Ségur de la santé : et les médecins libéraux, alors?

22/07/2020 Par Sandy Bonin
Système de santé
Alors que le Gouvernement a dévoilé hier ses propositions pour améliorer le fonctionnement et l'organisation du système de soins, à l'occasion de la clôture du "Ségur de la santé", les syndicats libéraux n'ont pas tardé à réagir. Ils regrettent un plan trop tourné vers l'Hôpital et pas assez vers la médecine de ville, renvoyée à des négociations conventionnelles en fin d'année.

  A la suite du rapport remis par Nicole Notat, 33 mesures ont été retenues. Avec un objectif : "libérer les établissements de santé et personnels d'un certain nombre de contraintes" et "redonner du pouvoir d'initiative et de décision à celles et ceux qui soignent".  Une enveloppe annuelle de 50 millions d'euros a par exemple été débloquée pour financer l'ouverture ou la réouverture de 4.000 lits "à la demande" au sein des hôpitaux. Cela permettra de "s'adapter à la suractivité saisonnière ou épidémique", a expliqué Olivier Véran. Une refonte du mode de financement des établissements de santé a par ailleurs été annoncée, avec la mise en œuvre expérimentale de dotations populationnelles fondées sur les besoins des territoires pour "accélérer la réduction de la part de T2A". Ces mesures "forment une vision de la médecine hospitalo-centrée, et organisent la mise sous tutelle de l’hôpital et des ARS", déplore l'UFMLS allant jusqu'à dénoncer une "tentative homicide contre la médecine libérale".

"Le Ségur de la santé a vu l’Hôpital public obtenir des moyens très significatifs pour son développement. Les médecins généralistes ne comprendraient pas que le secteur ambulatoire ne bénéficie pas d’un investissement du même ordre, signal d'une volonté de transformation profonde du système de santé", a commenté le syndicat MG France qui attend beaucoup des prochaines négociations conventionnelles. Olivier Véran "a confirmé les moyens mis en œuvre pour le fonctionnement des hôpitaux, à hauteur de 19 milliards d'euros en investissements et 8,2 milliards en fonctionnement et revalorisations salariales. Cette aide conséquente de plus de 27 milliards devrait permettre à l’Hôpital et aux soignants qui y exercent de sortir de la crise et d’avoir un fonctionnement plus adéquat aux besoins de la population", a réagi la CSMF... qui qualifie ce plan de "Ségur de l'hôpital". "Là où il a fallu quelques jours pour dégager plusieurs milliards d’euros pour soutenir les personnels hospitaliers, la médecine de ville est renvoyée à la fin de l’année, sans aucune orientation sur les moyens qui permettraient d’accompagner sa réorganisation et favoriser la coordination au plus près des patients", s'agace la CSMF qui attend également de pied ferme les négociations conventionnelles. Le principal syndicat de médecins libéraux appelle le Gouvernement à " ouvrir de toute urgence un Ségur de la médecine libérale".

Moins critique envers le Ségur de la santé, le SML regrette toutefois "de ne pas voir explicitement exprimé par le ministre le montant de l’investissement fléché sur la médecine de ville".  De son côté, la Fédération hospitalière de France (FHF) estime que les propositions issues du Ségur sont "de nature à faire bouger les lignes d'un système de santé aujourd'hui traversé par de nombreux dysfonctionnements". "On semble sortir d'une logique purement comptable, aussi bien dans la gestion des lits que dans la gestion des établissements (...) pour aller vers une approche beaucoup plus pragmatique", s'est réjoui le président de la FHF, Frédéric Valletoux. Ces annonces "témoignent d'une réelle prise en compte des attentes des professionnels", a estimé de son côté Lamine Gharbi, président de la Fédération des hôpitaux privés (FHP), disant espérer "une nouvelle dynamique pour le monde de la santé". Au-delà des vastes investissements obtenus par l'hôpital, des annonces ont émergé du Ségur concernant la médecine de ville. La CSMF se félicite de voir que "quelques idées ou perspectives répondent à ses demandes". Le syndicat cite notamment "le soutien aux équipes de soins primaires et aux équipes de soins spécialisés, et plus largement à l’exercice coordonné sous toutes ses formes, la valorisation de la médecine spécialisée dans le cadre des démarches de qualité et de pertinence, le développement de la télémédecine en particulier de la  téléexpertise et de la télésurveillance, la mise en place d’une plateforme numérique pour le service d’accès aux soins avec des expérimentations, l’ancrage des hôpitaux de proximité sur les territoires." Le Gouvernement entend également étendre la Rosp à plus de spécialités médicales, via une prochaine négociation conventionnelle. Aujourd'hui, seuls les médecins traitants de l'enfant et de l'adulte, ainsi que les cardiologues, gastro-entérologues et endocrinologues peuvent en bénéficier. Une idée saluée par le SML, qui se dit "heureux d’avoir été entendu". "Toutefois, le SML posera deux conditions dans la future négociation conventionnelle : les futures Rosp devront être plus simples et plus lisibles que les Rosp existantes ; ensuite le calendrier de mise en œuvre des nouvelles Rosp des spécialistes devra être rapide", avertit le syndicat.

Le rapport présente aussi des recommandations portant sur la place des collectivités territoriales dans l’investissement en santé et sur la prévention de la perte d’autonomie. "La mise en œuvre de ces deux recommandations sera examinée avec la plus grande attention, tout particulièrement le niveau d'investissement dans les soins de premier recours", a prévenu MG France. Une négociation conventionnelle doit également aboutir à la création du service d’accès aux soins. "Des négociations conventionnelles urgentes devraient permettre d’aboutir dans un délai très raccourci à une véritable revalorisation de l’acte médical effectué en ville, au-delà des quelques thématiques issues du Ségur de la santé. Ceci ne peut s’envisager qu’avec des moyens conséquents à la hauteur des enjeux, comme cela a été fait pour l’hôpital public. Les Français ne comprendront pas que la médecine de ville soit oubliée à ce point. Les médecins libéraux ne peuvent accepter des paroles : ils veulent maintenant des actes et des moyens", conclut la CSMF.

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