boule cristal flou

Exercice coordonné : pour les étudiants en médecine, "ça peut paraître un peu mystique"

Bien que plébiscité par la jeune génération, l'exercice coordonné peut encore paraître flou pour les étudiants en médecine, d'autant plus avant l'internat lorsque ceux-ci ont surtout foulé les couloirs des hôpitaux. Lors de la 2e Journée de l'exercice coordonné (Jexco), le 14 juin, des représentants ont pointé un manque d'(in)formation sur les différents dispositifs et structures existants : MSP, CDS, CPTS, DAC... Un enjeu pourtant majeur, alors que la 4e année de médecine générale pourrait favoriser les installations en ville.  

04/07/2024 Par Louise Claereboudt
Vie étudiante
boule cristal flou

"Nous les jeunes, on ne s'imagine plus être simple généraliste dans son cabinet isolé…", a affirmé Margot Martinez, présidente du Syndicat représentatif parisien des internes de médecine générale (SRP-IMG), en introduction de la deuxième séance plénière de la 2e Journée de l'exercice coordonné (Jexco). L'événement, organisé à Paris le 14 juin dernier par Concours pluripro, avait dédié cette séance aux diverses formes d'exercice et dispositifs favorisant la coordination : maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), centres de santé (CDS), dispositifs d'appui à la coordination (DAC), communautés professionnelles territoriales santé (CPTS)... Autant qu'acronymes qui, bien que pouvant être rebutants de prime abord, ont vocation à rendre les territoires plus attractifs.

Depuis son arrivée au pouvoir, en 2017, Emmanuel Macron mise en effet sur cet exercice en équipe, coordonné, sous ses multiples facettes, pour lutter contre les déserts médicaux. "Je veux que l'exercice isolé devienne une aberration", déclarait ainsi le chef de l'Etat, lors de son discours sur la transformation du système de santé, le 18 septembre 2018. De nombreux territoires se sont aussitôt emparés des dispositifs mis en place pour répondre aux besoins de santé de leurs habitants, salariant des médecins, créant des synergies entre la ville et l'hôpital, entre les professions de santé, etc. Les soignants se sont aussi approprié les nouveaux outils de coordination (DAC, CPTS…) et ont montré, lors de l'épidémie de Covid, que leur force provenait du terrain.

"La CPTS est une invention tellement intelligente, on se demande pourquoi on ne l'a pas faite avant, déclarait le Dr Pascal Biltz, membre fondateur de la Collégiale des CPTS de Paris, lors de la séance plénière précédente, consacrée aux territoires. "La coordination est d'abord venue du besoin que les professionnels ont ressenti pour la prise en charge de leurs patients. En se regroupant, en se coordonnant, on se rend compte qu'on arrive à prodiguer des soins de meilleure qualité. Forcément, ça rejaillit aussi sur nous, sur notre bien-être au travail", a souligné, lors de la deuxième plénière, la Dre Juliette Pinot, présidente de la CPTS de Suresnes, selon qui il y a une "forte adhésion" sur le terrain pour "ce modèle de coordination".

"Il y a pas mal de dispositifs méconnus"

Chez les futurs médecins, la coordination est aussi "largement plébiscitée", a signalé Margot Martinez du SRP- IMG : "De par nos stages où on est toujours en équipe : en MSP, en CDS et à l'hôpital bien sûr." L'interne pointe toutefois une forme de méconnaissance à propos des formes que peut prendre l'exercice coordonné. "Quand on voit tous ces acronymes, ça peut paraître un peu mystique", a reconnu Margot Martinez. "En entrant en internat de médecine générale, lors de nos stages en ville, on découvre un peu toutes ces infrastructures et modes d'exercice. Avant, les étudiants n'en ont pas connaissance. Et si tout le monde connaît les MSP ou CDS, pour ce qui est des CPTS et des DAC, une majorité d'étudiants ne sauraient pas me décrire l'organisation de ces dispositifs."

"Le dispositif d'appui à la coordination (DAC) fait partie de certains terrains de stage mais il y en a peu" or "c'est très intéressant quand ça fonctionne bien", a abondé Charles Sfeir, interne en médecine générale à l'université Paris Saclay et membre du comité d'organisation de Jexco. Il "doit être mis en avant, désacralisé et intégré dans les terrains de stage pour les internes". Comme le DAC, "pas mal d'autres dispositifs sont méconnus, sous-évalués et devraient être mis en avant beaucoup plus au moment de la formation, comme les dispositifs d'appui en soins palliatifs par exemple."

Pour Margot Martinez, il est indispensable "d'informer les internes, de mieux leur faire découvrir ce qui existe". Pour la Dre Juliette Pinot, également responsable d'enseignement à l'université Paris Cité, "l'expérience acquise par les CPTS peut aider l'université à former l'ensemble des professionnels sur cette idée de travailler ensemble." Ces communautés professionnelles territoriales de santé "doivent faire connaître les dispositifs aux professionnels du territoire", et étudiants compris, a-t-elle ajouté.

Favoriser l'installation

L'enjeu est de taille à ses yeux : "Être intégré directement dans ces structures [et dispositifs], mieux les connaître et comprendre leurs impacts en termes de santé publique peut renforcer la vocation des étudiants et leur volonté d'aller s'installer dans les territoires qui proposent des infrastructures de ce type", a-t-elle estimé. Elle a souligné, en effet, que d'après une étude, l'exercice coordonné est un des motifs principaux d'installation pour les jeunes, à l'instar de "la présence d'administratifs" (ARS), du "rapprochement familial" et de tout ce qui a trait au territoire en lui-même. "Les aides financières passent après." Et pour cause, a vanté Éléonore Berthe, infirmière Asalée déléguée à la santé publique en MSP, l'exercice coordonné favorise la confiance entre les soignants, et les préserve de l'isolement.

"Un jeune va d'abord chercher une équipe" au moment de son installation, a confirmé Saliha Grévin, pharmacienne de formation qui a porté le projet des centres départementaux de santé du Nord.

Dans ce cadre, la quatrième année de médecine générale va représenter un défi de taille, ont insisté les divers intervenants. "Les décrets ne sont pas encore sortis, pour une réforme déjà en place, mais il faut déjà commencer à y travailler", a défendu Margot Martinez. "Ce sera je pense un des leviers importants lors des prochaines années pour installer des médecins dans les territoires", a présagé Juliette Pinot. Il est "très important que les CPTS se positionnent sur cette 4e année pour accompagner les internes qui vont venir faire des stages professionnalisants dans leur territoire, pour les accompagner à construire leur projet professionnel." "C'est le moment pour les CPTS et les structures de se saisir de la 4e année. Les internes ne seront pas juste là pour prendre en charge des patients, ils seront en formation, c'est le moment de les investir dans ces structures, de leur faire découvrir pour vraiment leur donner envie de rester par la suite", a acquiescé la présidente du SRP-IMG.

Suite à la réforme du DES de médecine générale, les internes devront passer leur thèse en trois ans avant la phase de consolidation – "au lieu de six".  "Même en 6 ans c'était déjà compliqué parce qu'on manquait de direction, de sujets, etc. Ça va être d'autant plus important de vous en saisir, pour nous proposer des thèses, des données, et qu'on puisse construire cela ensemble et que cela renforce cette cohésion d'équipe et l'attractivité des structures", a appelé Margot Martinez, en se tournant vers les autres intervenants (élus, médecins…). "Les internes ont toute leur place pour faire des travaux de recherche en soins primaires", a également jugé Charles Sfeir.

Pour Juliette Pinot, "c'est un pari gagnant-gagnant" : "l'interne valide sa thèse, la structure produit des données qui peuvent être intéressantes sur son territoire et peuvent permettre de proposer des améliorations, des adaptations qui soient centrées sur sa population…"

La thèse devant être passée au bout de trois ans, cela signifie par ailleurs qu'"au bout de quatre ans, les internes pourront s'installer tout de suite. C'est peut-être un facteur qui va nous aider à déclencher plus d'installation dans nos territoires", a indiqué Juliette Pinot. Un vœu qu'a également formulé Saliha Grévien, du Département du Nord. 

Faut-il octroyer plus d'autonomie aux infirmières ?

Angélique  Zecchi-Cabanes

Angélique Zecchi-Cabanes

Oui

Pourquoi pas? À partir du moment où elles ont la responsabilité totale de ce qu’elles font et que les médecins généralistes n’ont ... Lire plus

2 commentaires
4 débatteurs en ligne4 en ligne
Photo de profil de Emmanuel Morinais
155 points
Médecine générale
il y a 3 mois
Il y a également un fossé culturel entre travailler en équipe à l'hôpital avec encore un peu de leadership médical et travailler en libéral ou bien salarié dans un groupe de soignants sans hiérarchie ...Lire plus
Photo de profil de B M
4,4 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 3 mois
Tout ce qui est décreté par les politiques et les professionnels paramédicaux frustrés (minoritaire à en croire mon entourage paramédical) , hors sol médical, est évidemment mystique....Lire plus
 
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