Yves L’Epine, président du G5 Santé alerte sur le recul de la France concernant la production de médicaments et son manque d’attractivité pour les essais cliniques. De la capacité de la France à maitriser sa politique de santé publique dépendent des enjeux à la fois sanitaires, économiques et géostratégiques comme le précise Yves L’Epine. Un sujet qui sera évoqué lors du Conseil Stratégique des Industries de Santé (CSIS), le 10 juillet prochain, en présence du Premier Ministre.
Quel est l’objectif du G5 Santé ? Yves L’Epine : Le G5 est un cercle de réflexion réunissant les présidents d’entreprises de santé françaises, ayant un rayonnement mondial (voir encadré). Nos centres de recherche, de production et de décision sont en France. Nous travaillons sur l’amélioration de la compétitivité des entreprises de santé françaises afin qu’elles soient davantage créatrices de valeur sociale (à travers les emplois) et économique (via nos investissements et nos exportations). Quels sont les enjeux de l’indépendance sanitaire de la France ? Cette question est un vrai sujet, tout comme l’indépendance énergétique. L’indépendance sanitaire est la capacité pour la France de maîtriser sa politique de santé publique : accès aux innovations, maintien de capacités de R&D fortes et d’une partie suffisante de la production industrielle en France afin de limiter le risque de ruptures d’approvisionnement, mais aussi de faire face en cas de crise majeure (catastrophe naturelle ou industrielle, crise sanitaire, conflit). Les enjeux sont sanitaires, économiques et politiques. En matière sanitaire, les ruptures de stock déclarées à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm) ont fortement augmenté, multipliées par 10 entre 2008 et 2013. La Loi de modernisation du système de santé de 2016 a créé les « médicaments d’intérêt thérapeutique majeur » et l’obligation de plan de gestion des pénuries. Le nombre de ruptures s’est stabilisé mais des médicaments essentiels demeurent régulièrement concernés : anticancéreux, antibiotiques, vaccins, produits dérivés du sang… S’agissant d’économie, le recul de la France en matière de production pharmaceutique, la disparition progressive d’usines dans notre pays ont un impact sur l’emploi et sur la balance commerciale. Les enjeux politiques et géostratégiques sont aussi bien réels : le jour où un pays comme la Chine maîtrisera une part importante de la production mondiale d’un produit de santé essentiel, elle disposera d’un moyen de pression sur les autres gouvernements. Dans quelle mesure la France recule-t-elle sur le marché pharmaceutique ? Dans les années 80, une politique incitative forte en faveur de l’implantation d’usines a permis à la France de devenir le premier pays producteur de médicaments de l’UE. Encore en tête en 2007, elle est passée au 4e rang en 2014, loin derrière la Suisse, l’Allemagne et l’Italie. Et l’Irlande est aujourd’hui prête à nous dépasser. Concrètement, notre production pharmaceutique atteignait 25 milliards € en 2009, contre 21 milliards aujourd’hui. Il aurait été facile, dans un contexte mondial de besoins médicaux croissants et de vieillissement de la population, de porter cette production au-delà de 30 milliards €, niveau atteint par les trois premiers pays Européens. On évalue l’opportunité ratée à plus de 10 milliards € / an, soit plusieurs milliers d’emplois stables et un manque à gagner proportionnel sur la balance commerciale. Le choix d’une production en France est au contraire aujourd’hui moins souvent fait : sur 282 nouveaux médicaments autorisés en Europe entre 2012 et 2016, 86 sont produits en Allemagne, 68 au Royaume-Uni, 21 en France. L’attractivité de notre pays pour les essais cliniques diminue aussi : sur 100 études réalisées en Europe, la France participait à 42 études en 2008, seulement 20 en 2016. Comment y remédier ? Des conditions moins incitatives en France, des délais administratifs longs, la politique actuelle de baisse de prix sont notamment en cause. Il est urgent d’agir pour préserver les usines existantes en France, leurs productions de médicaments essentiels car une fois délocalisées, ces productions ne reviennent plus. Le G5 promeut donc des mesures pour un écosystème plus favorable : le respect des délais de mise sur le marché pour les médicaments innovants avec un niveau de prix européen, des mesures favorables pour la recherche clinique, des incitations pour les produits de santé fabriqués en France, indispensables à la santé des citoyens et largement exportés. Cette mesure doit permettre de renforcer l’indépendance sanitaire de la nation. Nous espérons un signal fort des pouvoirs publics lors de la prochaine réunion du CSIS, le 10 juillet, et surtout une traduction concrète au sein du futur Projet de loi de financement de la sécurité sociale (Plfss) 2019.
Le G5 réunit 8 entreprises françaises (médicament, diagnostic, dispositifs médicaux) : bioMérieux, Guerbet, Ipsen, LFB, Pierre Fabre, Sanofi, Servier et Théa.
Soit :
● Plus de 47 milliards € de chiffre d’affaires dans le monde
● 16,5 milliards € à l’export
● 6,7 milliards € investis en R&D dont 3,3 milliards € en France
● Plus de 47 000 emplois en France, dont 11 600 en R&D
● 57 sites industriels avec 20 000 emplois en France
● 35 sites de recherche en France
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