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Seize ans après, l'AP-HP et un neurologue poursuivis pour une erreur de diagnostic

L'AP-HP et un neurologue seront jugés pour ne pas avoir détecté un accident vasculaire cérébral "massif" chez une trentenaire en 2008, qui avait passé une IRM à l'hôpital Bichat quelques jours plus tôt. En état végétatif, la mère de famille est décédée huit ans plus tard.

26/12/2024 Par Chloé Subileau
Faits divers / Justice
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Après seize années de combat, la famille de Carole Darmon a obtenu un procès contre l'AP-HP et un neurologue pour une IRM mal interprétée et des "mensonges" qui auraient abouti à la mort de la trentenaire. Cette affaire remonte au 14 mars 2008 : ce jour-là, Carole Darmon, âgée de 36 ans et mère d'un quatrième enfant né une semaine auparavant, se plaint d'une atroce migraine.

En "parfaite santé" jusqu'alors, elle se rend à l'hôpital Bichat à Paris. De premiers examens écartent alors une pathologie grave, et un neurologue signe son bon de sortie le samedi après une IRM qu'il juge normale. Mais le lundi matin, le médecin la rappelle pour un examen complémentaire. Carole Darmon, retourne à l'hôpital et fait dans l'après-midi un accident vasculaire cérébral "massif". En état végétatif, elle décède le 6 novembre 2016.

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Après avoir accepté la fatalité d'une maladie rare, le père de Carole Darmon, Bernard Elhaik, découvre quelques mois après le dossier médical de sa fille et notamment l'IRM sur laquelle apparaît, de l'avis des experts, "une erreur d'interprétation" manifeste : des signes "discrets mais indiscutables" d'hémorragie dans le cerveau.

 

Un procès finalement ordonné

L'enquête se concentre alors sur une désorganisation de l'hôpital Bichat qui aurait empêché qu'un radiologue puisse diriger, puis analyser l'examen litigieux. Mais qui donc a géré l'IRM ? Une manipulatrice radio a déclaré l'avoir réalisée "seule", sur les instructions du neurologue, qui l'aurait ensuite étudiée.

Pour le père de Carole Darmon, cela est impossible. Ce chirurgien-dentiste a multiplié les procédures, outre celle pénale, et enrage contre les experts qui, d'après lui, ont trop facilement dédouané l'hôpital et ses médecins. Le père de famille est convaincu d'avoir identifié une radiologue qui a fait l'IRM, mais sans en signer le compte-rendu à temps, condamnant selon lui sa fille. L'enquête n'a toutefois pas mis en cause cette soignante. 

Le 29 novembre, une juge d'instruction parisienne a finalement ordonné un procès pour l'AP-HP et le neurologue ayant pris en charge Carole Darmon pour blessures involontaires avec incapacité totale de travail de plus de trois mois. Deux ans d'emprisonnement sont encourus.

 

Une procédure judiciaire longue et complexe

Sollicitée par l'AFP, l'AP-HP n'a pas souhaité commenter "une procédure en cours sur le fond", rappelant que "cette affaire [avait] initialement fait l'objet d'un non-lieu", puis, après un appel, de "réquisitions de non-lieu en octobre 2024". De son côté, l'avocat du neurologue, Me Bernard Grelon, s'est dit "profondément surpris" par ce procès, mais "convaincu de pouvoir démontrer l'absence d'infraction" du médecin.

Dans son ordonnance, consultée par l'AFP, la magistrate souligne "la longueur et la complexité de cette procédure judiciaire". Cela a "rajouté aux épreuves subies par cette famille" qui a "'besoin' que se tienne un procès". Tandis que sur le fond, la juge identifie deux fautes : d'une part, "la sortie du samedi sans lecture de l'examen par un radiologue et sans rédaction d'un compte-rendu écrit". D'autre part, "le temps de latence", "plusieurs heures", "pour la prise en charge de Carole Darmon le lundi".

En outre, la magistrate pointe la possibilité que les médecins n'aient pas interrogé la patiente sur les médicaments qu'elle prenait, parmi lesquels un qui pouvait aggraver son risque d'AVC.
 
[avec AFP]

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