bernard Jomier EELV, Joachim Son-Forget UDI…) , syndicalistes (FMF, UFML, Jeunes médecins, Amuf, UCDF, APH…), blogueurs et journalistes (Dominique Dupagne, Christian Lehmann, Gérald Kierzek…), des présidents de sociétés savantes et d'associations, une ancienne présidente de Cnom (Irène Kahn-Bensaud) et des personnalités engagées du monde de la santé, telles qu'André Grimaldi, Xavier Emmanuelli, ou encore Guy Vallancien.
Le fichier SI-VIC a été créé en 2010 afin d'établir des bilans fiables des victimes en cas d'attentat ou de catastrophe sanitaire, et adapter l'offre de soins en conséquence. Mais son utilisation dans le cadre des manifestations de gilets jaunes, à Paris et Toulouse notamment, fait polémique. Des soupçons pèsent sur une utilisation du fichier à des fins politico-judiciaires, d'autant que le fichier est – en droit – consultable par les ministères de l'Intérieur et de la Justice. L'AP-HP et l'ARS Île-de-France ont rappelé la vocation et le fonctionnement de Sivic dans un communiqué commun, mais les soupçons d'utilisation détournée n'ont pour l'heure fait l'objet d'aucun démenti officiel de la part des ministères concernés. Le 15 avril dernier, l'Ordre a saisi la DGS afin de comprendre les raisons du déploiement de ce dispositif dans le cadre des gilets jaunes.
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