Le jugement a été mis en délibéré, au 20 juin prochain. Hier, les Drs Cuq et Gouyou-Beauchamp, respectivement président et secrétaire général de l'Union des chirurgiens de France (UCDF), aux côtés du Dr Jérôme Marty, président de l'UFML, se sont rendus à la convocation du doyen des juges d'instruction de Toulouse. Ils répondaient d'une accusation de "diffamation publique" à l'encontre de Catherine Lemorton, la présidente (PS) de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale.
Les faits remontent à juin 2014 et plus précisément à une émission diffusée sur RMC le 19 juin dernier "Carrément Brunet". Interrogée par le journaliste qui lui demandait "Mais les médecins ne laissent pas mourir les patients, tout de même ?" Catherine Lemorton a répondu "A l'hôpital public, c'est certain, mais pour le reste… " laissant entendre, pour l'UCDF et l'UFML, que le privé pouvait tout à fait laisser mourir les malades qu'il n'avait pas choisi.
"Mme Bidochon"
Fidèle à sa technique syndicale, le Dr Gouyou-Beauchamp a immédiatement traduit en une courte vidéo de 2 minutes bourrée de "punch lines", les propos d'une certaine "Mme Bidochon", alias Catherine Lemorton. Le Dr Marty s'est fendu le 19 juin d'un éditorial (repris dans la news letter le 25 juin) et de tweets, dénonçant ces propos et incitant les médecins à saisir le conseil de l'Ordre des pharmaciens de Midi-Pyrénées, lieu d'exercice de la députée, sur le "caractère anti-déontologique et diffamatoire de ces multiples déclarations vis-à-vis des médecins libéraux". Les chirurgiens de l'UCDF en ont fait de même produisant une lettre type à retourner au conseil. Et pour ne pas en rester là, Catherine Lemorton a déposé plainte auprès du doyen des juges d'instruction de Toulouse, lieu de son mandat de député, contre les Drs Cuq en tant que directeur de la publication, Gouyou-Beauchamp, auteur de la vidéo et Marty, président de l'UFML. Une pétition de soutien a immédiatement couru, amorcée par l'UFML et soutenue par la FMF, qui a recueilli plus de 1000 signatures. Et hier, donc, les parties se sont retrouvées avec leurs avocats, mais sans Catherine Lemorton. Cette dernière avait mandaté deux témoins pour la défendre : Christian Saout, ancien président du CISS (Collectif interassociatif sur la santé) et Vincent Beaugrand, un ancien du cabinet de Marisol Touraine, passé par le fonds CMU. Tous deux ont instruit le procès du refus de soins, donnant des chiffres et des statistiques émanant de leurs organismes respectifs. Pour les "accusés", le Dr Didier Legeais, de l'UCDF, a exprimé son ressenti de témoins, lorsqu'il a entendu les propos de Catherine Lemorton à la radio. "Franchement, on se demande pourquoi ils sont venus. Les refus de soins pour les patients en CMU et ACS, c'est un autre débat", raconte aujourd'hui, le Dr Marty. "Ces propos ont été déformés. Vous faites semblant d'avoir mal compris, c'est de la mauvaise foi", a tonné l'avocat de la députée. Il a pointé du doigt l'impact de la courte vidéo – 6 000 visionnages – contre les 1000 podcasts de l'émission. "Vous avez tout fait pour la ridiculiser, en employant les termes de "bisounours" ou de "Mme Bidochon".
"Bisounours"
Mis en cause, Xavier Gouyou-Beauchamp (300 vidéo au compteur) a expliqué que le principe d'une vidéo est de faire très court, avec des phrases choc. "J'ai fait mon boulot de syndicaliste, rendre les choses explicites sans déformer les déclarations", a-t-il fait valoir en expliquant que Mme Lemorton elle-même, était la première à utiliser le terme "bisounours" dans ses interventions face aux députés (comptage de la chose à l'appui…). Les avocats de la présidente de la commission ont également accusé les médecins, d'avoir "fait pression" auprès de leurs confrères pour qu'ils portent plainte individuellement devant l'ordre des pharmaciens et 60 d'entre eux ont reçu le message 5 sur 5. "Mais nos avocats ont démonté leur argumentaire, prétendant que je n'avais pas tenu compte de la mise au point de Catherine Lemorton, dans la presse médicale, pour écrire mon éditorial. Or, il a été écrit le 19, avant qu'elle ne se justifie.Ils ont également prétendu qu'il n'y avait pas de débat public à l'UFML. Toutes nos news letters prouvent le contraire", ajoute le Dr Jérôme Marty. Prenant la parole, au terme de cette très longue audience, le procureur a simplement concédé qu'il n'y avait pas à ses yeux, de trouble à l'ordre public. Il a laissé à la sagesse du tribunal, la décision finale. Les avocats de Catherine Lemorton demandaient à chaque accusé, 1 euro symbolique et 5 000 euros de frais de justice pour le préjudice subi par leur cliente. Le jugement est attendu le 20 juin prochain. Les chirurgiens de l'UCDF et le président de l'UFML se disent "sereins".
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