Stock de masques insuffisant, port jugé "inutile" : la justice juge l’Etat fautif dans la gestion du début de crise Covid
"L'Etat a commis une faute en s'abstenant de constituer un stock suffisant de masques permettant de lutter contre une pandémie liée à un agent respiratoire hautement pathogène", écrit le tribunal administratif de Paris dans une décision rendue ce mardi 28 juin. Mais aussi en tenant "des déclarations qui ont pu avoir notamment pour effet de dissuader la population d'avoir recours à des masques". Ces manquements – pour lesquels l’Etat est donc officiellement mis en cause – concernent la période ayant précédé le mois de mai 2020. Au moment où le virus a émergé, le stock de masques d’Etat était constitué de 117 millions de masques chirurgicaux et de 1,5 million de masques FFP2, rappelle Le Monde. Bien en deçà des objectifs que s’était fixés l’Etat dès 2009, c’est-à-dire 1 milliard de masques chirurgicaux et 1 milliard de FFP2. En décembre 2021, une commission d’enquête parlementaire avait déjà étrillé l’Etat à ce sujet, estimant que les choix successifs de l’Etat avaient mené à cette pénurie d’équipements de protection individuels. "Alors qu'il s'établissait à 754 millions d'unités fin 2017, le stock stratégique de masques chirurgicaux n'en contenait plus que 100 millions fin 2019", écrivaient les sénateurs dans un rapport rendu public le 10 décembre. Au début de la crise, les professionnels de santé en première s’étaient alors retrouvés démunis face à la pénurie. Les sénateurs mettaient par ailleurs en cause "la décision, prise en 2018 par le directeur général de la santé [Jérôme Salomon, NDLR] de ne pas renouveler le stock de masques chirurgicaux".
La justice a également pointé les déclarations sur le port du masque du Gouvernement. Dans son jugement, le tribunal écrit : "Les déclarations gouvernementales indiquant, au début de la crise sanitaire, qu’il n’était pas utile, pour la population générale, de porter un masque avaient un caractère fautif, compte tenu de leur caractère contradictoire avec les données scientifiques disponibles". Au début de l’épidémie, Olivier Véran, alors ministre de la Santé, Edouard Philippe, Premier ministre, ou encore Sibeth Ndiaye, ex-porte-parole du Gouvernement, avaient tous, à un moment donné, insisté sur son inutilité pour le grand public. Ces masques étaient réservés aux personnels en première ligne, et les pharmacies ne pouvaient délivrer. Il avait fallu attendre le 1er août 2020 pour... que son port devienne obligatoire dans les lieux clos, et la rentrée scolaire pour qu’il soit généralisé. Largement critiqué à ce sujet, le Gouvernement s’était défendu d’avoir menti sur l’utilité du port du masque pour le grand public, arguant qu’il avait agi en fonction des connaissances scientifiques disponibles sur cette maladie qui était encore inconnue.
L’AFP indique que bien que le consensus scientifique s’est en effet solidifié au printemps 2020, pour le tribunal, l'incertitude n'était pas suffisante pour dédouaner l'Etat, car depuis plusieurs années avant la pandémie, "les recommandations scientifiques disponibles (...) faisaient état de l'utilité du port de masques respiratoires par la population générale, notamment dans les transports en commun, dans l'hypothèse de la survenue d'une épidémie causée par un agent respiratoire hautement pathogène". S’il a reconnu les fautes de l’Etat, le tribunal administratif, saisi de 34 requêtes émanant de personnes infectées ou d’ayants droit de personnes décédées du Covid, a rejeté les demandes indemnitaires formées par les requérants, estimant que le lien de causalité n’était pas établi entre ces fautes et les préjudices invoqués. La justice a en effet appuyé sur la nature "aléatoire" de la transmission du virus, le fait qu’un masque ne protège pas à coup sûr, et souligné les autres mesures mises en place par l’Etat à l’époque pour limiter les contamination (la distanciation sociale entre autres). Les plaignants accusaient également l’Etat d’avoir manqué à d’autres obligations, comme le fait de ne pas avoir procédé à des dépistages massifs suffisamment tôt. Mais le tribunal n’a pas reconnu de faute à ce sujet. [avec AFP et Le Monde]
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