Ramsay Santé aurait renoncé à reprendre les centres de santé de la Croix-Rouge

09/05/2022 Par Karen Ramsay
Santé publique
La CGT l’a appris hier : le groupe privé Ramsay Santé aurait mis fin aux négociations visant à reprendre six centres de santé franciliens de la Croix-Rouge. Une "bonne nouvelle" estime la déléguée syndicale centrale Croix-Rouge française, mais qui ne dit rien de l’avenir des structures.

  Article initialement publié sur le site Concourspluripro.fr L’information est encore "confidentielle" mais "bien confirmée", nous assure Carine Sedenio, déléguée syndicale centrale CGT Croix-Rouge française, qui en aurait été informée hier. "Je n’ai pas eu plus d’information et ils ne sont pas épanchés sur la nature de leurs divergences. Mais j’ai bien compris que c’était d’ordre financier : les conditions financières initialement prévues auraient changé en cours de route et visiblement la Croix-Rouge a estimé que les propositions n’étaient plus acceptables. C’est, en tout cas, que j’en ai compris." Et "c’est tant mieux" estime-t-elle, car c’est rare d’avoir "une aussi bonne nouvelle pour les salariés en plein projet de transfert". "Un vrai choc" Et par coïncidence, Carine Sedenio a demandé, hier matin, un point d’étape sur cette négociation et notamment sur les dates de transfert car "on nous a parlé du 1er avril, puis du 1er mai et après du 1er juillet..." L’information lui aurait été communiqué par la DRH au siège de l’association : "Peut-être que cela date de quelques jours mais en tout cas, on l’a appris hier", explique-t-elle.

La nouvelle était tombée un peu avant les fêtes de fin d’année : le groupe Ramsay Santé s’apprêtait à prendre les rênes de six centres de santé franciliens de la Croix-Rouge (deux centres parisiens et ceux de Villeneuve-la-Garenne, Meudon, Boulogne-Billancourt et Antony), sans que les salariés de l’association non lucrative n’en aient été informés. C’est en lisant le compte-rendu du conseil d’administration que ces derniers l’ont appris. "Ça a été un vrai choc, raconte une salariée à nos collègues d’egora.frQuand on s’engage à la Croix-Rouge, on porte des valeurs, on lutte contre l’exclusion, contre les inégalités d’accès aux soins... On a des convictions. Être repris par un groupe privé à but lucratif, qui va naturellement chercher à rapporter de l’argent à ses actionnaires, ce n’est plus le même engagement." Bien qu’elle n’ait pas encore été confirmée par Ramsay Santé et la Croix-Rouge [contactée par Concours pluripro, l’association n’a pas souhaité faire de commentaire "pour l'instant", NDLR], cette décision de Ramsay santé pourrait bousculer les projets de la Croix-Rouge. "Ils avaient assez hâte de se soulager de ce poids financier que représente la gestion de ces centres de santé, car ils partaient du principe qu’ils sont structurellement déficitaires et socialement peu utiles dans le territoire où ils sont implantés. Attention, ce n’est pas l’avis de la CGT, c’est ce qui nous a été dit par la Direction. Et très vite, ils ont glissé exclusivement vers l’axe financier car ils voulaient se débarrasser des branches mortes qu’ils avaient du mal à gérer ou pour lesquelles ils avaient du mal à recruter des médecins notamment." En revanche, poursuit-elle, c’est une "bonne nouvelle" pour les salariés qui "sont très contents de rester à la Croix-Rouge et surtout de ne pas passer aux mains du privé lucratif pour la plupart, bien qu’il y ait toujours une forme de rancœur suite à cette trahison de l'association. Mais c’est peut-être une bonne nouvelle de courte durée puisqu’ils m’ont dit oralement qu’il n’était pas question de fermer les centres – ce qui m’a rassurée car ces centres ont une vraie utilité dans ces territoires, notamment en termes de prises en charge et de soin" – mais qu’ils se donnaient jusqu’à fin juin pour décider de garder les centres de santé ou de continuer à chercher un repreneur non lucratif." "Quel gâchis" Jocelyne Sarrazin est chirurgienne-dentiste au centre de santé de la Croix-Rouge d'Haxo. Elle confie avoir été très inquiète car "on savait que pour rentabiliser les choses, ils seraient contraints à un moment donné de trier la patientèle. Et qu’en restant sur du secteur 1, ils seraient structurellement déficitaires. En dentaire, comme les soins sont plafonnés, on était sûrs qu’ils allaient nous faire dériver vers plus de prothèses comme le font aujourd’hui les centres low-cost. Certes, ils ne nous l’auraient pas imposé en première intention par peur de nuire à leur réputation, mais sous la pression de leurs actionnaires, ils n’auraient pas eu le choix…" Une impression confortée, explique-t-elle, par les confidences de ses amis, chirurgiens au sein de cliniques Ramsay. "Certes, comme praticien payé à l’acte, j’y aurais gagné… mais ce ne sont pas les valeurs essentielles quand on choisit de travailler à la Croix-Rouge", sourit-elle. Si elle concède que les médecins porteurs du projet de santé qu’ils avaient rencontrés "semblaient sincères, ce ne sont pas les financiers", rappelle-t-elle : "Nous n’avons jamais vu le business plan, eu aucune information… Ça cachait clairement quelque chose." Pour le Dr Eric May, médecin généraliste et vice-président de l’Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS), qui confiait, en avril dernier à egora.fr, qu’il était impossible de soutenir "ce type de structuration des soins primaires", l'annonce d'hier s’apparente à la fois à un "gâchis" et une "déception" pour cette association non lucrative qui "avait retrouvé un nouveau dynamisme avec des projets, des ambitions au service de la population et du territoire"… "Et depuis un an, cette annonce brutale et inattendue ainsi que l’absence totale de concertation et de visibilité sur le projet de santé lui-même nous a tous tenus en haleine", concède-t-il. Président du DAC Sud 92 qui compte à la fois des établissements privés et lucratifs, ainsi que des centres de santé de la Croix-Rouge, ce dernier s’attendait à ce que "Ramsay Santé vienne rassurer le DAC sur la pérennité notamment des engagements pris récemment par la Croix- Rouge, soit la mise en place de PASS ambulatoires dans les centres de Meudon et d’Anthony)", mais en vain… Aujourd’hui, "les salariés doivent se sentir doublement abandonnés, tant par la Croix-Rouge que par Ramsay Santé. Plusieurs sont d’ailleurs partis…" Pour l’heure, les six centres de santé restent tout de même inquiets pour leur avenir, concède Carine Sedenio, mais "la direction se laisse deux possibilités : continuer à chercher un repreneur, cette fois, issu du privé non lucratif ou garder des centres de santé avec des actions mises en place pour redresser les finances". "Quelle sera la stratégie de la Croix-Rouge ? Confier la gestion de ces centres à des collectivités ou à d’autres acteurs du soin non lucratifs ? En tout cas, j’espère qu’il y aura des repreneurs qui travailleront au service de la population et des territoires, et qui s’engageront dans la durée", affirme Eric May. "Ils ne se rendent pas compte que si les professionnels restent, c’est parce qu’il y a de l’éthique dans le travail, une équipe sympathique… mais ça ne remplit pas le frigo. Si la direction veut un plan de relance, elle doit accepter qu’il faut perdre à un moment pour gagner plus tard", souffle Jocelyne Sarrazin.     Karen Ramsay indique n'avoir aucun lien d'intérêt avec le groupe Ramsay Santé

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