Primes, dette, budget : comment le Gouvernement compte sauver l'Hôpital
Le Premier ministre a dévoilé ce mercredi matin son plan d'urgences pour l'hôpital, "entièrement financé par de nouvelles ressources". Au programme : amélioration de l'attractivité des carrières par le biais de primes ; reprise d'un tiers de la dette des hôpitaux et augmentation de l'Ondam ; réforme de la gouvernance et lutte contre le "mercenariat". "Nous avons entendu leur colère, leur épuisement, leur désarroi." Quelques jours après la mobilisation historique des personnels hospitaliers (20 000 personnes dans la rue, 25% de médecins grévistes), Edouard Philippe a annoncé une nouvelle série de mesures pour l'hôpital. L'enjeu : répondre à l'urgence, en attendant que les changements structurels portés par le plan Ma santé 2022 portent leurs fruits.
"Nous ne cherchons aucune excuse mais nous heritons d'une situation qui vient de loin" E.Philippe
— Egora (@EgoraInfo) November 20, 2019
Le Gouvernement a lâché les cordons de la bourse, en annonçant de nouveaux moyens budgétaires pour les établissements, avec une reprise partielle de leur dette, ainsi que la création et la revalorisation d'un certain nombre de primes pour les médecins et les paramédicaux. Zoom sur les principales mesures.
Rémunération et carrières
Alors que 30% des postes de praticiens hospitaliers sont vacants et que les établissements peinent à recruter des infirmières et aides-soignantes, il s'agit pour le Premier ministre de "répondre au problème d'attractivité de l'hôpital public". Plusieurs primes seront augmentées ou mise en place dès l'année prochaine pour les médecins comme pour les paramédicaux. -Indemnité temporaire de mobilité Attribuée aux fonctionnaires d'Etat, elle sera étendue à la fonction publique hospitalière. D'un montant maximal de 10 000 euros, elle est versée aux agents qui "opèrent une mobilité" vers des postes difficiles à pourvoir et s'engagent à les occuper pendant "un nombre minimum d'années". -Prime d'engagement de carrière hospitalière Cette prime est actuellement versée aux médecins (notamment en fin de formation) qui s'engagent à "servir le service public" pendant un certain nombres d'années. Elle sera augmentée de 50% pour les médecins (deux niveaux portés à 15 000 et 30 000 euros) et étendue aux non-médecins dans le cas de métiers en tension (deux niveaux : 10 000 et 15 000 euros). -Prime d'exercice territoriale pour les IDE et AS d'Ile-de-France "Nous devons reconnaître la situation spécifique de Paris et de la petite couronne", a souligné Agnès Buzyn, évoquant des "sujétions", comme le logement ou la garde des enfants, qui "pèsent de manière déraisonnable dans le pouvoir d'achat de certains soignants". Une prime annuelle "pérenne" de 800 euros net (66,66 euros par mois) sera...
attribuée aux quelques 40 000 infirmières et aides-soignantes qui exercent à Paris et dans la petite couronne et qui gagnent moins de 1950 euros net par mois. -Prime d'exercice territorial pour les médecins Versée aux PH qui exercent une partie du temps dans d'autres établissements, cette prime de 250 à 1000 euros brut mensuelle sera augmentée et élargie. - Prime qualité et prises en charge Une nouvelle prime, pouvant aller jusqu'à 300 euros brut annuels et bénéficier jusqu'à 600 000 soignants, sera attribuée aux personnels engagés dans "des projets de transformation" visant à améliorer la qualité des soins et les prises en charge. -Pour les aides-soignantes Dans la lignée du plan El Khomri sur les métiers du grand âge, une prime de 100 euros net mensuels sera accordée aux 60 000 aides-soignantes qui exercent auprès des personnes âgées. Un "grade de débouché en catégorie B" sera également mis en place pour améliorer les fins de carrière des AS. -Un CESP paramédical Plébiscité par un nombre croissant d'étudiants en médecine, le contrat d'engagement de service public sera étendu aux professions paramédicales "les plus concernées par des difficultés territoriales d'accès aux soins" (notamment les métiers de la rééducation). Les étudiants signataires (objectif 300 au 1er trimestre 2020) toucheront une indemnité mensuelle de 750 euros pendant la durée de leurs études en contrepartie d'un engagement à exercer dans une zone sous-dense une fois diplômés. -Statut des praticiens hospitaliers Les quatre premiers échelons seront fusionnés, afin de permettre d'accéder plus rapidement à l'indemnité de service public exclusif et "gommer les effets de seuil" avec le statut hospitalo-universitaire de chef de clinique. Par ailleurs, la ministre de la Santé a rappelé que la loi de santé prévoit un statut unique de praticien hospitalier (fin de la dichotomie temps plein/temps partiel) afin d'assouplir les conditions d'exercice, faciliter les modes d'exercice mixte et reconnaître les activités de recherche, d'enseignement ou d'encadrement.
Gouvernance, "mercenariat" et autres "blocages" de l'hôpital public
- Réformer la prise de décision et le management La voix des médecins sera de nouveau entendue dans les établissements, promet le Gouvernement. Mesure forte : "les postes de chefs d'établissement seront ouverts aux médecins". "Il faut que les directeurs et présidents de CME décident conjointement", juge Agnès Buzyn : projet médical, projets de pôles cliniques et médico-techniques, nominations des chefs de service et de pôle, pilotage du projet médical des GHT… "L'entretien individuel au sein de la communauté médicale sera systématisé" et les fonctions de management (des cadres de santé au président de CME en passant par les chefs de service) "revalorisées". -Alléger les procédures administratives La pertinence des outils de reporting sera "réévaluée". Le principe "dites le nous une fois" devra devenir la norme. Et le ministère de rappeler également que le concours national de praticien hospitalier sera supprimé. La liste des postes vacants sera publiée au fil de l'eau. Le Pr Olivier Claris, chef de service de néonatologie aux Hospices civils de Lyon, se voit confier une mission sur la gouvernance et la simplification des hôpitaux. -Plus de protocoles de coopération Afin d'accélérer les délégations de tâches entre professionnels de santé, l'avis de la HAS n'interviendra désormais "qu'a posteriori". Les protocoles de coopération qui ont fait leurs preuves...
(infirmière Asalée, prélèvement de cornée, filière visuelle) deviendront des "protocoles nationaux". -La guerre contre le "mercenariat" est déclarée
A propos de l'intérim médical : "on se trouve dans certains cas à de véritables mercenaires. J'annonce des campagne de contrôles"
— Egora (@EgoraInfo) November 20, 2019
Les mesures visant à encadrer l'interim médical ayant échoué, la ministre de la Santé passe à la vitesse supérieure. "Dès fin 2019", des "campagnes de contrôle individuel" seront lancées pour vérifier le niveau des rémunérations reçues (qui sont plafonnées), le respect de repos de sécurité et les règles de cumul d'emplois publics. “L'hôpital ne peut constituer une zone de non droit”, a affirmé Agnès Buzyn. En parallèle, les PH bénéficieront d'une "rémunération attractive des gardes assurées en plus des obligations de service" au niveau d'un GHT ou d'une région. - Permanence des soins Une mission sur la permanence des soins en établissement sera lancée au 1er semestre 2020 "afin de repenser les organisations territoriales" et identifier les "contributions" des différents acteurs. "Il faut ouvrir ce dossier sans tabou", a déclaré Edouard Philippe.
De nouveaux moyens budgétaires
Le Gouvernement était attendu au tournant sur ce point. Cet engagement financier, d'un montant total de 1,5 milliard d'euros sur trois ans, doit permettre de mener à bien les chantiers engagés : réforme du financement et fin du tout T2A, pertinence des actes, pacte de refondation des urgences… - Rehaussement de l'Ondam Par un amendement du Gouvernement au PLFSS 2020, dont le Parlement va entamer la semaine prochaine une seconde lecture, l'Ondam général sera porté à 2,45% en 2020, contre 2,3% actuellement. L'Ondam hospitalier passe de 2,1% à 2,4%, soit 300 millions d'euros supplémentaires l'an prochain. Le Gouvernement s'est par ailleurs engagé à ce qu'il s'établisse à 2,4% en 2021 et 2022, soit 200 millions d'euros supplémentaires pour les établissements de santé chaque année. Au total, cela représente un effort budgétaire pour l'hôpital de 1,5 milliard d'euros d'ici à 2022. Ces sommes viennent "en plus", a précisé le Premier ministre : pas question de piocher dans l'enveloppe des soins de ville ou du secteur médico-social. -Tarifs hospitaliers intouchables Le Gouvernement s'engage à ce que les tarifs hospitaliers soient augmentés, ou maintenus, jusqu'à la fin du quinquennat. -450 millions d'euros pour l'investissement courant "A la main des chefs de service", une enveloppe de 150 millions d'euros par an sera dédié à l'investissement courant (ex: achat de petits matériels). -Reprise de la dette Sur les quelques 30 milliards d'euros de dettes (+40% en 10 ans) qui asphyxient les hôpitaux et freinent leur capacité d'investissement (divisé par 2 en dix ans), 10 milliards seront repris par l'Etat sur trois ans. "Au global", c'est 800 millions d'euros par an qui seront dégagés, souligne Edouard Philippe. Une loi sera présentée au premier semestre 2020. -Augmentation du budget recherche et enseignement des CHU Les crédits MERRI (Missions d'Enseignement, Recherche, Référence et Innovation) des CHU seront augmentés de 85 millions d'euros d'ici 2022.
Je sais l'engagement des doyens "dans la réforme des études de santé. C'est pourquoi nous soutiendront les missions spécifiques des CHU à travers nos mesures."
— Egora (@EgoraInfo) November 20, 2019
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