La surprise a laissé place à l'agacement. Formé début avril à la vaccination, Pierre Chrétien, étudiant en cinquième année de médecine à la faculté d’Amiens, dans la Somme, se faisait une joie de mettre en pratique ses nouvelles compétences en trouvant quelques créneaux pour prêter main forte dans les centres de vaccination Covid. “J’avais envie de participer à cet effort national”, confie l’externe, joint par Egora.
Mais voilà, après avoir toqué à la porte de plusieurs centres et appelé les autres, l’étudiant n’a essuyé que des refus. Comme lui, les 180 étudiants en médecine de la faculté d'Amiens formés sont restés sur le carreau, tout comme quelque 80 étudiants en pharmacie. Pourtant, ces derniers sont autorisés à participer à la campagne vaccinale contre le Covid depuis la parution d’un décret, le 26 mars dernier.
Selon Pierre Chrétien, “certains centres n’étaient pas au courant qu’on pouvait vacciner”. Une information qui est également remontée aux oreilles de son professeur en santé publique, Maxime Gignon, qui a participé à former les carabins de l’Université de Picardie Jules Verne. “J'en ai profité pour faire passer le texte réglementaire à l’ensemble des centres [il en existe une douzaine, NDLR]”, explique l’épidémiologiste.
Complément de revenus
Cela n’a guère eu d’effet. “J’ai recontacté les centres après ce message, mais soit ils ne savent pas quel type de contrat nous fournir et comment nous rémunérer, soit ils ont des doutes au niveau de l’assurance et la responsabilité, comme nous ne sommes que des étudiants, ou, tout simplement, ils ne veulent pas de nous”, s’agace l’étudiant en cinquième année qui assure que seul un étudiant a pu faire quelques vacations. “Légalement il n’y a aucun souci, mais non, c’est impossible!”
“J’aimerais comprendre pourquoi les étudiants n’arrivent pas à trouver leur place dans ce dispositif alors qu’ils ont acquis les compétences”, s’insurge leur professeur qui indique que ses étudiants formés ont tous reçu un certificat. Pierre Chrétien avance plusieurs hypothèses : “Soit on n’a pas confiance en nous, soit on coûte cher…” “On est largement compétents pour vacciner, préparer les doses et surveiller les patients. On sait qu’on en est capables donc on a un petit problème avec notre reconnaissance”, martèle Pierre Chrétien qui assure que certains centres “manquent de mains”.
D’autant que, pour beaucoup, cette participation à la campagne vaccinale laissait entrevoir une opportunité de compléter leur salaire d’externes. “Contrairement à l’image des étudiants en médecine, parfois présentés comme des nantis, beaucoup ont besoin de travailler à côté de leurs études, ce qui n’est pas facile cette année. Vacciner, c’était pour eux de régler des problèmes financiers”, assure le Pr Gignon qui constate que, malheureusement, le blocage dans lequel se trouvent des étudiants de la Somme n’est pas une exception. “Partout sur le territoire, c’est quelque chose qui revient.”
Face à cette situation, la faculté de médecine d’Amiens a suspendu les formations. “C’est un peu former à perte que de former des étudiants qui ne vont pas pouvoir mettre ça en pratique. S’ils n’exercent pas, ils risquent de perdre tous les bénéfices de leur formation avec le temps”, a estimé le Pr Gignon, ajoutant toutefois : “Nous sommes prêts à reprendre dès que les étudiants pourront être recrutés par les centres, j’espère prochainement.”
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