"Jusque dans les années 1995/97, chaque médecin était seul dans le désert. Internet les a amenés à parler entre eux", explique à l'AFP le généraliste Christian Lehmann, voix influente sur Twitter (11.600 abonnés). 1997, c'est la préhistoire : les échanges se faisaient par e-mails. Aujourd'hui, de nombreux médecins communiquent sur les réseaux sociaux. D'une part, ils leur servent à interpeller des confrères pour leur demander un avis. "Ça peut être des questions sur l'utilisation des médicaments, des choses comme 'Mon patient avait tel résultat, je me demande si ça ne pourrait pas être telle maladie', ça peut aussi être des photos de problèmes dermatologiques par exemple", énumère le Dr Lehmann. Sur Twitter, ces demandes sont souvent accompagnées du hashtag #doctoctoc. Autre cas de figure : partager entre soignants "des choses très personnelles" comme "une souffrance vis-à-vis de la mort d'un patient ou d'un cas très difficile". Plus que Twitter, dont les messages sont publics, cet usage-là concerne surtout Facebook, où l'on ne discute qu'avec ceux qu'on a acceptés comme amis. Un groupe Facebook important, "Le Divan des médecins", fait l'objet d'une polémique depuis un article de l'Obs le 5 janvier. En cause, des publications se moquant du physique des patients, contenant des photos parues sans leur consentement ou des remarques sexistes.
Les administrateurs ont fait valoir que cela ne concernait qu'une infime minorité des 11.000 membres de ce groupe privé (soumis à inscription) et que ce n'était pas représentatif des échanges. Mais l'association de patients France Assos Santé a dénoncé une "atteinte gravissime" aux droits des malades. La ministre de la Santé Agnès Buzyn, elle, a jugé les commentaires incriminés "horribles", en y voyant "un enjeu de déontologie". Anonymat Le Conseil national de l'Ordre des médecins a indiqué à l'AFP qu'il avait signalé ces contenus à la justice, charge à elle d'ouvrir ou non une procédure. Car divulguer des informations couvertes par le secret médical en violant l'anonymat d'un patient est passible de sanctions pénales. "Les réseaux sociaux existent, chacun fait ce qu'il veut, mais il y a un code de déontologie et je pense qu'on doit autre chose à nos patients", déclare à l'AFP Stéphane Oustric, délégué général au numérique du Conseil de l'Ordre. Pour lui, les réseaux "n'amènent rien en termes d'amélioration des pratiques professionnelles", et pourraient être avantageusement remplacés d'ici quelques années par des échanges sécurisés sur un "espace numérique santé", dont la création figure dans la loi santé adoptée en juillet. "Aujourd'hui, est-ce que les réseaux sont une bonne chose : non. Est-ce que ça préfigure quelque chose de positif : oui", tranche le Pr Oustric. Pour autant, difficile de balayer d'un revers de main des pratiques qui font partie de notre quotidien. "On ne pourrait pas se défaire des réseaux sociaux, on vit avec notre temps et ça apporte plein de choses", relève le Dr Lehmann, qui dit avoir "appris énormément sur Twitter : sur le vécu des patients, sur le féminisme". Lui-même membre du "Divan", il insiste sur les différences d'usage entre Twitter et Facebook. "Les médecins sur Twitter savent qu'ils sont sur une agora publique", souligne-t-il. "Ils font attention, c'est rare qu'il y ait des problèmes d'anonymisation. Et si quelqu'un le fait, il est vite repris par les autres". "Facebook c'est différent : les gens ont l'habitude d'y poster leurs photos de famille, il y a un côté 'on est entre potes'", analyse-t-il. Conséquence : si la communauté Twitter "se modère elle-même", des modérateurs sont nécessaires sur un groupe Facebook. Or, dans le cas du "Divan", "il y en avait trois, ce qui est trop peu" pour 11.000 membres, juge le Dr Lehmann. Mais malgré ces différences, "l'entraide, le soutien, l'échange de compétences médicales sont présents sur les deux réseaux".
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M A G
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