La dialyse, business plus juteux que la greffe pour les médecins ? Les néphrologues libéraux portent plainte contre Cash Investigation
Dans un communiqué diffusé ce vendredi 14 janvier, le syndicat des néphrologues libéraux annonce avoir porté plainte pour diffamation publique après la diffusion du dernier numéro de Cash Investigation. Ils affirment avoir été injustement accusés d’escroquerie et de refus de greffe.
La grogne continue après la diffusion du dernier numéro de Cash Investigation, intitulé "Liberté, santé, inégalités", ce jeudi sur France 2. Nombre de praticiens et d’organisations syndicales – notamment la CSMF et l’UFML-S – se sont en effet insurgés contre l’émission d’Elise Lucet, qui avance que la liberté d’installation des médecins est la raison pour laquelle les déserts médicaux persistent en France, creusant chaque jour un peu plus les inégalités d’accès aux soins.
Dans la foulée, ce sont les néphrologues qui sont montés au créneau. Eux dénoncent des accusations graves dans le dernier reportage du numéro de Cash Investigation. Dans celui-ci, on suit un médecin néphrologue libéral en clinique en caméra cachée auprès des patients en dialyse. Objectif : démontrer que l’organisation de la dialyse en France favorise le travail à la chaîne, et permet aux praticiens de se faire beaucoup d’argent.
Durant la journée de tournage, le médecin anonyme voit 100 patients, selon l’émission, avec des consultations allant de 16 secondes à un peu plus de 7 minutes, calculent les journalistes. Pour les consultations des patients lourds vus, il touche 40 euros, 30 euros pour les patients moins lourds, explique-t-on dans le reportage. Au total, il empochera 4000 euros brut pour 8 heures de surveillance. Sur cette somme, il verse un pourcentage à la clinique.
Une réalité qui ne semble pas être celle de nombreux néphrologues libéraux qui, sur les réseaux sociaux, ont témoigné de leur agacement.
Trop hâte d’aller au travail demain pour toucher 4000€ en dialyse, empêcher des gens d’être greffés puis aller opérer illégalement des cancers. Pour finir j’irai faire des consult de médecine générale en zone surdotée.
— Ana Plastique, Adorable Médecin (@AnaPlastique) January 13, 2022
Pourtant, selon Cash Investigation, qui se base sur un rapport de la Cour des comptes datant de 2015, "10% des néphrologues libéraux qui pratiquent la dialyse excédaient les niveaux maximaux d’activité". "Certains factureraient même un nombre tellement important d’actes, qu’ils équivaudraient à 28 heures de travail 6 jours par semaine", explique la voix-off. Le médecin en caméra cachée...
abonde, questionnant l’éthique de sa pratique : "Ce n’est pas possible de passer 25 minutes avec chaque patient."
En cinq ans, "34 néphrologues libéraux seulement ont été contrôlés sur 500", soulève néanmoins Elise Lucet, qui tient cette information de l’Assurance maladie. "Des consultations qui sont facturées et payées par la collectivité alors qu’elles ne sont pas rendues, c’est de l’escroquerie", dénonce sur le plateau la présidente de l’association de patients atteints de maladies rénales Renaloo, Nathalie Mesny, qui appelle à "renverser le système" et à "privilégier la greffe par rapport à la dialyse".
La dialyse est pourtant le "traitement qui coûte le plus cher aux contribuables (62.000 euros par an par patient)" soit "3,3 milliards d’euros d’argent public dépensés", est-il rapporté. En parallèle, les greffes (moins chères pour l’Etat) restent "minoritaires". "Vous vous dites peut-être que c’est parce qu’il y a une pénurie de greffon ?" questionne la voix-off, qui s’empresse de répondre que "le nombre de greffes de reins en France stagne : autour de 3000 par an".
A en croire le reportage, certains praticiens pourraient pourtant proposer la greffe à des patients mais ne le font pas, provoquant ainsi des discriminations entre les insuffisants rénaux. Ils préféreraient, selon Cash Investigation, un système bien plus lucratif : la dialyse.
"Une accusation grave"
Dans un communiqué, ce vendredi, le Syndicat des néphrologues libéraux dénonce fermement un reportage "à charge". "Le reportage met en scène en caméra cachée un individu présenté comme un néphrologue expert qui démontre la supercherie en pratiquant le spectacle d’une médecine bâclée, non conforme aux recommandations de bonne pratique. Ce néphrologue probablement peu expérimenté ne pratiquait d’ailleurs pas son métier comme titulaire dans le service ou il se présente", écrit-il.
Il dénonce des accusations d’escroquerie ("l’acte d’une valeur de 40 euros présenté dans le reportage n’est absolument pas celui d’une consultation même de 25 minutes mais d’"une surveillance d’une séance de dialyse") et les accusations de refus de greffe. Il annonce avoir porté plainte pour diffamation publique, et avoir fait valoir son droit de réponse. "Il est affirmé que nous gardons en dialyse les patients au lieu de les greffer pour des raisons financières. C’est une accusation grave", déclare l’organisation, qui justifie la stagnation du nombre de greffe à la "pénurie de greffon" et "aux difficultés de disposer d’un donneur vivant".
"Le travail du néphrologue et de l’équipe soignante est de maintenir la qualité du traitement de dialyse, la qualité de vie du malade, l’éducation et l’éviction des facteurs de risque jusqu’à la transplantation. Nos rapports avec les équipes de transplantation sont excellents, les échanges fréquents pour augmenter le nombre de transplantations", assure le syndicat, qui regrette que ce documentaire desserve "la cause qu’il croit défendre en altérant la confiance des patients, des équipes soignantes, du public".
"Fin 2019, dans la réforme du parcours de la maladie rénale chronique, tous les établissements se sont engagés à mesurer, dès 2022, les résultats de l’inscription à la greffe des patients suivis. Il se sont aussi engagés à ce que la qualité soit prise en compte dans les financements. La priorité doit bien évidemment être donnée à la greffe quand elle est possible, nous en sommes convaincus. Mais, il est primordial de rappeler que l’une des principales raisons de la difficulté d’accès à la greffe est le manque de greffons", abonde REINOMED, qui regroupe les représentants de 24 établissements de santé privés non lucratifs spécialisés dans la prévention, l’accompagnement et le traitement des maladies rénales chroniques, dans un communiqué.
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