Rémunération des médecins : ce que révèlent les chiffres corrigés de l'inflation
"Pendant longtemps, on a attribué aux médecins une image de nantis, leur interdisant par cet artifice de communication, toute revendication de revenus", résume le Dr Thierry Lardenois, président de la Carmf. Les chiffres qui sont dévoilés par la caisse de retraite des médecins libéraux dans son bulletin de décembre témoignent d'une autre réalité : en euros constants, c'est-à-dire corrigés de l'inflation, "les revenus des médecins n'ont quasiment pas progressé sur une vingtaine d'années", souligne le généraliste. Le BNC moyen de l'ensemble des médecins libéraux est en effet passé de 71 652 euros en 2002 à 94 878 euros courants en 2021, ce qui correspond à 73 799 euros constants, soit une augmentation réelle de seulement 3% sur la période. Le BNC moyen des généralistes, qui était de 60 850 euros en 2002, a atteint 80 844 euros courants en 2021, soit 62 883 euros constants (+3.34%). Les autres spécialistes sont un peu mieux lotis, avec un revenu moyen de 84 697 euros en 2002 et de 114 237 euros courants en 2021, soit 88 857 euros constants (+4.91%)*. "A titre de comparaison, le salaire net annuel moyen des salariés dans le secteur privé à temps complet a augmenté de 8.7% entre 2002 et 2019 en euros constants", souligne Thierry Lardenois.
Source : Carmf
La hausse de l'inflation aurait en fait neutralisé les revalorisations successives du C octroyées sur la période (de 20 euros en 2002 à 21 euros en 2006, 22 euros en 2007, 23 euros en 2011 puis 25 euros en 2017), montre cet autre graphique réalisé en mars dernier par le Dr Jean-Baptiste Fron, médecin généraliste créateur du site Recosmédicales.fr, à partir des données de l'Insee. La légère hausse du pouvoir d'achat ces vingt dernières années tiendrait donc davantage à "l'augmentation de l'activité le plus souvent conjoncturelle", relève de son côté Thierry Lardenois. "Le C devenu G est bloqué depuis cinq ans et les forfaits censés compenser ce blocage se sont révélés être des mirages en plein désert, estime-t-il. Les actes techniques bloqués depuis quinze ans obligent nos confrères spécialistes à abandonner certains actes pour lesquels la réalisation s'avère déficitaire." Alors que les six syndicats représentatifs de médecins libéraux sont en pleines négociations conventionnelles avec la Cnam, le président de la Carmf estime qu'il en va de "la survie de la profession dans toute sa globalité" de "revaloriser les honoraires". En effet, la pérennité du régime de retraite en dépend, souligne-t-il : "En dépit d'une augmentation en euros constants de 52.32% des cotisations retraite et d'une baisse contenue à 9.41% des prestations entre 2005 et 2021, nous sommes arrivés aux limites avant rupture. Une augmentation des revenus des médecins est maintenant vitale", plaide Thierry Lardenois. Pour le généraliste, c'est le seul moyen d'augmenter les recettes de la Carmf sans pressuriser davantage les actifs. "Quand on épuise son cheval à la tâche, il se couche pour ne plus se relever ! Si en plus des contraintes administratives, de la désaffection professionnelle, des charges toujours plus lourdes et du blocage des honoraires, on demande aux actifs des augmentations inconsidérées de cotisations, nos retraités seront bien sûr les victimes collatérales". *Si le taux de l'ensemble des médecins libéraux est plus faible que ceux des généralistes et des autres spécialistes, c'est parce que sur la période, la part des généralistes, moins bien rémunérés, s'est accrue (de 54.7% en 2002 à 57.9% en 2021), tirant la moyenne vers le bas, explique la Carmf.
72 320 euros. C'est le montant du BNC moyen des libérales en 2021. Soit 36% de moins que leurs confrères masculins, qui ont déclaré en moyenne 112 875 euros à la Carmf. Du fait de cette disparité de revenus, révélatrice d'un équilibre vie professionnelle-vie personnelle différent, "la féminisation de la profession a des conséquences sur la retraite de l'ensemble des médecins", relève la Carmf dans son bulletin. Alors que les femmes ont représenté 52.9% des nouveaux affiliés à la caisse de retraite en 2022, les cotisations encaissées –pour la plupart proportionnelles aux revenus- sont amenées à baisser, modifiant "durablement le financement des retraites". "Il faudrait donc davantage de cotisants afin d'obtenir le même niveau d'encaissement qu'auparavant."
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