Un syndicat veut former les médecins à l'anglais médical… pour leur donner la possibilité de "s'expatrier"
En cette rentrée, le Syndicat des médecins libéraux (SML) vient de recevoir la stratégie nationale de santé. Le document, "sirupeux à souhait", selon la présidente du SML, la Dre Sophie Bauer, fixe les priorités du Gouvernement en matière de santé pour une durée de cinq ans. La chirurgienne de Seine-et-Marne déplore tout d’abord le manque de place du concept "One Health", "alors que ça pourrait être le fil conducteur [de cette stratégie] puisque l’idée est d’aller vers plus de prévention, une meilleure qualité de vie et plus d’implication des citoyens dans leur santé".
La présidente du syndicat a tenu à rappeler sa forte opposition à la proposition de loi Valletoux. "Forcer les médecins à faire des gardes" n’est pas une solution pour elle, c’est une "contrainte insupportable". Alors qu’au même moment "on entend des médecins qui raccrochent pour de bon", et des jeunes qui "refusent de s’installer dans ces conditions".
Rejoint par plusieurs syndicats et l’association Médecins pour demain, le SML a appelé à la grève illimitée le 13 octobre prochain contre ce texte et encourage la fermeture des cabinets. Il prévoit aussi d’"organiser des formations à l'anglais médical" pendant la période de mobilisation afin que les médecins "puissent éventuellement s’expatrier". La présidente du SML confie "comprendre qu’un certain nombre de confrères regardent du côté de l’étranger. Il y a déjà beaucoup de frontaliers qui sont partis, c’est une vraie hémorragie et ça continue". En plein "marché de la santé concurrentiel", elle demande aux dirigeants "un vrai investissement".
Un C à 50 euros
Parmi les principales revendications du SML : augmenter le tarif de base de la consultation à 50 euros, à hauteur d’un investissement de "5 milliards d’euros sur cinq ans". "Si on met la consultation à 30 euros, on sera encore en retard", confie sa présidente. "Il faut donner au libéral les moyens d’être efficient et efficace", poursuit-elle. Au risque, selon elle, de voir des "départs massifs" dans la profession et des "spécialités disparaître", à l’instar de la pédiatrie et de la gynécologie. Le SML se dit ouvert aux dépassements d’honoraires mais avec "tact et mesure". Cela signifie qu’"il ne faut pas faire un dépassement de cinq euros pour tout le monde". Concernant les forfaits, le SML propose de les "intégrer au tarif de la consultation à 50 euros".
Autre demande du Syndicat des médecins libéraux : l’ouverture du secteur 2 à tous. "On augmente d’un an les études des médecins généralistes, pourquoi n’y auraient-t-il pas droit ?", interroge la Dre Sophie Bauer.
La présidente du SML rappelle qu’environ "4%" des Français ne souhaitent pas avoir de médecin traitant. Ces patients arrivaient tout de même à être ponctuellement suivis notamment aux périodes de vaccination. Mais, depuis le 10 août dernier, les pharmaciens sont autorisés à prescrire les vaccins du calendrier vaccinal."Ça signifie qu’on ne verra plus ces patients, ils iront en pharmacie", remarque la présidente du SML. "On leur supprime un accès à la consultation médicale", conclut celle qui se demande comment continuer "la prévention et les dépistages" dans ces conditions.
Des prises en charge qui "péchent"
Concernant les prises en charge, elle reconnaît que certaines "péchent" encore en France et ne se retrouvent toujours pas dans la stratégie nationale de santé. Elle évoque notamment les patients relevant de "maltraitances". Même si des formations commencent à être proposées aux médecins en activité, "il n’y en a pas dans les facultés", déplore celle qui souhaiterait voir apparaître des formations continues sur le sujet pour "mieux repérer le public fragile".
La présidente du SML constate également un manque de considération de la psychiatrie, qui est dans un "état de délabrement lamentable". "Les patients ont besoin de consultations plus longues, or les tarifs se tassent", déplore-t-elle. La Dre Sophie Bauer craint soit "un système de santé calqué sur les pays émergents", soit "un système de santé à deux vitesses où des médecins vont se déconventionner".
La Dre Sophie Bauer a également mentionné un décret ouvrant aux esthéticiennes la possibilité de réaliser des interventions au laser, aujourd’hui utilisé uniquement par les dermatologues. Un avis favorable de la Haute Autorité de santé a été rendu concernant cette pratique. "On est très étonnés de cette dérive, confie la présidente du SML. On demande à vérifier les liens d’intérêts de la HAS." Pour elle, ce décret pose un problème de sécurité, que le SML ne manquera pas "d’attaquer".
Le syndicat ne manque pas de souligner une autre "dérive", celle des plateformes commerciales, notamment de téléconsultation. Le SML se dit en revanche favorable à la "téléconsultation conjointe". Elle s’effectue avec "l'infirmière au pied du patient" et "le médecin qui connaît le patient", afin de "maintenir une bonne sécurité".
Le SML rencontrera le 11 septembre prochain, le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, afin d’échanger sur cette stratégie nationale de santé.
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