Liberté d'installation, financement de l'hôpital, dépendance… Ce qu'il faut retenir du Grand oral santé des candidats
"Nous sortons d’une pandémie qui a mis par terre notre économie et a révélé nos fragilités, a déclaré la candidate socialiste, qui ouvrait le bal de ce Grand Oral. Les conditions de travail dans les hôpitaux, dans les Ehpad, sont inacceptables, inhumaines. Les sages-femmes se retrouvent dans une situation où elles ont l'impression d'être maltraitantes." "La logique de l’hôpital entreprise nous a fait beaucoup de mal, a-t-elle déploré. Je propose de rompre avec ce système, de partir des besoins de santé de la population pour évaluer les besoins de financement de notre système de santé." Principale préoccupation des Français, les déserts médicaux ont également été évoqués par les candidats. "On a besoin de 15.000 médecins par an face aux déserts médicaux. Oui le numerus clausus a sauté, mais dans les faits il faut des places dans les formations universitaires, arrêter ce massacre sur Parcoursup qui ne permet pas d'aller chercher des jeunes motivés."
"Je ne suis pas pour une obligation à aller dans des zones où les jeunes ne veulent pas aller. Je propose que la 4e année d’internat (de MG) soit une année de professionnalisation dans les déserts. Ces jeunes doivent être payés correctement. Dès 2020, nous pouvons avoir 4000 jeunes dans les déserts, accompagnés par les départements." "Notre système de santé a tenu grâce à l’abnégation des médecins. En contrepartie, 7500 lits ont été supprimés." "Il faut également accompagner les nouvelles pratiques des médecins : beaucoup de jeunes souhaitent soit pratiquer dans les maisons de santé, soit être salariés." "Pendant longtemps la santé des femmes françaises était une fierté. Aujourd'hui, on a des sages-femmes qui se sentent maltraitantes vis-à-vis des patientes, ce n’est pas possible. Ce pacte républicain est rompu. Il faut plus de sages-femmes (1250 en plus chaque année) et une 6e année de formation pour tenir compte de ce qu’est devenu, ce que va devenir, le métier." "Je m’engage à recruter au minimum 40.000 personnes en Ehpad, mais j’ai conscience qu’il faut aller au-delà. Il faut mettre en place des tarifications sociales dans les Ehpad."
Olivier Véran est intervenu pour vanter le bilan santé du Président Macron : les revalorisations du Ségur de la santé, la fin du numerus clausus, les consultations psy remboursées, l'innovation en santé - et notamment dans le cadre du numérique en santé (Mon Espace Santé...), mais aussi la gratuité des tests de dépistage du Covid-19, etc. "Nous poursuivrons les mêmes ambitions", a-t-il déclaré, ajoutant que "le président, candidat, a souhaité faire de la santé l’un des grands chantiers du quinquennat à venir". "Nos soignants ne sont pas suffisamment payés. Nous avons accordé plus de 10 milliards d’euros de revalorisations, c’est historique. Oui, nos établissements sont vétustes : nous avons réalisé plus de 19 milliards d'euros d’investissement. Il reste beaucoup à faire, nous le ferons." "Nous avons besoin d’embaucher plus, d’ouvrir davantage de lits, Je ne veux pas de soignants qui se demandent si on aura besoin d’eux dans 10 ans", a-t-il ajouté faisant référence aux craintes de fermetures d'établissement.
Il a également annoncé qu'"Emmanuel Macron organisera une grande conférence sur le système de santé s'il est réélu en avril à la présidence de la République". La question des rémunérations, notamment pour l'exercice libéral, serait mise sur la table à cette occasion. Il a évoqué "un plan ambitieux autour de la santé de la femme", en particulier sur les sujets de l'infertilité, la ménopause et le post-partum, ainsi que "des bilans de santé complets et gratuits aux âges clés de la vie" pour améliorer la prévention. "Nous allons former 20% de soignants en plus. 13.500 places en plus en Ifas (Institut de formation des aides-soignants) et en Ifsi (Institut de formation en soins infirmiers) vont être ouvertes. Nous faciliterons également les passerelles entre les métiers." Sur la question de la dépendance et du scandale des Ehpad, Olivier Véran a estimé que ça n'est pas "une question de public contre privé". "Nous avons augmenté de 10% le nombre de personnels dans les ehpad, et nous avons revalorisé les salaires. Nous allons y renforcer la coordination médicale".
"Qui décide des politiques de santé ? Un récent rapport a montré que les cabinets d’expertise de consultants ont totalement gangrené les politiques publiques, c’est choquant. Ces derniers ont expliqué combien de lits il fallait fermer, sont allés dans les ARS. Dans mon projet, il y a une loi de séparation de l’intérêt général et l’intéret privé. Il va être temps de rendre à la puissance publique son pouvoir de décision en matière de santé", a déclaré le candidat écolo devant les acteurs de santé. Ce dernier a indiqué vouloir mener "une très grande politique de prévention, une politique de lutte contre l’obésité, mais aussi imposer des plans santé au travail qui accompagneront la remise en oeuvre du compte pénibilité, supprimé durant ce quinquennat". Il veut "identifier les besoins en santé par territoire, et c’est sur cette base que l’on définira le budget de la santé." "Aujourd'hui, 8 millions de Français n’ont pas accès à un médecin. Durant une période transitoire, il faut un conventionnement sélectif, mais aussi une obligation d’installation. J'assume totalement, je n'ai pas peur de le dire", a-t-il déclaré, largement applaudi par l'assemblée. "Ce n’est pas simple après dix années d"études: vous avez déjà tellement donné. On accompagnera en termes de rémunérations", a-t-il rassuré.
La question de la médecine scolaire a également été abordée : "Il faut remettre de la médecine à l'école. Le retrait total des infirmiers et médecins en milieu scolaire est une catastrophe. Nous recruterons 3000 médecins, 1000 assistants sociaux et 3000 infirmières." Sur la dépendance, Yannick Jadot a annoncé que s'il était élu, il interdirait "toute nouvelle demande de création d’Ehpad privé à but lucratif". "On va obtenir 8 à 9 milliards d'euros sur l'impôt sur les successions des grandes fortunes : cet argent servira pour la perte d’autonomie, l'accompagnement à domicile, pour les Ehpad. Nous voulons aller vers un taux 1 pour 1 (1 personnel pour 1 résident)." Il s'est aussi exprimé sur la question de l'attractivité des métiers : "180.000 infirmières en capacité d’exercer ne le font plus. On peut faire revenir du monde. Mais ça veut dire mieux payer. Pour être sur la moyenne OCDE, il faut une augmentation d’au moins 10%. Au quotidien, ces personnels ont l’impression d’y sacrifier leur vie privée. Pour les médecins hospitaliers, là aussi ya une question de rémunération. Il faut mieux rémunérer les médecins hospitaliers si on ne veut pas payer 2, 3, 4 fois plus cher en interim." "Je ne suis pas pour la grande Sécu car il s’agirait de mettre la santé et la Sécu à Bercy. Bien sûr il faut travailler sur la question des frais des mutuelles. Mais les mutuelles ont un rôle majeur à jouer en matière de prévention, sur les territoires. Je suis favorable au maintien d’un système avec deux acteurs. La Sécu c’est le coeur, mais humainement ça patine un peu."
"On a un système de santé qui sort lessivé des dix années qui viennent de s'écouler", a regretté Valérie Pécresse, candidate LR, qui estime que "la considération des professionnels de santé passe par autre chose que de simples revalorisations catégorielles. Il faut les toucher au coeur et pas forcément au portefeuille". "Pour les infirmiers, le Ségur n’a pas eu d’impact sur leur désir de quitter la profession. Aujourd’hui, il y a un système tenu à bout de bras par les personnels à bout de souffle." "Je propose un projet de reconstruction de notre système de santé, avec l'objectif d’augmenter notre espérance de vie en bonne santé de 3 ans en 10 ans." "Pour ma politique de santé, je veux une approche de santé globale. Le rôle des patients doit être mis en avant." Leur avis doit notamment être pris en compte dans le financement de l’hôpital." Afin d'améliorer l'accès aux soins, Valérie Pécresse entend "revaloriser l’exercice en ville" et veut "un investissement massif en faveur de la formation". "Il faut une 4e année de spécialité pour les étudiants en médecine générale pour augmenter la capacité des généralistes dans les territoires. J’ai choisi de garder la liberté d’installation, avec une contrepartie : que la dernière année se fasse dans les territoires carencés", a-t-elle expliqué. "C'est donnant-donnant : il y aura une revalorisation des actes." Elle veut en effet porter le C à 30 euros, et que "les autres actes soient aussi augmentés". "Les tarifs actuels ne reflètent pas la valeur des actes. Qui peut croire qu’une consultation de généraliste vaut 25 euros?" a-t-elle demandé, sans que cela ne provoque l'indignation dans la salle.
La candidate de droite veut par ailleurs "doubler les dépenses de prévention". La politique de prévention sera "donnée aux départements". "Il faudra s’appuyer sur les pharmaciens qui veulent aller plus loin dans le dépistage et la prévention." Au sujet de l'attractivité des métiers du soin, elle souhaite que "chaque professionnel de santé puisse évoluer durant sa carrière. L’heure est venue de reconnaître les compétences : deux ans de formation pour devenir IPA, c’est trop. Il faut libérer les énergies." A l'hôpital, Valérie Pécresse promet de "redonner une partie des clés aux soignants", "accorder plus d'autonomie grâce à un statut rénové". Dans le champ de la dépendance, elle souhaite, comme de nombreux autres candidats, privilégier le maintien à domicile, mais aussi "mettre en place une vraie charte de qualité et humaniser les Ehpad avec des nouveaux critères, comme le passage de 6 à 8 personnels pour 10 résidents". La candidate - dont les trois causes du quinquennat seraient la santé des femmes, les cancers pédiatriques et la santé mentale - veut passer de 10.000 médecins formés par an à 20.000 "d'ici la fin du quinquennat". Elle se dit également favorable à "une grande loi de décentralisation", souhaitant que les ARS soient "présidées par les régions". "Les départements deviendront les bras armés de la lutte contre les déserts. On définira la politique qui conviendra le mieux en fonction des territoires." Elle veut également permettre des stages pour les étudiants en médecine dans les hôpitaux privés et augmenter le nombre de maîtres de stage en ville. Enfin, elle compte "supprimer 200.000 postes de fonctionnaires dans les administrations administrantes" et créer "25.000" postes dans la santé.
"Je veillerais sur la santé des Français aussi bien mentale que physique", a promis la candidate d'extrême droite, énumérant les défis auxquels la France doit faire face : la pandémie et ses conséquences, les maladies chroniques, et le vieillissement de la population. "L’insuffisance de prise en charge en ville des soins non programmés et de la permanence des soins a conduit à une crise des urgences. La gouvernance doit être décentralisée à l’échelle départementale, voire du bassin de vie. Les ARS seront supprimées", a-t-elle indiqué. Elles "sont inefficaces, c’est très lourd et ça coûte une fortune", a-t-elle jugé, plébiscitant "une démocratie sanitaire locale." Elle entend renforcer l'hôpital public grâce à la mise en place d'une "direction bi-céphale : administrative et médicale". "Un moratoire sur la fermeture des lits sera par ailleurs instauré." Aux urgences, elle veut mettre en place "des équipes plus stables (30% d’intérimaires actuellement)". Par ailleurs, elle s'est opposée à la T2A. "La dégradation de l’hôpital tient pour une large part à ces réformes comptables. La T2A n’est pas adaptée à de nombreuses prises en charge." Elle plaide pour un retour à une dotation annuelle. Concernant les déserts, elle s'est montrée "hostile aux mesures contraignantes d’installation ou de conventionnement sélectif", "qui ne fonctionnent pas", mais est "favorable à des mesures incitatives". "Il faut revaloriser les consultations en zones sous-dotées ou des aides fiscales". Elle appelle en ce sens à "un débat pour savoir quelles sont les mesures les plus incitatives". Ces mesures doivent être couplées à "une politique d’aménagement du territoire" pour attirer les jeunes médecins. Autre réponse aux déserts médicaux : "l'extension du périmètre de compétences des professionnels du premier recours (pharmaciens, infirmières, sages-femmes)", a-t-elle fait valoir. "Il faudrait 30.000 contrats d'assistants médicaux", a-t-elle plaidé. D'autres revalorisations sont envisagées pour les médecins, notamment pour les visites à domicile et la PDSa. "Il faut installer des cabinets libéraux à côté des urgences, où les patients ne relevant pas de prise en charge hospitalière seront réorientés." Elle veut aussi revaloriser le salaire des infirmières de 10% pour qu'il atteigne "le niveau européen". Elle a souligné d'autres défis. D'abord, la santé mentale. "Il y a une urgence pour une loi santé mentale et psychiatrie. Le taux de suicide en France est supérieur à la moyenne de l’OCDE. Les troubles anxio-dépressifs croissent de façon alarmante. Il faut une meilleure remunération des psychothérapeutes et un remboursement de leur activité." Puis, le Grand âge. Elle appelle de ses voeux des mesures en faveur du "maintien à domicile, du taux d’encadrement et de la médicalisation des Ehpad".
Comme Anne Hidalgo, elle veut renforcer "le rôle de la sage-femme dans la prise en charge de la santé de la femme" et réclame le ratio 1 femme pour 1 sage-femme. "Il est aussi impératif d’augmenter les effectifs des services de pédiatrie hospitaliers et de la santé scolaire." Sur la recherche et l'innovation, elle entend renforcer les moyens des CHU et des IHU, augmenter le salaire des chercheurs, donner la priorité à l'approvisionnement en matériel et médicaments. Elle s'est aussi montrée sceptique sur l'embauche de praticiens à diplôme hors Union européenne. "Les pays sont privés eux mêmes de l’accès aux soins." "Il faut à nouveau effectuer un contrôle national de la maîtrise de la langue plutôt que laisser ça aux ARS, qui peuvent être influencées par des besoins urgents locaux", a-t-elle ajouté. Pour financer ces mesures (10 milliards de revalorisations salariales et 10 milliards pour l'investissement), Marine Le Pen veut s'attaquer à la fraude (15 milliards d'euros d'économies prévues), et "mettre en place une politique restrictive d’immigration (16 milliards d’économies)". Elle souhaite aussi "mobiliser le Fonds souverain français, qui va permettre aux Français d’être actionnaires de la maison France. Pour investir dans la relocalisation des entreprises, mais aussi pour financer le plan IRM scanner." "J’ai beaucoup de respect pour les médecins, mais il n’y a pas que les médecins. Il faut que l’ensemble des professionnels soient associés", a-t-elle conclu.
"La situation de l’hôpital public et de tous les établissements médico-sociaux est dans toutes les têtes depuis la crise. Mais elle s’est construite bien avant, avec les politiques d’austérité ces dernières années, un manque de reconnaissance pour les personnels, et une crise liée à l’adaptation à l’allongement de la durée de la vie, aux nouveaux risques", a regretté Fabien Roussel en préambule de son oral critiquant la recherche de rentabilité de l'hôpital. "Il faut changer le regard et le raisonnement vis-à-vis de l’hôpital public. Il a besoin d’une grande loi de rénovation". "L’Assurance maladie doit etre financée à la hauteur des besoins de la population. Je veux un remboursement de tous les soins à 100%. Il faut rétablir, voire augmenter les cotisations : arrêter les exonérations patronales, augmenter les salaires." Le candidat communiste dénonce par ailleurs que "l’Etat prélève aujourd'hui plus d’argent sur l’hôpital public qu’il n’en lui apporte". Il propose de fait de reprendre la dette des établissements de santé (30 milliards) et "un remboursement des frais liés au Covid". Il plaide pour "un moratoire sur la fermeture de tous les services, établissements et maternités". Fabien Roussel veut embaucher 100.000 personnels sur trois ans. "Il faut revoir les besoins de formation et prévoir des modalités de promotion professionnelle par validation des acquis de l'expérience". Il veut aussi augmenter les salaires. A l'instar de ses concurrents, il défend une démocratie sanitaire. "Je veux mettre en place des conseils territoriaux de santé avec des pouvoirs de décision permettant de définir les besoins et d’y mettre les moyens." Fabien Roussel prévoit de remettre sur la table l'obligation de garde des médecins libéraux s'il est élu.
Il appelle à la création d'un ministère dédié au Grand âgé. "Le privé lucratif doit être chassé du secteur. Il faut recruter 300.000 emplois pour correspondre aux normes européennes : un salarié pour 3 résidents." Il a dit qu'il ne voulait "plus entendre parler de réduction de la dépendance publique" au sujet de la dépendance et de la prévention de la perte d'autonomie. Le candidat a également été interrogé sur la santé mentale des soignants. "C’est terrible d’interroger les candidats pour savoir comment soigner les soignants… Peut être qu’avant il fallait en passer par là, que ce soit dur, qu’il fallait en chier pour devenir médecin. Peut être qu’il faut changer d’époque, qu’il faut respecter un peu plus l’humain. Les jeunes qui sortent après 12 ans d’études n’ont pas envie de travailler 70 heures par semaine, ils veulent une vie de famille, être heureux tout en exerçant leur métier avec passion, mais normalement. Il faut mieux les protéger dans le cadre de leur formation, via la médecine du travail. Modifier le système de garde des internes pour qu’ils ne s'abîment pas." Pour les jeunes qui se dirigent vers des études en santé, le candidat PCF propose de les "pré-recruter. "On leur paie un salaire pendant la formation. En retour, on leur demande de s'engager durant dix ans pour les services publics. Cela va de pair avec une revalorisation des salaires, de meilleures conditions de travail. Et surtout pas d’allongement de date de départ à la retraite : les soignants doivent pouvoir partir à 55 ou 60 ans."
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