
"Pour que cesse enfin ce colonialisme moderne" : les médecins étrangers manifestent à Paris
Les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) sont appelés à manifester dans les rues de la capitale, ce mercredi 12 février, pour protester contre les résultats des dernières épreuves de vérification des connaissances (EVC).

Le cortège s'élancera de Matignon à 14 heures, direction le ministère de la Santé. Les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) sont appelés à défiler ce mercredi 12 février dans les rues de la capitale pour protester contre les résultats des dernières épreuves de vérification des connaissances. Ces EVC, auxquelles il faut obtenir plus de 6/20, doivent encadrer l'intégration des médecins étrangers dans les hôpitaux français, depuis la fin du régime dérogatoire fin décembre 2023.
S'ils sont admis, ces praticiens doivent effectuer un stage de consolidation des compétences (PCC) de deux ans dans un terrain de stage attribué. Ce n'est qu'à l'issue de cette période qu'ils peuvent formuler une demande d'autorisation d'exercice auprès du Centre national de gestion (CNG). Publiés le 31 janvier dernier, les résultats des EVC ont été vivement contestés du fait du faible nombre de lauréats retenus.
Redoutez-vous le rétablissement de l'obligation de participation à la permanence des soins ambulatoires?

Michel Rivoal
Non
1) Une statistique. Environs 60 000 généralistes libéraux en France pour 101 départements donc 600 par département. Une dizaine de... Lire plus
En 2024, 10 000 candidats ont participé au concours, dont 7 000 déjà présents sur le territoire, selon l'Union fédérale des médecins, ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT, qui soutient le mouvement. Sur les 4 000 postes ouverts en médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique, seuls 3800 ont finalement été admis : dont 3235 sur "liste principale" et 638 sur "liste complémentaire". "Cette liste complémentaire n'a aucune valeur juridique, elle ne donne aucune garantie", a pointé la Dre Kahina Hireche-Ziani, porte-parole de SOS Padhue, demandant "que l'ensemble des postes ouverts soient effectivement pourvus".
Pour certaines spécialités, le nombre de lauréats est, en outre, "très inférieur au nombre de postes ouverts", a alerté l'UFMICT-CGT dans un communiqué. "À titre d’exemple, le ratio entre le nombre de lauréats et le nombre de postes ouverts est de 39% en anesthésie-réanimation [et de] 18% en psychiatrie", s'alarmait également la Fédération des praticiens de santé (FPS), dans un communiqué diffusé après l'annonce des résultats, jugeant la situation "préoccupante". D'autant que "les spécialités les plus en tension en France sont celles où le taux de réussite est le plus bas".
"De nombreux Padhue, ayant obtenu des notes supérieures à la moyenne, ont été arbitrairement recalés en raison d’une suppression injustifiée de postes par le jury", a dénoncé le Dr Abdelhalim Bensaidi, vice-président de l'association Ipadecc – à l'initiation du mouvement, dans un post LinkedIn. Ce dernier accuse l'administration "[d'autoriser] le jury à supprimer des postes de manière opaque" ou encore de "[modifier] la barre d’admissibilité de manière variable selon les spécialités, compromettant l’équité du concours et l’égalité des chances entre candidats".
"Quand un chirurgien cardiaque est admis avec 9,5 de moyenne et un réanimateur avec 8,9 de moyenne, alors qu’un médecin généraliste avec 11,9 de moyenne et un chirurgien avec 13 de moyenne sont recalés, il est légitime de s’interroger sur l’équité et la transparence des résultats", a encore fustigé le praticien attaché en diabétologie. Alors que "la liste complémentaire devrait être utilisée uniquement lorsque la liste principale est épuisée", "dans de nombreuses spécialités, la liste principale n’a pas été entièrement utilisée", a-t-il ajouté.
Un nouveau modèle d'évaluation ?
Appelant à réfléchir à un "modèle d'évaluation plus adapté", la Fédération des praticiens de santé (FPS) juge plus pertinent "de mettre en place une procédure tenant compte des acquis professionnels et de l'expérience médicale des candidats". L'Ipadecc réclame quant à elle une titularisation "sur dossier". "Des réformes concrètes pour la régularisation des Padhue doivent être réalisées", a déclaré Dre Kahina Hireche-Ziani, porte-parole de SOS Padhue, dans un post LinkedIn. "Nous sommes déterminés à faire rapidement et efficacement changer les choses pour que cesse enfin ce colonialisme moderne de la matière grise hors Union Européenne."
Actuellement, les médecins étrangers malheureux au concours n'ont qu'une solution : un statut "temporaire" valable 13 mois, renouvelable une fois, "rémunéré 1800 nets mensuels, une humiliation", a-t-elle dénoncé auprès de l'AFP. Certains "continuent de travailler sous des statuts éteints, illégaux", pour 1500 euros nets. "Pour payer leur loyer, ils enchaînent les gardes", ajoute-t-elle, pointant "une exploitation, rentable pour le système".
Le 5 février, le ministre de la Santé Yannick Neuder a dit souhaiter "aller plus loin et simplifier la procédure en place dans la perspective des épreuves de 2025 afin de tenir compte de l’engagement des Padhue dans les établissements français", et affiché son intention "de faire évoluer" les EVC "pour permettre d’amplifier le nombre de praticiens que nous pourrons accueillir dans nos établissements".
Des "concertations seront rapidement menées avec les parties prenantes afin de réformer le concours des EVC pour les épreuves de 2025 en créant notamment une voie interne simplifiée pour les candidats exerçant déjà dans un établissement de santé en France", a-t-il promis.
Une chose est sûre, à défaut d'évolution de la situation, les syndicats et associations renforceront leurs actions. Des Padhue se disent déjà prêts à entamer une "grève de la faim", a prévenu le Dr Abdelhalim Bensaidi.
[avec AFP]
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