Le Dr Jean-François Thébaut a démissionné de son poste de président du Haut Conseil du Développement Professionnel le 26 novembre dernier. Il dénonce "un constat d'échec" et déplore "un système trop rigide, incapable d'évoluer".
Le Dr Thébaut avait déjà présenté sa démission l'an dernier mais Raymond Le Moign, alors directeur de cabinet d'Agnès Buzyn, lui avait demandé de continuer d’assurer cette présidence jusqu’à la parution du décret modificatif imminent de l’ANDPC qui devait supprimer le Haut Conseil (HC) DPC, après le rapport de la Cour de comptes. Ce décret n’a toujours pas été publié…
"J’ai conscience que la période est bien mal choisie mais nous sommes convenus avec les conseillers que mon maintien dans cette responsabilité n’avait plus aucun sens sinon que d’assurer un simple rôle de figuration", écrit Jean-François Thébaut dans sa lettre de démission adressée à Olivier Véran.
Président du HC DPC depuis la création de l'agence en juillet 2016, le Dr Thébaut pensait que 'la création de l’Agence Nationale du DPC pouvait être une opportunité pour recentrer les objectifs du DPC sur l’accompagnement des politiques publiques de santé et sur l’accompagnement des politiques conventionnelles pour les professions libérales". Mais il a vite déchanté et s'est rendu compte "que les objectifs de la direction de l’Agence se résumaient à une gestion administrative, technique et financière".
"Mon départ fait suite à un constat d'échec sur l'évolution du DPC qui n'est ce que je pensais au départ à savoir un élément pour améliorer la qualité des soins et la sécurité des patients mais en fait on est dans un système qui est devenu extrêmement technocratique, rigide, incapable d'évolution puisqu'il n'a même pas pu s'adapter à la crise Covid et qui favorise les organismes commerciaux industriels aux dépens des petites associations de formation de terrain", explique Jean-François Thébaut à Egora.
Dans sa lettre de démission l'ex-président de HC DPC déplore "l’absence d’esprit d’initiative montrées par l’Agence du DPC pendant la crise de la Covid 19, allant jusqu’à refuser les programmes spécifiques à cette épidémie au prétexte qu’elle ne faisait pas partie des orientations prioritaires et que de ce fait, je cite : 'même le cabinet s’y opposait' (cf CR du dernier bureau du HCDPC du 1er octobre). Heureusement que les organismes de DPC du monde hospitalier avaient la liberté d’agir et que, pour ce qui concernent les libéraux, d’autres organismes de financement de la formation ont fait preuve d’agilité et d’inventivité, pour...
permettre la formation en urgence des milliers de professionnels libéraux", écrit-il.
"Tous ces éléments m’obligent tristement à faire le constat que ma présence à la présidence du Haut Conseil de cette agence est donc au mieux inutile au pire nuisible, d’autant que le HCDPC a vocation à disparaitre", conclut-il. "Le HCDPC n'a aucun poids sur la gestion effective des appels d'offres ni des orientations prioritaires", déplore le médecin démissionnaire à Egora.
Dans un communiqué de presse, le syndicats MG France "prend acte avec consternation de la démission du docteur Jean-François Thébaut". "Cette démission et les explications qui l’accompagnent confirment que l’ANDPC, agence nationale pour le DPC, n’est pas en mesure de gérer correctement le dossier de la formation continue des professionnels de santé", tacle le syndicat qui demande que "le pilotage de la formation continue des médecins redevienne paritaire en associant le ministère de la santé, l'Assurance Maladie et les syndicats professionnels".
De son côté le SML estime que "la démission sacrificielle du Docteur Jean-François Thébaut, président du Haut Conseil du DPC, marque l’échec de l’Agence dans sa réponse aux besoins en formation des médecins libéraux et met en évidence la nécessité de revoir l’organisation de la formation continue des professionnels de santé". "Dès le départ, le ver était dans le fruit. En effet, c’était à la profession et non à une agence d’État de prendre en charge les besoins de formation continue des médecins libéraux", écrit le syndicat de médecins libéraux qui estime "qu’il est absolument nécessaire de revoir, au minimum, le fonctionnement de l’ANDPC de manière plus paritaire, et même mieux, d’arrêter cette techno structure afin de redonner l’organisation de la formation médicale continue aux représentants des professions médicales".
C’est avec étonnement que Michèle Lenoir Salfati a appris la démission de Jean-François Thébaut et surtout les motifs de son départ. Elle revient point par point pour Egora sur les critiques qui lui sont adressées.
« Jean-François Thébaut parle d’un 'constat d’échec'. Pendant quatre ans, s’il s’agissait d’un tel échec, pourquoi ne pas avoir démissionné plus tôt. Est-ce qu’il y a des choses à améliorer -pourquoi pas- mais parler d’un échec total, je ne comprends pas. En quatre ans, nous sommes parvenus à l’équilibre budgétaire. De plus en plus de médecins sont formés. Ils étaient 45.600 en 2017 et 51.000 en 2019.
On nous reproche de faire des appels d’offre mais c’est une demande du ministère. Nous n’avons aucune volonté de substituer les appels d’offre au guichet. Il a simplement été considéré que les appels d’offre étaient nécessaires pour répondre à des besoins en santé qui ne sont pas couverts par des offres spontanées des organismes de DPC. Il s’agit d’une offre complémentaire. Les appels d’offre concernent trois thématiques sur 256 orientations prioritaires.
En ce qui concerne le manque de formation lié au Covid, je rappelle que le DPC consiste à former les professionnels sur la base de recommandations de bonnes pratiques validées. Les premières demandes d’actions Covid sont arrivées début mars, avant le premier confinement. A ce moment-là, certains disaient que les masques ne servaient à rien, que l’hydroxychloroquine avait de l’avenir et les corticoïdes pouvaient être dangereux. Personne n’était d’accord sur rien. Comment aurions-nous pu faire du DPC ? Aujourd’hui en décembre, nous prenons, dans le cadre d’une orientation prioritaire, l’ensemble des organismes qui proposent des actions de retour d’expérience autour de l’organisation sur le Covid. J’admets qu’aujourd’hui, il y a un surement un manque dans les orientations prioritaires autour de la prise en charge du risque infectieux. Nous avons interpellé le ministère autour des demandes Covid. Le ministère a dit non, puisqu’il n’y a pas de recommandations de bonnes pratiques et que nous sommes dans l’incertitude thérapeutique.
Enfin, on nous reproche un fonctionnement technocratique. Je ne comprends pas cette critique. Nous faisons un travail de petites mains administratives. Des commissions scientifiques indépendantes évaluent les actions de DPC.
Le DPC est un dispositif voulu par les pouvoirs publics, c’est l’Etat qui pilote. »
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