Pourquoi les maisons médicales de garde ne vont pas sauver les urgences

09/11/2018 Par Mathias Wargon
Système de santé

Envoyer les patients vers des généralistes plutôt que vers les urgences quand les cas le permettent ? L'idée est séduisante. Sur le papier en tout cas. A l'heure où l'on cherche des solutions à l'engorgement des urgences, l'urgentiste et bloggeur Mathias Wargon refuse de voir dans les maisons médicales de garde la solution miracle. Et reparle de la question qui fâche : l'argent.

Ce billet a initialement été publié sur le blog du Dr Wargon : Organisation des urgences Alors chez lecteur, aujourd'hui et après la présentation du plan de santé de notre gouvernement, je vais causer maison médicale de garde (ou SAMI si tu préfères), en septembre 2018 (je précise parce que mon œuvre fera date dans l'histoire de la médecine et on lira encore ce blog dans plusieurs centaines d'années) . Nan parce qu'un truc aussi formidable qui décongestionne les urgences, c'est vraiment indispensable d'autant plus que tout le monde nous dit que c'est la panacée depuis, depuis combien de temps déjà ? ben depuis bientôt 20 ans, quand les médecins généralistes ont expliqué en 2001 qu'ils en avaient un peu marre d'être corvéables à merci le week-end et les jours fériés en plus de leurs heures de travail.

Donc on a créé les maisons médicales de garde avec les médecins libéraux, ou leurs remplaçants, ou leurs internes. Et comme parallèlement, on a vu augmenter le nombre de gens aux urgences, on en a conclu que c'était the solution (oui je suis bilingue). D'autant plus qu'à longtemps prévalu la légende que l'encombrement des urgences c'était essentiellement de la bobologie. Et gloire en soit rendue à notre président (si avec ça je suis pas nommé conseiller...) il a lui-même reconnu que ça ne représentait qu'environ 20% des patients et par ailleurs ce n'est pas de la bobologie mais de la médecine ambulatoire (qui ne nécessite pas A PRIORI de plateau technique). Et finalement ça peut sembler une bonne idée en tous cas pour les patients. La preuve, nos amis américains les mettent dans des centres commerciaux ou des pharmacies (faut vraiment regarder la vidéo !).   Bon ben alors tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Non? En fait depuis presque 20 ans, on ne retrouve aucune étude qui montre que ça désengorge les urgences (en fait les 20% de patients éventuellement réorientables). Ni en France ( à part des travaux d'études de jeunes gens futurs directeurs d’hôpitaux), ni à l'étranger et certains articles montrent plutôt le contraire (mais rien n'est vraiment clair et les systèmes toujours difficiles à comparer). Alors ces 20 % de patients représentent l'ensemble des patients ambulatoires sur toute la journée (le nycthémère pour les jeunes) et à l'heure d'ouverture des MMG, il décroit. Ah mais c'est bien la preuve que les MMG ça marche ! Ben pas sûr vu que c'est également l'heure où décroit la fréquentation de tous les patients. D'autant plus que les MMG n'acceptent pas tous les patients ambulatoires. Pas ceux qui sont compliqués, qui vont nécessiter un geste médical (comme une suture par exemple), pas ceux qui n'ont pas de couverture sociale, pas ceux qui n'acceptent pas de payer le reste à charge et souvent pas ceux qui n'ont pas de liquide ou de chéquiers (car oui, toi qui paies ton pain par carte sans contact chez le boulanger, c'est souvent compliqué à la MMG). Ah et pour pas ôter le pain de la bouche des autres médecins, ils n'acceptent pas non plus de faire des certificats (et donc le patient va attendre plusieurs heures aux urgences pour entendre que l'urgentiste n'a pas à les faire non plus ce qui va engendrer quelques tensions). Bon imaginons quand même que ça marche. Il faut de toutes façons garder le médecin qui voit ces patients aux urgences vu que la plupart ne sont pas éligibles. Donc pas d'économies pour l'hosto, qui va se garder les patients compliqués et ceux qui à la fin ne paieront pas (et pour lesquels rappelons le, l'hôpital ne sera pas payé du tout) lorsque la "crème des patients (faciles et rentables) va aller, peut-être à la MMG). Qui va envoyer les patients ? Le médecin ? C'est à dire que s'il a interrogé le patient, éventuellement un peu examiné, ça s'appelle une consultation. L'infirmière d'accueil ? Actuellement ce n'est pas sa responsabilité et en cas de malheur, malheur à elle (car l'ARS qui supervise les convention hôpital-maison médicale de garde sera la première à demander des comptes comme elle le fait même pour, ben pour n'importe quoi). Alors on dit que les infirmières à pratique avancées pourront justement le faire. Encore faudrait-il les payer et couvrir ce risque. Sachant qu'actuellement rien ne paie l'orientation vers la MMG, même si et grâce en soit rendue à la ministre et au président (ok pour la légion d'honneur) c'est un des points (le 25) des 52 propositions du plan santé (comme quoi y a pas que moi qui me suis posé la question). Il faut savoir que par contre les patients orientés vers la MMG par le 15 (procédure normale pour aller à la MMG) et par les urgences, rapportent un peu d'argent supplémentaire au médecin de la MMG (en plus des majorations nuit ou WE). Alors certes, en terme financiers globaux, un passage aux urgences coûte plus cher qu'un passage en MMG même avec les majorations. Sauf que les passages aux urgences resteront la majorité (sauf en pédiatrie qui représente quand même la plupart des envois dans les centres qui font des urgences pédiatriques). Mais on peut se poser la question également de cette offre supplémentaire dont on ne sait pas si elle n'encourage pas au consumérisme médical. Encore une fois, la médecine est en perpétuellement changement, notre façon de la pratiquer non.

Limiter la durée de remplacement peut-il favoriser l'installation des médecins ?

François Pl

François Pl

Non

Toute "tracasserie administrative" ajoutée ne fera que dissuader de s'installer dans les zones peu desservies (et moins rentables)... Lire plus

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