Ils sont 300. 300 scientifiques, dont le Pr Jean-François Toussaint, le Pr Christian Perronne ou l’épidémiologiste Laurent Toubiana à vouloir faire entendre une opinion contraire aux messages diffusés par le Gouvernement ces dernières semaines. Dans une tribune, intitulée “Il est urgent de changer de stratégie sanitaire” face au Covid-19, ces derniers critiquent les mesures restrictives des libertés individuelles.
“Tandis que le Gouvernement prépare une nouvelle loi (la quatrième en 6 mois !) prolongeant le ‘régime d’exception’ qui a remplacé l'état d’urgence’ sanitaire, le ministère de la Santé a encore annoncé mercredi 23 septembre des mesures restrictives des libertés individuelles et collectives qu'il prétend fondées scientifiquement sur l'analyse de l'épidémie de coronavirus. Cette prétention est contestable. Nous pensons au contraire que la peur et l’aveuglement gouvernent la réflexion, qu'ils conduisent à des interprétations erronées des données statistiques et à des décisions administratives disproportionnées, souvent inutiles voire contre-productives”, affirment-ils par exemple.
Publié sur le blog de Mediapart, le texte commence étrangement par un “avis au lecteur”. “Cette tribune devait initialement paraître dans le Journal du Dimanche (JDD) ce 27 septembre 2020”, prévient le sociologue Laurent Mucchielli. Mais, explique ce dernier, dans l’après-midi, la journaliste du JDD en charge de la rubrique des tribunes prévient les auteurs que sa rédaction en chef a fait le choix d’interdire sa publication. “Certitude de détenir soi-même la vérité ? Couardise ? Volonté de ne pas déplaire au Gouvernement ? Nous ignorons les raisons de cette censure que personne n'a jugé utile (ou tout simplement courtois) de nous expliquer”, écrit Mediapart.
Les scientifiques, au fil du texte, expliquent que l’espoir de faire disparaître le virus est une “illusion”. “Le SARS-CoV-2 circule dans le monde depuis environ un an. Il continuera à circuler, comme l'ensemble des autres virus qui vivent en nous et...
autour de nous, et auxquels nos organismes se sont progressivement adaptés”, analysent-ils.
Ils qualifient également de “théorie catastrophiste” l’hypothèse d’une seconde vague “reproduisant le pic de mars-avril 2020”. “Au final, cette prétendue 'deuxième vague' est une aberration épidémiologique et l’on ne voit rien venir qui puisse être sérieusement comparé à ce que nous avons vécu au printemps dernier”, affirment ses auteurs.
Ils pointent également la difficulté des autorités sanitaires françaises “à stabiliser une communication honnête sur les chiffres de l'épidémie” : “Cette politique du chiffre appliquée aux tests conduit à une nouvelle aberration consistant à s'étonner du fait qu'on trouve davantage aujourd'hui ce qu'on ne cherchait pas hier. Elle conduit par ailleurs à des classements des départements ou des régions en zones plus ou moins ‘dangereuses’ à qui l’on donne de jolies couleurs qui cachent la fragilité et l’arbitraire du comptage : untel se retrouvera en ‘zone rouge’ alors qu’il y a moins de dix patients en réanimation, un autre verra tous ses restaurants fermés sans que l’on ait la preuve que ce sont des lieux de contamination majeurs”.
En conclusion, les auteurs de la tribune estiment qu’il n’y a pas de sens à “paralyser tout ou une partie de la vie de la société” en suivant des raisonnements qui sont parfois “erronés dans leurs prémisses mêmes”. Ils appellent à “remettre à plat” les connaissances scientifiques et médicales”.
[avec Mediapart]
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