"Vous êtes les résistants du système de santé !" : lancement de la 2e Journée de l'exercice coordonné
C'est dans un contexte politique tendu que s'est ouverte la Journée de l'exercice coordonné, organisée par le magazine Concours pluripro, ce vendredi 14 juin à Paris. Une deuxième édition placée sur le thème du territoire comme "outil" majeur d'organisation des soins. Plus de 350 personnes étaient présentes pour ce rendez-vous, qui ambitionne de devenir incontournable.
Il y a presque un an jour pour jour, le 23 juin 2023, s'ouvrait la première Journée de l'exercice coordonné (Jexco) sous un soleil radieux. La ministre déléguée à l'Organisation territoriale et aux Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, avait fait l'honneur de sa présence pour inaugurer ce rendez-vous, qui aspire à devenir incontournable. Une année a passé et si les professionnels de santé se tournent toujours plus vers l'exercice en équipe, la crise politique dans laquelle le pays est plongé depuis les résultats des élections européennes – et l'annonce de la tenue d'élections législatives les 30 juin et 7 juillet, a fait naître une forme d'incertitude chez les acteurs du secteur. Qui seront leurs prochains interlocuteurs, si tant est qu'ils changent ? Qu'adviendra-t-il des politiques de santé engagées jusqu'ici ? La direction prise vers toujours plus de coordination et de coopération entre les soignants sera-t-elle maintenue ? Si toutes ces questions ne peuvent encore être tranchées, le terrain, lui, semble prêt à avancer quoi qu'il en coûte. En témoigne le nombre de personnes (plus de 350) ayant fait le déplacement pour assister à la deuxième Journée de l'exercice coordonné ce vendredi 14 juin. Le double de l'an dernier. Parmi eux, des médecins, essentiellement, mais aussi des infirmières, industriels, fédérations, etc.
Cette nouvelle édition était à nouveau placée sous le haut patronage du ministère de la Santé, mais période de réserve électorale oblige, aucun représentant n'a pu s'y rendre.
Cette fois, la météo était moins clémente que l'an passé mais les mines des participants, réunis à l'Espace Saint-Martin (Paris 3e), étaient néanmoins joyeuses : la joie de se retrouver pour certains, de se rencontrer enfin, pour d'autres. "Jexco c'est une journée, un rendez-vous, un espace de rencontre et de dialogue entre les différents acteurs du territoire parce qu'au-delà des différences de casquettes, de modes d'exercice, de statuts, il est essentiel de tisser du lien avec d'autres", a rappelé Karen Ramsay, rédactrice en chef du magazine Concours pluripro qui organise l'événement, en ouverture de Jexco. Cette année, la Journée de l'exercice coordonné était placée sur le thème du territoire, "outil d'organisation des soins", et avait pour intitulé "De 'mon' patient à 'notre' patientèle, de 'notre' patientèle à 'notre' territoire"."Un peu long", a reconnu Karen Ramsay en souriant, mais "on voulait refléter l'idée de gradation dans l'approche organisationnelle ; parce qu'aujourd'hui cette responsabilité à l'égard de la patientèle et du territoire est partagée, parce que le 'faire ensemble' se met au service du territoire et, plus encore, du territoire de santé, parce qu'il faut opérer – et on est en bonne voie – une forme de grand décloisonnement entre les différents acteurs."
"Aujourd'hui le mot territoire, tous l'ont à la bouche, au point qu'on a eu pendant près de 19 mois un ministère chargé de l'Organisation territoriale et des Professions de santé", a souligné Karen Ramsay. Celui-ci a porté à bout de bras un plan d’action pour "faire le dernier kilomètre jusqu’au patient" et répondre aux besoins des Français dans les zones reculées : 4000 maisons de santé pluriprofessionnelles en 2027 ; 1000 médicobus sur les routes ; 10 000 assistants médicaux à l'horizon 2025 ; et, enfin, 100% de la population couverte par des CPTS. "Il a aussi permis la mission sur la santé des soignants, le développement de l'activité physique adaptée (APA), la refonte du métier infirmier, le rapport de l'Igas sur le modèle économique des centres de santé – encore en attente, le plan des centres de santé 2024 – encore en attente aussi, et j'en passe…", a énuméré la rédactrice en chef de Concours pluripro.
Dans un contexte de pénurie médicale, "l'échelon territoire est le bon", a tranché Karen Ramsay. "Aujourd'hui c'est à l'élu que le citoyen demande des réponses à ses besoins de soins, c'est à l'élu de s'assurer que son territoire est suffisamment attractif pour faire venir dans un premier temps [des médecins] et fidéliser sur la durée." Et l'exercice coordonné est devenu un atout pour ces élus de terrain, qui ont bien compris que les jeunes générations de médecins plébiscitent de plus en plus le travail en équipe (en maison de santé pluriprofessionnelle MSP, en centre de santé CDS, en équipe de soins primaires ESP, etc.), mixte (ville-hôpital), et la coopération, via notamment les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Autant d'acronymes qui, bien qu'ayant tous une utilité et un rôle propre, peuvent donner le tournis. Ils participent néanmoins à renforcer l'attractivité des territoires.
"Dans ces structures d'exercice coordonné, il suffit de mettre les gens ensemble, sans notion de hiérarchie, et tout à coup l'innovation arrive, les échanges se font, plein d'idées émergent", a loué le Dr Pierre de Haas, généraliste à la MSP de Pont d'Ain et membre du comité d'organisation de Jexco. Aujourd'hui, on compte plus de 2500 MSP dans l'hexagone. "Elles se développent à toute allure en France, et sont poussées, soutenues, par les décideurs politiques", a ajouté le médecin, se réjouissant, par exemple, de l'intégration dans la convention médicale de l'expérimentation Peps (qui permettra aux médecins volontaires exerçant en cabinet de groupe ou en MSP d'être rémunérés sous une forme forfaitaire). Mais au-delà de cette émulation portée par ces équipes, le Dr de Haas constate également "une montée progressive de l'individualisme, quand ce n'est pas de l'égoïsme […] qui emmène le pays vers des zones d'intolérance", a-t-il nuancé, inquiet.
"Les structures coordonnées pourraient être un lieu de résistance, a lancé le généraliste, s'adressant à une assemblée qui semblait convaincue. Vous êtes les résistants dans le système de santé, vous allez continuer à faire de l'innovation pour lutter contre ce qui se passe dans notre société !" Comme un vent de révolution.
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