Absence des ARS, cabinets fermés... Les médecins de ville transmettent leurs inquiétudes au Sénat

15/04/2020 Par Louise Claereboudt
Le 31 mars, la commission des Affaires sociales du Sénat mettait en ligne un questionnaire pour “relayer les difficultés” et les “suggestions” des professionnels de santé de ville auprès du Gouvernement. Un premier bilan vient d’être publié.
 

  Au 9 avril, 3.785 professionnels de santé issus de 48 départements ont répondu à la consultation lancée par la commission des Affaires sociales du Sénat quelques jours plus tôt. Parmi eux, un quart correspond à des médecins, 41% exercent une profession paramédicale (masseurs-kinésithérapeutes, infirmières…), 4% sont pharmaciens, et 29% pratiquent une autre activité médicale : sages-femmes, chirurgiens ou encore dentistes. Si la majorité se dit globalement plutôt bien ou bien informés, ces soignants, en première ligne, déplorent d’avoir reçu une information “trop tardive”, “en retard sur l’actualité”, “insuffisamment claire”, ou de “portée trop générale”. Selon ces professionnels, la communication, “trop hospitalo-centrée”, n’est malheureusement pas en adéquation avec les besoins sur le terrain. Ces derniers souhaiteraient des informations sur la situation locale plus régulières.

  “Canal unique” Par ailleurs, nombre d’entre eux pointe du doigt une “absence notable de l’ARS dans l’information aux professionnels”, ou une carence d’informations, y compris de la part de l’Assurance maladie. D’autres notent une “cacophonie” et des “informations contradictoires”. C’est pourquoi, certains répondants demandent la mise en place dans “canal unique” par lequel circulerait toutes les informations nécessaires, provenant du Gouvernement, de la HAS, de l’ARS etc. Face à ce manque ou cette carence d’information...

et face à des réglementations “mouvantes”, les professionnels de ville déclarent se renseigner grâce aux messages sécurisés de la DGS, la presse spécialisée et grâce à leurs réseaux (Ordre, syndicats, CPTS, URPS…). Si la fermeture des cabinets et la perte significative d’activité représentent, sans conteste, une des principales inquiétudes des libéraux, ces derniers se disent également “partagés” sur “la qualité” des recos délivrées par les autorités sanitaires. La moitié des répondants (50,2%) remet en effet en question “la pertinence, la clarté et la cohérence de ces recommandations”, alors que 38 % les jugent appropriées en l’état des connaissances scientifiques. Certains notent, par exemple, des incompréhensions entre dispensateurs et prescripteurs. “Des pharmaciens pouvant se voir contraints de refuser la délivrance de médicaments sur la base d’ordonnances s’écartant manifestement des recommandations officielles, notamment s’agissant de la prescription en ville d’hydroxychloroquine et d’azithromycine”, précise le bilan. Plusieurs “voix” se sont, par ailleurs, élevées pour défendre le traitement du Pr Raoult.

“Soldats sans fusil” Ils jugent également nécessaire d’améliorer le lien entre la ville et l’hôpital afin de favoriser la circulation des données scientifiques “sur l’efficacité de traitements expérimentaux”. Globalement, les professionnels consultés estiment que l’État n’était pas suffisamment préparé pour faire face à cette crise sanitaire. De même que les autorités sanitaires. Et ce, malgré les “signes annonciateurs” d’un risque épidémique à la fin de l’année 2019. Nombre d’entre eux relève la nécessité d’une souveraineté nationale et européenne en termes de productions de médicaments, ou encore d’équipements.  Au-delà de cette impréparation, les libéraux se sentent...

pour certains “lâchés” par leurs relais professionnels tels que l’Ordre. Ils se sont ainsi organisés pour poursuivre la prise en charge des patients en ville, en favorisant, par exemple, la création de “covidromes”. En parallèle, ils sont nombreux à s’être emparés de la téléconsultation (70% assurent y avoir eu recours). Toutefois, s’ils ont pu globalement trouver des alternatives pour continuer à soigner, les libéraux estiment avoir été envoyés “en première ligne comme de la chair à canon, sans les mesures adaptées et les protections adéquates” et ont l’impression d’être devenus de la “chair à virus”, des “soldats sans fusil”. Seuls 24,5 % des médecins, 32,2 % des pharmaciens et 14 % des infirmiers s’estiment convenablement équipés (masques FFP2, surblouses…). Ils pointent également du doigt le manque de formation et d’accompagnement des professionnels en première ligne pour faire face à une telle épidémie. De fait, certains réclament la mise en place “par les ARS de protocoles de prise en charge pluridisciplinaire des patients atteints du covid-19 en ambulatoire”.

  Interruption de soins Alors pour sortir rapidement de cette crise, et mieux la gérer, plusieurs points sont soulevés par ces professionnels : recours au dépistage massif, améliorer et augmenter la coordination entre médecine hospitalière et de ville, accroître la confiance dans les acteurs de soins primaires. Certains notent en effet des modes d’organisation remarquables, notamment grâce aux CPTS.   Également inquiets face aux difficultés d’approvisionnement sur des produits de santé, les libéraux, qui estiment par ailleurs qu’ils seront les “acteurs majeurs du déconfinement”, veulent enfin alerter les autorités les pathologies chroniques qui pourraient décompenser en l’absence de suivi, les autorités sanitaires ayant appelé à ne se rendre à une consultation médicale qu’en cas d’urgence.

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