C’est un constat que l’Association nationale des étudiants en médecine (Anemf) fait tous les ans : le coût de la rentrée pour les carabins augmente. Dans son traditionnel indicateur annuel, publié en ce mois d’août 2022 pour la sixième année consécutive, l’Anemf a calculé, par type de dépenses, combien les étudiants en médecine doivent débourser en moyenne pour une année en Pass, en LAS ou en quatrième année (première année d'externat). Rien que sur le plan universitaire, cette année, le coût moyen d’une Pass avec tutorat augmente de 17% pour atteindre 1.375€. A titre de comparaison, ce montant était de 1.172€ l’an dernier. Pour les étudiants ayant choisi une LAS avec tutorat, il leur faudra débourser 1.320€, ce qui représente une augmentation de plus de 13% des frais de rentrée, ces derniers étant de 1.161€ l’an dernier.
Montant moyen de l'année | Augmentation par rapport à 2021 (en %) | |
Pass avec tutorat | 1 375,06 € | +17,28 % |
LAS avec tutorat | 1 320,11 € | +13,66 % |
Pass avec tutorat et organisme privé | 6 760,17 € | +27,70 % |
LAS avec tutorat et organisme privé | 4 143,51 € | +14,21 % |
Les frais s’envolent pour ceux ayant préféré prendre une prépa privée en complément des tutorats, dont l’engagement a pourtant été reconnu par le ministère de l’Enseignement supérieur via un agrément. Selon les calculs de l’Anemf, une année de Pass, avec tutorat et prépa privée coûte 6.760€ en moyenne, soit une augmentation de plus de 27% comparé à l’an dernier. En LAS, ce montant est de 4.144€ (+14%). Mais ces chiffres varient fortement selon qu’on soit inscrit dans une université francilienne ou non (voir tableau ci-dessous).
Etudiants en Île-de-France | Etudiants en région | |
Pass avec tutorat et organisme privé | 7 081,64 € | 4 915,18 € |
LAS avec tutorat et organisme privé | 3 587,12 € | 2 656,93 € |
Les prépas privées… 212 fois plus chères que les tutorats Pour Yaël Thomas, président de l’Anemf, le tarif des prépa privées est l’un des “indicateurs les plus marquants de cette rentrée”. “On remarque qu’il y a une augmentation sans limite de leurs prix. Les organismes privés se font de l’agent sur le dos des étudiants stressés”, dénonce-t-il, rappelant que le travail des tutorats, lui, “porte ses fruits au fur et à mesure”. “Le rapport entre les tutorats et les prépas privées est de 212”, pointe aussi le président. En effet, d'après ces chiffres, le coût d'une Pass en région avec prépa privée est 29 fois supérieur aux frais d’inscription de l’université et celui de la LAS, plus de 15 fois supérieur. Comparé au prix du tutorat, le coût d'une prépa est multiplié par 183 en Pass et 190 en LAS. En Île-de-France, même constat : le tarif moyen d’une année avec prépa privée est 41 fois supérieur à celui de l'inscription à l'université pour les Pass et 21 fois supérieur pour les LAS. Si l’on compare avec les tutorats, c’est même 400 fois le prix d’une année pour les Pass et 265 fois pour les LAS. Bien que la structure étudiante dénonce ces montants hors de prix depuis plusieurs années, Yaël Thomas se veut optimiste. “Les étudiants sont de plus en plus nombreux à faire confiance aux tutorats”, souligne-t-il, citant le cas encourageant de la faculté de médecine de Brest, où on estime que seuls 10% des inscrits ont choisi de prendre un organisme privé en première année. “L’Anemf prône l’accompagnement des tutorats par les universités, par un soutien matériel, financier et pédagogique. Alors que l’investissement au tutorat doit être encouragé, les étudiants et le corps enseignant doivent être sensibilisés à l’impact social indéniable des organismes privés", insiste l’association représentative des étudiants.
Près de 4.000 euros l’année pour des externes payés 2,50 euros de l’heure Dans cet indicateur 2022, l’Anemf a intégré le coût moyen de la première année de deuxième cycle d’études de médecine (quatrième année ou début d’externat), évalué à 3.855€. Ce montant est en augmentation de plus de 3% comparé à celui de l’an dernier… tandis que la rémunération des étudiants, elle, n’a que très peu bougé. “À la suite de la revalorisation du point d’indice le 1er juillet 2022, la rémunération de l’étudiant en DFASM 1 a été augmentée, et s'élève maintenant à environ 216€ nets par mois”, précise l’Anemf. Cela correspond, dans les faits, à un salaire horaire net moyen de 2,50€ alors qu’un étudiant stagiaire touche une gratification horaire nette de 3,90€ minimum pour un stage d’au moins deux mois. Ce qui explique le montant très important de la quatrième année, ce sont les coûts engendrés par la préparation aux ECNi (désormais EDN). “Ces épreuves impliquent des dépenses en matériel pédagogique prépondérantes dans le budget des étudiants, notamment en lien avec le prix des référentiels”, rappelle l’Anemf. S’ils sont achetés neufs, l’achat de l’ensemble des référentiels nécessaires à la préparation de l’examen représente une dépense de 1.382€ “Une des solutions pour minimiser l’impact de l’achat de ces référentiels consiste à mettre à disposition de l’ensemble des étudiants la version numérique de ces ouvrages, et ceci gratuitement. Plusieurs collèges d’enseignants ont déjà entrepris cette démarche, mais celle-ci doit impérativement se généraliser, afin que la possibilité ou non d’acheter ces livres ne nuise pas à l’accessibilité et à la réussite des études, et n’impacte pas les autres pôles de dépenses de l’étudiant (santé, alimentation, logement, etc.)”, propose l’association. A cela s'ajoutent généralement 320€ de frais d’inscription moyens à un service d’aide de préparation en ligne, concurrents directs de la plateforme Sides. Enfin, l’Anemf relève qu’en Île-de-France, des organismes privés proposent des services similaires aux conférences d'entraînements des universités pour un total de 980€. En région, cela existe également pour environ 875€. Frais de rentrée, frais de la vie courante… les budgets secoués par l’inflation Prépas, tutorat, achat de livres, de blouses... Dépense spécifique à la rentrée, l'enveloppe du "matériel pédagogique" est donc l'une des plus importantes : ce poste de dépense représente 7.504€ en moyenne pour les Pass de la région Île-de-France ayant choisi une prépa privée et 5.399€ en moyenne pour ceux des autres régions. Avec les tutorats, ce budget est de 484€ en région et de 422€ en Île-de-France.
Pour les LAS d’Île-de-France ayant choisi une prépa privée, le budget du matériel pédagogique est de 3.955€ pour l’année, de 3.100€ en région contre 368€ avec les tutorats en Île-de-France et 443€ pour les tutorats des autres régions. L’Anemf précise que le tarif moyen des tutorats en région est de 26,79 € en Pass et de 13,95€ pour les LAS. En Île-de-France, cela varie : 17,71€ pour les Pass et 13,54€ pour les LAS. L’augmentation des tarifs des tutorats s’explique, selon l’Anemf, par “l’augmentation du nombre de services proposés par les différents tutorats, qui ne sont parfois pas assez soutenus par leur université”.
Enfin, le budget varie de 1.000€ pour les étudiants en quatrième année en fonction de leur faculté de rattachement : le matériel pédagogique coûte en moyenne 2.986€ en Île-de-France contre 2.006€ en région.
Plus de 1.000€ par mois de frais communs A ces frais de rentrée spécifiques à chaque filière s’ajoutent divers frais communs. Selon les calculs de l’Union nationale des étudiants de France, le coût de la vie étudiante augmente de 6,47% cette année de manière générale ; et les prix à la consommation, de 6% environ selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Parmi les frais communs, les associations étudiantes prennent en compte les complémentaires santé, par exemple, la contribution vie étudiante et de campus (CVEC), l’assurance logement ; mais aussi des frais de la vie courante, à commencer par le loyer. Il revient en moyenne à 502€ par mois en région et 671€ en Île-de-France.
Spécificité des études de médecine Ce n’est un secret pour personne : les études de médecine sont très chronophages. Que ce soit en première année commune aux études de santé (Pass, LAS) ou à partir de l’externat, les carabins sont bien souvent dans l’incapacité de pouvoir prendre un travail étudiant en parallèle et sont donc ultra-dépendants de leur salaire d’étudiant hospitalier et de leur bourse pour faire face à ces dépenses onéreuses. “Nous sommes doublement pénalisés : nous avons nos études, nous sommes étudiants hospitaliers mais nous avons un travail qui ne nous permet pas de vivre décemment. En même temps, on ne peut pas avoir de complément. Les étudiants qui sont le plus en difficulté prennent un job la nuit. Ils sont à l’hôpital le jour, travaillent la nuit… Mais ces situations ne sont pas viables et hautement à risque psycho-social”, analyse Yaël Thomas. “L’inflation est en partie prise en compte dans nos calculs même si ça risque d’augmenter encore”, poursuit-il. “Ce qu’on voit, c’est que le coût de la rentrée augmente, l’inflation aussi, mais le point d’indice de nos salaires et de nos bourses ne suit pas forcément cette inflation. Ce que les étudiants risquent, c’est une très grande précarisation. Nous demandons donc une réévaluation de notre salaire le plus rapidement possible au moins à hauteur de 3,90€ net de l’heure. C’est une demande raisonnable”, affirme le président de l’Anemf. “Nous ne voulons pas de mesures palliatives mais bien des mesures structurelles.” De plus, les stages en périphérie, fréquents dans leur cursus, sont un risque pour leur réussite universitaire, alerte l’association représentative des étudiants en médecine, qui demande la mise à disposition de logement et d’externat-internat ou alors d’une indemnité hébergement de 150€ comme c’est le cas pour les stages ambulatoires.
Désormais rattachés aux filières Pass et LAS, les étudiants en masso-kinésithérapie voient, eux aussi, leurs frais de scolarité augmenter cette année. Le coût de la rentrée pour une personne entrant en formation de kinésithérapie s'élève ainsi en moyenne à 6.424€, soit une hausse de 3,8% par rapport à la rentrée 2021 et un budget 2,5 fois supérieur à un étudiant inscrit en licence à l’université. Les frais de scolarité représentent un budget de 4.032€, qui varie selon les facultés de rattachement : un étudiant en masso-kinésithérapie dépense en moyenne 6.266€ de frais de scolarité pour étudier en Île-de-France contre 3156€ pour étudier dans une autre région, souligne la Fédération nationale des étudiants en kinésithérapie. Enfin, le matériel pédagogique (livres, blouses…) représente une enveloppe de 435€ en moyenne. Par ailleurs, les frais de la vie courante imputables aux étudiants en masso-kinésithérapie chaque mois connaissent une augmentation de 108€ soit 9,5%. Enfin, les frais spécifiques de rentrée ont explosé de 126€ par rapport à la rentrée dernière.
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