Durée de remplacement

"J'ai mis 22 ans à m'installer" : les médecins fermement opposés à une limitation de la durée de remplacement

Faut-il limiter la durée de remplacement des médecins pour favoriser les installations ? Avancée lors des débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, cette mesure est largement contestée par les lecteurs d'Egora. 71% des professionnels de santé sondés s'y opposent, jugeant cette proposition "autoritaire" et dissuasive. 

11/11/2024 Par Chloé Subileau
Remplacement
Durée de remplacement

Depuis près d'un mois, les députés s'écharpent autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Comme chaque année, plusieurs propositions visant à réguler l'installation des médecins ont émergé. Parmi elles, un amendement suggérait d'empêcher un praticien "de cumuler plus de quatre années d'exercice au titre de remplaçant en libéral". L'objectif affiché par ce texte : "Favoriser l’installation durable des médecins sur le territoire", alors que ce mode d’exercice est "de plus en plus plébiscité" par les jeunes en début de carrière, détaillaient les députés à l'origine de cette proposition, menés par Guillaume Garot.

Côté soignants, cette mesure est loin de convaincre. Sur les 286 professionnels de santé qui se sont exprimés sur notre plateforme de débat, 71% sont opposés à cette proposition, qu'ils jugent "autoritaire" et inefficace. "Quelle que soit l'occasion, ce n'est pas dans la contrainte qu'on trouve la solution", lance l'un d'entre eux. D'autres lecteurs d'Egora se disent, eux, en faveur d'une limitation de la durée de remplacement ; un exercice qui ne peut être pérenne, selon eux. Voici une sélection de vos commentaires et arguments. 
 

La régulation doit se faire par des incitants financiers motivants

"C'est surréaliste de vouloir contraindre un jeune diplômé dans le choix du lieu où il souhaite travailler ! Vouloir rester près de sa famille et de ses amis, où on peut pratiquer facilement son sport ou loisirs favoris, vouloir un lieu proche des écoles si on veut avoir des enfants... C'est quand même un droit fondamental ! La régulation doit se faire par des incitants financiers motivants : les lieux à faible densité de population induisent des contraintes de travail, de déplacement au domicile des patients, et de revenus moindres, qui devraient être compensés par des remboursements plus élevés des soins qui compensent bien ces inconvénients... Il y aura alors des candidats !

Des 'exils forcés' vont dissuader les jeunes d'entreprendre des longues études si on les déracine ou les force à exercer dans des lieux où ils devront mettre leurs enfants au pensionnat et ne les voir que les week-ends et [les] vacances scolaires ! Acquérir une qualification ne devrait jamais être 'puni'..."

Par François P. 

 

L'exercice est tellement contraint que les jeunes refusent, à juste titre, de sacrifier leur vie

"Idées incroyable[s] de bêtise. Si on impose trop de contraintes, les médecins vont partir ou ne vont pas venir. L'exercice est tellement contraint que les jeunes refusent, à juste titre, de sacrifier leur vie. Le recrutement se fera si et seulement si le médecin trouve un cadre de vie agréable pour lui et sa famille, un salaire correct et la liberté de son emploi du temps."

Par Martine P., anesthésiste-réanimatrice 

 

Être vacataire indéfini ne nous permet pas de nous épanouir

"La durée du métier de remplaçant devrait être limitée à moins de cinq ans après la thèse, le temps de se fixer. Le métier de vacataire indéfini ne nous permet pas de nous épanouir de notre carrière au lieu d'être le bouche trou permanent."

Par Guislain R., médecin généraliste

 

Cela n'avancera pas leur date d'installation ni leur goût pour la médecine libérale

"Encore un délire autoritaire ! L'installation et l'exercice sont devenu[s] de telles galères, que ceux qui reculent à juste titre utiliseront tous les emplois possibles pour retarder leur date d'installation...

Avec la pénurie de médecins, savamment orchestrée depuis quarante ans, et dont le dernier avatar délirant est la réduction des postes d'internat, ils auront largement le choix de multiples postes salariés !!!

Et cela bien sûr n'avancera pas leur date d'installation ni leur goût pour la médecine libérale...

Quand donc les ministères et la Sécu comprendront-ils qu'on ne fait pas de la santé publique en s'aliénant les médecins et tous les soignants ?

A moins que leur agenda caché soit justement la disparition de tout reliquat de liberté, ce qui ne va pas accroître le nombre de volontaires !!!"

Par Marc J., médecin généraliste 
 

Fini les enfants gâtés qui ne bossent même pas six mois par an

"On parle de pénurie de médecins, c’est faux ! C’est qu’[il] n'y a pas assez de médecin[s] qui travaillent, c’est tout ! Que l’État n’[ait] pas pris en compte, la féminisation de la profession, entraînant deux voire trois médecins pour un temps plein. Quand une profession comme la médecine devient seulement un complément de salaire… Effectivement il aurait fallu multiplier par deux le numerus clausus. Pour régler le problème, c’est simple : limiter le montant annuel des revenus des remplacements (70 à 80 voire 100% de rétrocession quand c’est toi qui paye les charges c’est indécent !). Autre solution comme à mon époque : limiter à 50% la rétrocession ! Et le problème est réglé ! Fini les enfants gâtés qui [ne] bossent même pas 6 mois par an."

Par Gerald G., médecin généraliste

 

Je n'aurais jamais accepté d'être contrainte

"J'ai fait 22 ans de rempla avant de m'installer, mais si on m'avait obligé[e] avant, j'aurais fait autre chose, je ne sais pas quoi puisque j'avais décidé d'être médecin à l'âge de 14 ans, mais je n'aurais jamais accepté d'être contrainte."

Par Sandrine P., médecin généraliste
 

C'est une aide pratique à l'installation dont on a besoin

"Parce que c'est une aide pratique à l'installation dont on a besoin, ne pas avoir l'impression d'avoir le monde sur les épaules, des charges financières énormes, une CPAM contre nous, d'avoir des horaires de merde, d'entendre qu'on est trop bien payés, que c'est normal de travailler 60h par semaine et de n'avoir que 2 semaines de vacances par an après mes 9 ans de médecine corvéable à souhait et mal payée... Moi, je reste remplaçante pour l'instant, j'ai 3 enfants, mère isolée, pas de grands-parents, faut [s']adapter..... Et si je passe en salariat, ce ne sera pas parce que ça me convient, ce sera parce que c'est moins pire que [de] s'installer. Et peut-être que sinon je changerais de boulot"

Par Emilie B., médecin généraliste

Le statut de remplaçant à vie s'apparente à de l'exercice dégradé

"Le statut de remplaçant à vie s'apparente à de l'exercice dégradé. Que peut répondre un remplaçant sur le suivi d'un patient, c'est de de la médecine fast food ; pas de soucis pour le remplaçant, aucun investissement dans le quotidien du fonctionnement matériel du cabinet du remplacé et le suivi humain de la patientèle est proche du néant..."

Par Stephane J., cardiologue

 
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