Après un "été éprouvant" aux urgences, les hôpitaux publics règlent leurs comptes
Chaque année, les difficultés rencontrées par les services d'urgences des hôpitaux publics s'aggravent l'été. Malgré une "meilleure anticipation des situations critiques", le fonctionnement des urgences s'est dégradé cet été dans plus d'un tiers des centres hospitaliers, relève une enquête flash publiée mardi 3 septembre par la Fédération hospitalière de France (FHF). Cliniques et médecine de ville sont pointées du doigt.
"Nous observons depuis plusieurs années un mouvement de fond qui fait peser un poids beaucoup plus important sur les urgences et l'hôpital public en matière d'accueil des soins non programmés", a déploré la déléguée générale de la FHF, Zaynab Riet, lors d'une conférence de presse mardi 3 septembre. "Cela s'explique par la fragilisation des soins de premiers recours, c’est-à-dire l'accès à un médecin généraliste, ce qui entraîne un report incontestable sur l'hôpital", pointe la déléguée qui constate que 20 à 30% des passages aux urgences relèvent de la ville.
"Ces difficultés s'aggravent l'été", relève Zaynab Riet. Car si l'hôpital "s'engage" à maintenir une réponse "7 jours sur 7, 24 heures sur 24 aux demandes de soins non programmées", ce n'est pas le cas "d'autres acteurs", qui "réduisent ou ferment ce qui accentue d'autant plus la pression sur les centres hospitaliers", constate la déléguée générale de la FHF.
Pour réaliser son enquête flash sur la situation des urgences et de l'offre de soins à l'été 2024, la FHF a obtenu la réponse de 260 établissements dont 25 CHU, sur l'ensemble du territoire. Par rapport à la situation des urgences à l'été 2023, seuls 15% des hôpitaux relèvent une amélioration alors qu'ils sont 39% à constater une dégradation. Pour 46% des répondants, la situation est stable par rapport à l'an passé.
L'évolution de l'activité aux urgences a augmenté pour près de la moitié des hôpitaux (48%) et s'est stabilisée pour 45% d'entre eux. L'accès aux lits d'aval reste préoccupant : 34% des répondants considèrent que la situation est en dégradation. Ces éléments expliquent les temps d'attente allongés aux urgences, notamment dans l'accès aux lits d'hospitalisation, note la FHF.
Des problématiques liées au manque de personnels médicaux (62%) et paramédicaux (37%) ont également été remontées par les établissements. Pour faire face, le recours a l'intérim et aux heures supplémentaires a été largement plébiscité par les hôpitaux.
Des implications variables
L'enquête fait état "d'une meilleure anticipation des situations critiques qui a permis de limiter les fermetures". Mais des fermetures non anticipées de cliniques privées ou la fermeture d'autres services d'urgences ont contribué à la "fragilisation de l'organisation des soins non programmés", déplore l'étude.
"L'implication des acteurs a été jugée variable", note Aurélien Sourdille, responsable adjoint du pôle "Offres" à la FHF, qui dresse "un constat plus mitigé en ce qui concerne l'implication de la médecine de ville et des CPTS". "L'implication des cliniques est jugée plus faible au regard des situations de fermeture non concertées et non anticipées de certaines", pointe-t-il.
"Cette enquête reflète bien ce qu'il s'est passé", a commenté le Pr Jean-Luc Jouve, président de la Commission médicale d’établissement de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille. Si les urgences de la Timone ont tenu le coup, "des efforts considérables ont dû être fait", précise-t-il. Ce dernier déplore un service d'accès aux soins (SAS), "fonctionnel mais confidentiel", car trop peu utilisé.
La création de maisons médicales de garde, en collaboration avec les médecins généralistes est une des solutions selon le Pr Jouve, qui regrette toutefois que cela se fasse "sur la base du volontariat". "Il y a des personnes très vertueuses chez les médecins généralistes, mais tant que ça restera de façon épisodique et qu'on n'aura pas le courage de revenir à une régulation, ça ne pourra pas marcher", estime le Pr Jouve.
Le président de la CME de l'AP-HM dénonce également les fermetures de cliniques. "Dans le centre de Marseille, certains établissement ont dévissé du jour au lendemain". Ces situations "plombent l'hôpital", regrette-t-il. "Leurs engagements, qui ne sont que moraux, et c'est bien le problème de l'hospitalisation privée, ne sont pas tenus", pointe le Pr Jouve.
"Cet été a été éprouvant alors même que nos fondamentaux sont bons. Nous n'avons pas d'intérim ni de postes vacants du côté des paramédicaux aux urgences", a, de son côté, constaté Martin Treclat, directeur général du Groupement Hospitalier du Havre. "Mais le sujet des soins non programmés reste hautement problématique", déplore-t-il également. La faute notamment à des "fermetures intempestives d'urgences", surtout de la part des cliniques, pointe Martin Treclat.
"Nous attendons avec impatience la publication du décret faisant évoluer le régime de la permanence des soins en établissements", en application de la loi Valletoux de décembre 2023 sur l'accès aux soins, a ajouté Zaynab Riet. Cette loi donne plus de pouvoirs aux directeurs des agences régionales de santé pour organiser la permanence des soins, y compris en imposant à des établissements d'y participer.
"La situation budgétaire de l'hôpital public n'a jamais été aussi dégradée", déplore la FHF
La Fédération hospitalière de France (FHF) tire la sonnette d'alarme. "La situation budgétaire de l'hôpital public n'a jamais été aussi dégradée", prévient son président Arnaud Robinet. Il réclame une hausse de 6% de l'enveloppe financière allouée aux
hôpitaux publics et privés dans le prochain budget de la Sécurité sociale (PLFSS 2025).
Le déficit cumulé des hôpitaux publics "dépasse 1,7 milliard en 2023 et devrait atteindre 2 milliards en 2024", a-t-il notamment précisé, lors d'une conférence de presse. "Il est impossible de continuer ainsi, nous avons besoin d'un budget de la Sécurité sociale qui tienne compte de cette réalité", a-t-il ajouté, avant de poursuivre : "Les hôpitaux publics doivent être financés à hauteur de leur coût, ce qui passe par la compensation de l'inflation."
L'Ondam 2024 pour l'hôpital avait été fixé à 105,6 milliards d'euros. La FHF réclame que cette enveloppe hospitalière 2024 soit augmentée de 2,3% à 108 milliards d'euros, compte-tenu notamment de l'inflation, et qu'ensuite cette enveloppe progresse à nouveau de 3,6% en 2025, pour atteindre les 111,9 milliards d'euros, soit +6% par rapport aux 105,6 milliards de 2024.
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