L’adoption de la proposition de loi Valletoux a montré "l’importance d’une gouvernance territoriale du système de soins, a estimé le directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance maladie, ce lundi 19 juin, lors d’une conférence de presse. Et cette gouvernance a besoin de s’appuyer sur des données facilement utilisables. ‘Data professionnels de santé’ va aider les CPTS, les collectivités locales, et les conseils territoriaux de santé", dont le rôle a été précisé et renforcé par les parlementaires, à répondre aux défis de l’accès aux soins, a poursuivi Thomas Fatôme. Souhaitant accompagner les territoires, l’Assurance maladie a développé un nouveau site interactif, Data professionnels de santé, qui met à disposition de tous un ensemble de données en open data sur 32 professions de santé exerçant en libéral. Cet outil permettra aussi de "contribuer à l’intelligence collective et à la clarté des débats – parfois enflammés – en fournissant des indicateurs transparents, lisibles, indiscutables et objectifs pour garder la tête froide", a ajouté Damien Vergé, directeur de la stratégie, des études et des statistiques de la Cnam. Lancé lundi, le site s’inscrit dans une logique de poursuite de l’ouverture des données de santé, après Data vaccin Covid, créé en juin 2021, et Data pathologies, en 2022. Effectifs, densité, implantation géographique, honoraires, prescriptions… il regroupe un volume conséquent de données issues du Système national des données de santé (7 jeux de données et plus de 3 millions de lignes) sur les professions médicales et paramédicales sur une période de dix ans : 2010 à 2021. Une actualisation devrait être effectuée chaque année pour suivre les évolutions. Les données 2022 devraient apparaître au second semestre 2023. Comme Data pathologies, qui restitue "sous forme de data visualisation les travaux que mène la Cnam chaque année sur la cartographie des dépenses qu’on affecte à un certain nombre de pathologies, traitements et épisodes de soins", Data professionnels de santé propose une vue d’ensemble, une approche par profession et une vision territoriale (par département et par région). Et parmi les principaux enseignements qu’il en découle, on constate qu’"à la différence des autres professions de santé, les médecins voient leur densité baisser", a exposé le DG de la Cnam. En proie à d’importantes difficultés, notamment en termes d’attractivité, la profession de médecin est la cible de tentatives de régulation venant de plusieurs bords politiques. Si les amendements Garot sur la restriction de la liberté d’installation n’ont pas été adoptés par les députés, les médecins craignent un retour plus fracassant encore de ces idées coercitives dans le débat public. Présent lors du lancement de Data professionnels de santé, Egora a ainsi souhaité faire un focus sur les médecins généralistes afin de constater les évolutions de la spécialité au cours de ces dernières années. Plus de 2500 MG en moins depuis 2010 La publication de l’Atlas 2023 de la démographie médicale par l’Ordre des médecins mercredi 7 juin avait déjà posé le décor, dantesque. Si l’on n’a jamais eu autant de médecins sur le territoire, la médecine générale, elle, pâtit d’un manque d’attractivité. Les données mises en ligne par l’Assurance maladie, hier, ne peuvent témoigner du contraire. Alors qu’ils étaient 54 813 MG (hors médecins à expertise particulière) en 2010, ces derniers n’étaient plus que 52 291 en 2021. L’Ile-de-France, les Hauts-de-France et le Grand Est, ainsi que la moitié sud du pays, bénéficient des plus forts effectifs, à la différence des territoires d’Outre-mer, où l’on compte le moins de généralistes.
La baisse de la densité s’observe également sur la période (85 MG pour 100 000 habitants en 2010 contre 77 MG pour 100 000 habitants en 2021). Cela n’a fait que décroitre. Les disparités territoriales diffèrent des celles observées lorsque l’on tient compte uniquement du facteur effectifs. Ainsi, par exemple, l’Ile-de-France fait partie des territoires les moins dotés en généralistes en termes de densité. Facteur effectifs en 2021 :
Facteur densité en 2021 :
Chez les autres spécialistes médicaux, "il se cache des disparités" avec une hausse des effectifs de près de 20% chez les neurologues, et "une baisse de près de 20%" chez les dermatos et rhumatos, a indiqué Thomas Fatôme. Au global, le nombre de professionnels de santé a augmenté "de 40% en 2020", une hausse notamment portée par les paramédicaux "Les généralistes restent l’une des professions de santé ‘les moins mal réparties’ par rapport aux autres", a toutefois précisé Thomas Fatôme, qui fait un parallèle...
avec les masseurs-kinésithérapeutes, dont "la densité et les effectifs ont énormément augmenté sur les 10-20 dernières années" mais qui "restent une profession assez mal répartie". Et ce, bien que "le dispositif de régulation dans les zones sur-denses", qui impose un départ d’un kiné pour qu’un nouveau s’installe, commence à montrer ses effets, a-t-il ajouté. "On peut avoir un impact sur la répartition sur le territoire même si c’est vrai que c’est relativement lent", a commenté le DG de la Cnam. 52 ans en moyenne En 2021, l’âge moyen des généralistes français était de 52 ans (55 ans chez les hommes généralistes et 47 ans chez les femmes généralistes). Parmi les plus jeunes généralistes, on retrouvait davantage de femmes, ce qui confirme la féminisation de la profession. "Aujourd’hui, les femmes représentent 6 médecins sur 10 parmi les moins de 50 ans", a ajouté Thomas Fatôme. Si l’on compare les effectifs entre 2010 et 2021 (voir graphique ci-après), on observe également un net vieillissement des forces en exercice. En 2021, 4920 MG hors MEP avaient entre 65 et 69 ans, et 3098 avaient 70 ans ou plus. Le gros de l’effectif se trouve entre 45 et 64 ans.
50 000 généralistes en secteur 1 Sans surprise, le secteur 1 est largement majoritaire dans la spécialité médecine générale. 50 035 généralistes étaient conventionnés en secteur 1 en 2021, 1309 étaient conventionnés en secteur 2 et adhéraient à l’Optam/Optam-CO, 548 généralistes étaient en secteur 2 sans adhérer à l’Optam/Optam-CO, et 399 médecins généralistes n’étaient pas conventionnés. En 2010, le secteur 1 étaient déjà largement majoritaire. Les mécanismes de maîtrise des dépassements d’honoraires Optam (option de pratique tarifaire maîtrisée) et Optam-CO (en chirurgie et obstétrique) n’existaient pas encore. Ils sont entrés en vigueur en janvier 2017, remplaçant le contrat d’accès aux soins (CAS). 93% de libéraux exclusifs Le type d’exercice libéral est également disponible dans Data professionnels de santé. Depuis 2010, il a peu varié pour les généralistes. Ils étaient 91,5% à choisir le libéral exclusif en 2010, contre 92,8% en 2021. Le libéral mixte représentait en 2021 7,2% des généralistes. 179 000 euros d’honoraires en moyenne Le montant de leurs honoraires fait également partie des données qui viennent d’être rendues publiques. "Ce ne sont pas des revenus, il peut aussi y avoir des charges très élevées", a tenu à préciser Thomas Fatôme. Au total, les honoraires perçus (dont dépassements éventuels) s’élevaient en 2021 à 9 milliards d’euros. En moyenne, par professionnel, ils atteignaient 180 250 euros. Si l’on compare avec l’année 2010, on note une hausse de ces honoraires (ils étaient de 135 748 euros par MG en 2010, et d’un peu plus de 7,2 milliards au global). Mais les données ne sont pas mises en perspective par rapport à l’inflation notamment.
Pour comparaison, les honoraires moyens des chirurgiens-dentistes spécialistes d'orthopédie dento-faciale étaient de 655 561 euros par professionnel en 2021. Ceux des radiologues, de 617 315 euros par professionnel, et ceux des pédicures-podologues, de 4405 euros par professionnel. Concernant les dépassements d’honoraires, le DG de la Cnam s’est réjoui de l’impact des dispositifs de régulation. En médecine généraliste, ces taux baissent continuellement depuis 2010. "Jusqu’en 2012 on était sur des taux de dépassements des médecins spécialistes qui augmentaient de façon très dynamique. Depuis cette période-là, ça redescend assez fortement. On partage cependant un point de vigilance : il y a une petite inflexion pour à peu près toutes les spécialités en 2021 – en 2022 c’est plutôt en train de se stabiliser mais on n’a pas encore toutes les données. Il s’agit peut-être d’un effet crise post 2020 Covid avec une légère remontée des taux de dépassements." 760 794 euros de prescriptions par médecin Alors que Bercy a dévoilé hier ses pistes pour réduire les dépenses publiques, et en particulier les dépenses en matière de santé, la Cnam indique qu’en 2021, les prescriptions par les généralistes atteignaient 39,78 milliards d’euros. Les données post-2021 ne sont pas disponibles. L’Assurance maladie précise que les montants des prescriptions correspondent "à la base de remboursement des prescriptions médicales exécutées (séances de kinésithérapie, médicaments, etc.)", "à ne pas confondre avec le montant remboursé par l'Assurance Maladie (qui n'en est qu'une partie)". En moyenne, un MG a prescrit 760 794 euros de prescriptions de soins en 2021. Le plus gros poste de prescriptions était les médicaments (30%) pour plus de 12 milliards d’euros. Considérant que leur "gratuité" ou "quasi-gratuité" pouvait "conduire à déresponsabiliser le patient", Bruno Le Maire a annoncé que le Gouvernement réfléchissait à augmenter la franchise médicale sur certains médicaments. Cela pourrait rapporter jusqu’à 600 millions d’euros, selon Bercy. "Maintenant, j’ai la boule au ventre : jeune généraliste, je suis mis sous objectif pour avoir prescrit trop d’arrêts de travail" Les indemnités journalières prescrites par les généralistes ont représenté plus de 9,33 milliards d’euros en 2021 – afin de réduire l’évolution des dépenses d’IJ, l’Assurance maladie vient de lancer une campagne de mise sous objectif auprès des "forts prescripteurs". Viennent ensuite les prescriptions de soins infirmiers (4,82 milliards), de kinésithérapie (3,58 milliards), de biologie (3,26 milliards), les dispositifs médicaux inscrits à la liste des produits et prestations (3,23 milliards), etc. 1577 patients en file active Enfin, un focus est fait sur la file active et la patientèle médecin traitant des médecins généralistes. En 2021, la file active moyenne d’un MG s’établissait à 1577 patients, contre 1571 en 2016. Elle a chuté à 1489 patients en 2020, lors de l’épidémie de Covid. La patientèle médecin traitant moyenne s’établissait à 1001 en 2021 contre 849 en 2016.
Après Data professionnels de santé, la Cnam souhaite poursuivre la diffusion de ses données. Un petit frère pourrait bien naître plus vite que prévu. Et cette fois, il pourrait bien s’agir des produits de santé, fait-on savoir.
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