"Comme résumé de la situation, nous ne pouvons pas faire mieux", estime la Dre Agnès Giannotti, faisant référence à l’Atlas 2023 de la démographie médicale de l’Ordre, paru ce mercredi 7 juin. "Nous n’avons jamais eu autant de médecins en France" - 234 028 médecins actifs au 1er janvier 2023 (+8,5% par rapport à 2010), "les spécialités médicales, hors médecine générale, augmentent en proportion", et pourtant, "nous perdons chaque jour des médecins généralistes", regrette la présidente de MG France lors d’une conférence de presse dense en sujets brûlants. Rien que sur l’année 2022, la spécialité médecine générale a perdu 1 146 praticiens. "Ça veut dire plus d’un million de patients orphelins", indique la cheffe de file du mouvement.
Pour la présidente du syndicat, si les données portant sur l’année 2022 sont déjà alarmantes, "le mouvement s’accélère", et la baisse d’effectifs pourrait être bien plus importante en 2023. C’est pourquoi le syndicat réclame la création d’un Observatoire de la médecine générale, "pour surveiller ces chiffres". "Le manque d’attractivité de la profession et le fait de recevoir chaque jour depuis septembre des attaques sur notre profession découragent évidemment les plus jeunes et donne l’envie aux plus âgés de partir", analyse la Dre Giannotti, qui témoigne de la "difficulté" de faire face aux défis de l’accès aux soins dans un tel contexte.
Alors que le "refus de compensation de l’inflation, qui a abouti de fait à une dévaluation de nos consultations, a porté un coup à la profession", plusieurs propositions de loi coercitives, et notamment la PPL Valletoux, veulent "charger la barque" des généralistes. "L’ambiance s’alourdit", constate Agnès Giannotti. Observant le virage vers une "logique consumériste, qui considère la santé comme un marché financier", citant – sans la nommer – l’offre d’abonnement de téléconsultation illimitée lancée par Ramsay Santé, Agnès Giannotti s’offusque que l’on tape sur "ceux qui travaillent à un système de santé solidaire".
"On attaque la profession, on lui enlève son sens, on ne la reconnait pas, on augmente les différences entre les spécialités, les contraintes, et on veut que la profession aille bien ?", questionne, non sans ironie, la syndicaliste.
La dernière provocation en date est le lancement "il y a deux jours" d’une campagne sur les indemnités journalières auprès des médecins par la Cnam, note-t-elle. "Avec des mises sous objectifs. Ce sont carrément des menaces !" "Des contraintes, des sanctions, on a le droit à tout le panel de stigmatisation. Nous sommes à la fois les victimes et les boucs émissaires du système", juge Agnès Giannotti qui affirme que "la coupe est pleine. Il faut arrêter de se moquer de nous !" Les raisons de la dégradation du système de santé et des problèmes d’accès aux soins, "on les donne depuis longtemps, à chaque conférence de presse, et pourtant les choses ne bougent pas…"
"Allons-y, détruisons les soins primaires !"
Bien au contraire, on sous-entend que les médecins "ne sont pas engagés territorialement", s’insurge la Dre Giannotti, "alors que nous faisons face à la détresse de nos patients tous les jours". Le titre-même de la PPL Valletoux, "proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels", est en ce sens "insupportable", aux yeux de la présidente de MG France. "C’est du mépris !" "Aujourd’hui, l’engagement des généralistes, c’est 54 heures en moyenne, 45% de burn-out, un engagement dans l’exercice coordonné : les CPTS, c’est eux, les centres de vaccination, aussi, tout comme les MSP. 96% du territoire couvert par la PDSa, c’est eux aussi", rappelle le Dr Raphaël Dachicourt, secrétaire général de ReAGJIR.
Pour la Dre Giannotti, ce que l’on veut faire avec la PPL Valletoux, c’est appliquer "les recettes qui n’ont pas marché à... l’hôpital à la ville". Comprendre : ajouter encore plus d’administratif. "On a détruit l’hôpital, allons-y détruisons aussi les soins primaires en ville !", lance la syndicaliste, remontée. "Ce n’est pas ça qui va nous aider à résoudre le problème [de l’accès aux soins], ce ne sont que des atteintes contre la profession parce qu’il faut un bouc émissaire, et parce qu’il faut un affichage de solutions rapides pour le politique pour affronter les prochaines élections. Ce qu’il nous faudrait, ce sont des solutions à long terme qui construisent un système de santé pertinent", avance la généraliste.
Le syndicat met en avant ses solutions, "qui ne sont pas des solutions magiques qui règleront le problème demain". "Il faudra que l’on travaille différemment", reconnaît la Dre Agnès Giannotti, au vu de la baisse de la démographie médicale. Le pays doit porter un "changement d’organisation", celui de "l’équipe de proximité", réclame-t-elle, constatant qu'"en France, il y a 0,3 équivalent temps plein par médecin, alors qu’il y en a trois en Allemagne". S’il y a eu "de réelles avancées" notamment sur l’assistant médical dans le règlement arbitral, cela ne suffit pas, pour MG France, qui pointe entre autres le problème des locaux – pas adaptés à un travail coordonné.
"Nous étions 47 000 médecins généralistes traitants en décembre. Nous sommes probablement moins aujourd’hui, mais nous sommes encore nombreux. Si nous nous organisons, nous pouvons gagner la bataille de l’accès aux soins, assure la généraliste du 18e arrondissement parisien. Mais il faut forcément des moyens, [redonner] de l’attractivité [à] la profession – car il n’y aura plus de professionnels de ville si on continue comme ça."
"Il faut un message fort"
Dans ce cadre, le syndicat a évoqué la reprise des négociations conventionnelles. Si la question de la date de cette reprise est dans toutes les bouches, "pour nous la question ce n’est pas quand, c’est avec quelles garanties". "Si rien ne change, on va retourner autour de la table pour rejouer le même jeu, ça n’a aucun sens", indique la Dre Giannotti. Pour rappel, les négos avaient échoué fin février après que l’ensemble des six syndicats représentatifs ont refusé de signer le projet de convention de la Cnam, dénonçant le mépris pour leur profession. Depuis le 24 avril, c’est le règlement arbitral rédigé par Annick Morel qui vaut convention. Aujourd’hui, la présidente de MG France attend "un message fort du politique, disant que le cadre a évolué".
Alors que la 4e année de médecine générale est actée, la Dre Giannotti réclame l’équité et l’égalité des revenus entre les spécialités médicales. Gage indispensable pour arrêter l’hémorragie qui touche la médecine générale. "Il n’y a que des spécialistes maintenant parmi les médecins !, a-t-elle défendu. Un tableau qui présente les tarifs des MG et les tarifs des autres spécialistes n’a plus de raison d’être." Avant de retourner autour de la table, la présidente de MG France demande "une lettre de cadrage qui pose ces bases-là comme préliminaire : même diplôme, mêmes qualifications, même reconnaissance".
Certains médecins généralistes ne croient toutefois plus en ce modèle conventionnel, et ont décidé de porter de façon contestataire le tarif de la consultation à 30 euros. La Fédération des médecins de France (FMF) a déjà apporté son soutien à ce mouvement, le Dr Marty de l’UFML-S a lui annoncé sur Twitter qu’il appliquerait dès le 12 juin le tarif de "30 euros ou plus chaque fois que nécessaire". De son côté, MG France dit "comprendre cette tentation", mais alerte les généralistes sur le fait que la démarche "n’est pas légale, sauf dans le cas du dépassement pour exigence, mais il faut pour cela que les collègues respectent les règles". Si le ras-le-bol est aussi ressenti dans les rangs du syndicat, "nous préférons gagner par la convention ces 30 euros auxquels nous avons légitimement le droit", avance la Dre Giannotti, également opposée au déconventionnement.
Toutefois, ajoute-t-elle, l’assemblée générale du syndicat, qui aura lieu dans deux jours, pourrait décider de durcir la contestation. "On verra si d’autres actions sont à l’ordre du jour…"
*Le règlement arbitral a revalorisé de 1,5 euro la consultation de base des médecins généralistes.
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