Présidentielle : le syndicat des jeunes généralistes et remplaçants distribue ses bons et ses mauvais points

29/03/2022 Par Louise Claereboudt
Politique de santé
A l’approche du premier tour de l’élection présidentielle, qui aura lieu le 10 avril, le syndicat de jeunes généralistes installés ou remplaçants Reagjir analyse les propositions santé des candidats et distribue les bons et les mauvais points.

  Alors que le premier tour de l’élection présidentielle se dessine, les jeunes généralistes (remplaçants, installés depuis moins de cinq ans et universitaires) sont bien décidés à faire entendre leur voix. Le syndicat Reagjir a ainsi analysé les propositions phares en matière de santé et d’accès aux soins des différents candidats et jugé de leur pertinence, dans un contexte de grande inquiétude exprimée par les Français et les professionnels de santé. Première de ces propositions qui reviennent régulièrement sur le tapis : la régulation de l’installation des jeunes médecins. Une fausse bonne idée, juge d’emblée le syndicat. "Des mesures de régulations de l’installation ont été mises en place dans certains pays européens comme en Allemagne par exemple et cela n’a pas permis d’améliorer l’accès aux soins", justifie sa présidente, Agathe Lechevalier, dans un communiqué du 3 mars. Elle ajoute : "De plus, c’est vraiment méconnaître le profil et les attentes des jeunes médecins" qui "viennent de finir au minimum 10 ans d’études", ont une vie personnelle (conjoint(e), enfants…) et "les mêmes attentes que la plupart des Français". "Les forcer à s’installer dans un territoire qu’ils n’ont pas choisi c’est le meilleur moyen de les rebuter de leur métier et ça ne garantit pas une installation pérenne dans le temps", écrit-elle.   Une réponse claire aux candidats de tous bords qui brandissent cette solution pour mettre fin aux déserts médicaux – qu’il s’agisse du conventionnement sélectif ou encore d’une quatrième année professionnalisante dans une zone sous-dense.

Forcer les généralistes à faire des gardes ou à rouvrir des centres de proximité fermés ne semble également pas "réalisable" pour Reagjir, bien que "tentante" pour les candidats. "Presser plus encore les généralistes est le meilleur moyen de les dégoûter de leur métier", estime sa présidente, qui ajoute que "la médecine ambulatoire se porte aussi mal que la médecine hospitalière". Les libéraux ne résoudront pas tous les problèmes, et risquent de s’épuiser davantage si on leur impose de nouvelles tâches, alerte-t-elle.   Le salariat : oui, mais pas que… Le Dr Lechevalier se montre également sceptique au sujet de la proposition de développer les centres de santé et, ainsi, le salariat. "L’idée en soi n’est pas mauvaise mais il faut tenir compte des réalités : la majorité des généralistes ne souhaite pas être salariée mais exercer en libéral", avance-t-elle, se basant sur une enquête réalisée par le Conseil national de l’Ordre en 2019 montrant que "72% des internes envisagent une installation libérale contre 19% une installation salariée pure". Pour la généraliste, les centres de santé ne peuvent être qu’une "solution partielle à la désertification médicale". Quant à l’idée de répartir différemment l’offre de soins sur le territoire, Reagjir délivre là encore un mauvais point. "Tout d’abord, il n’y a pas de zone surdotée en France", rappelle sa présidente. L’idée de créer de nouveaux établissements, "quelle qu’en soit la forme", "ne peut pas fonctionner", ajoute-t-elle, car "il n’y aura pas assez de médecins". "Nous perdons en moyenne 1000 généralistes chaque année." Le syndicat défend ainsi les délégations de tâches et le travail en équipe, mais aussi la multiplication de "terrains de stage pour accueillir et former les futurs médecins", en ville comme à l’hôpital, qui vont arriver dans les dix prochaines années à la faveur de la suppression du numerus clausus. Toutefois, l’idée de bâtir un projet de santé à l’échelle plus locale – telle que voulue par plusieurs candidats – apparaît attrayante pour Reagjir. "On voit que cela a déjà porté ses fruits avec des initiatives locales qui ont rendu certains territoires plus attractifs, comme dans l'Aveyron par exemple", avance la présidente, qui prévient cependant : "La limite c’est d’être à trop petite échelle". "On a beaucoup entendu les maires désirer chacun leur généraliste comme cela se faisait auparavant mais ce ne sera plus le cas. Aujourd'hui il faut penser collectif et délégation de tâches : un ensemble de professionnels de santé prend en charge un bassin de population." Enfin, alors qu’une majorité de candidats appellent à investir massivement dans la santé, le Dr Agathe Lechevalier émet des réserves : "Quand on voit aujourd’hui les difficultés qu’a la France à financer et soutenir ses hôpitaux, il semble utopique de penser que l’on y investira massivement demain." "Quant à payer plus des médecins qui iraient dans des déserts médicaux, cela ne suffira pas. L’argent n’est pas le moteur principal des jeunes médecins", a-t-elle ajouté, plaidant pour "une garantie financière aux débuts de l’installation, une meilleure protection sociale et un vrai accompagnement aux premiers pas".   Réglementer la télémédecine Cependant, la praticienne s’est montrée favorable aux propositions allant dans le sens d’une coopération renforcée entre la ville et l’hôpital, d’un allégement des tâches administratives, de la simplification de certaines procédures, ainsi que du développement de la télémédecine. A ce sujet justement, Reagjir a poursuivi son analyse dans un nouveau communiqué, daté du 29 mars. Le Dr Lechevalier a estimé que la télémédecine pouvait être "un outil utile dans certains cas" mais qu’il était "nécessaire de la réglementer, de la cadrer". Elle apparaît intéressante "pour un renouvellement d’ordonnance" ou encore "le partage d’imagerie", "déjà plus ou moins en cours", ainsi que bénéfique pour la télésurveillance de patients "pour certaines pathologies et sous certaines conditions". "De nombreuses solutions sont encore à l'étude, en cours d'analyse, pour déterminer ce qui est pertinent. Reste qu'il faudra toujours un médecin pour utiliser la télémédecine, une denrée rare", juge le Dr Lechevalier. Globalement, si le syndicat se réjouit que la santé soit enfin intégrée dans le débat présidentiel, il s’inquiète des propositions trop "floues ou utopiques" qui sont jetées à la volée pour satisfaire les électeurs.

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