Décidément, la réforme du premier cycle des études de santé, mettant notamment fin à la Paces et au numerus clausus, aura fait couler beaucoup d’encre depuis sa mise en place, en septembre dernier. Inaugurée en pleine épidémie, avec des effectifs gonflés par la crise sanitaire, elle est bien souvent qualifiée de “chaotique” par les étudiants, qu’ils soient Paces doublants - autorisés exceptionnellement à redoubler sous ce régime - ou primants Pass/LAS. Car désormais, en effet, la filière unique n’existe plus. Les candidats à médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie (MMOP) y candidatent soit via une Pass, équivalent à l’ancienne Paces, avec une matière mineure de leur choix obligatoire en plus ; soit via une LAS, une licence avec une option santé leur permettant de rejoindre les filières MMOP grâce à une passerelle. Dernière nouveauté : le redoublement n’est plus permis. A l’issue de leur année, si les candidats ne parviennent pas à passer en deuxième année, ils poursuivront leurs études dans la matière majeure ou mineure, exception faite des LAS qui pourront tenter la passerelle deux fois pendant leur licence. Après la surcharge de travail remise en question à cause de l’option mineure ou majeure, les programmes mal ficelés, le manque de coordination entre les différentes UFR, le défaut de communication… Ce sont les effectifs qui sont pointés du doigt. Le dernier numerus clausus, publié en janvier, prévoit en effet 3.672 places en deuxième année aux Paces doublants, répartis dans toutes les universités de France. Un chiffre qui a surpris les primants Pass/LAS par son ampleur.
Très vite, ils se sont mis à dénoncer une inégalité des chances, rejoints par le collectif national Pass/LAS qui a multiplié lettres ouvertes, tribunes et sollicitations de députés sur le sujet. En réponse, Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a annoncé le 16 mars à l’Assemblée nationale un rehaussement des effectifs de deuxième année de médecine de 1.800 places pour les primants, soit une augmentation 12%. “Hélas, trois fois hélas, ce n’est encore qu’un effet de manche puisque cette augmentation de 12% ne compense pas les 52% de places en moyenne réservées aux ultimes redoublants de l’ancien système Paces”, n’avait pas manqué de réagir le collectif dans un communiqué. “Cette année étant une année exceptionnelle, une année transitoire, nous avons pris la décision, avec le ministère de la Santé, de faire en sorte qu’il y ait une équité de traitement entre un primant de l’année dernière Paces et un primant de cette année qui se présente à l'entrée aux études de santé”, affirme pourtant jeudi 25 mars Christine Ammirati, conseillère en charge de la santé et de la formation au cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation lors d’une conférence sur la réforme. Pour remettre les choses à plat, elle est donc revenue sur la méthode de calcul du nombre de places ouvertes en deuxième année pour les Pass/LAS. “Nous avons demandé aux universités de faire remonter le pourcentage de réussite des primants dans l’ancien système (système Paces, NDLR) sur les trois dernières années. Prenons comme exemple 100 primants qui se présentaient avant en Paces. Nous avons déterminé combien d’entre eux réussissaient dès la première fois. L’idée étant que le nombre de places pour rentrer dans les études de santé devait avoir le même pourcentage de réussite pour qu’il y ait une équité de traitement entre ceux qui avaient fait Paces et ceux qui rentraient en deuxième année avec le nouveau système”, poursuit-elle.
Cette règle générale est toutefois à appliquer en fonction de chaque université, dont le taux de réussite ainsi que le nombre d'inscrits est variable. “Selon les universités, on pouvait aller de 5 à 8% de primants reçus jusqu'à 23% de primants reçus. Chaque université a donc pour consigne de considérer que le nombre de places pour entrer en deuxième année doit être au moins égale à ce même pourcentage”, reconnaît aussi Christine Ammirati. Un constat qui fait dire à la collaboratrice de Frédérique Vidal qu’on ne peut pas affirmer que “12%, c’est insuffisant”. “Dans toutes les universités, on a pris comme plancher le fait qu’il devait y avoir au moins autant de place en pourcentage par rapport au pourcentage de réussite”, martèle-t-elle, inquiète que le message ne soit pas clairement passé auprès des étudiants. Un numerus adapté aux besoins de santé Mais parce que les choses ne sont jamais aussi simples avec la réforme du premier cycle… Ce n’est pas tout. A ce seuil plancher, ont été ajoutés “les besoins de santé de la population”, s’approchant du nouveau système remplaçant le numerus clausus. A partir de l’an prochain, en effet, il n’y aura plus de numerus annuel arbitrairement décidé par les ministères de tutelle mais des "objectifs quinquennaux", qui définissent pour cinq ans le nombre de médecins, sages-femmes, dentistes et pharmaciens à former en fonction des nécessités d’un territoire dans le futur. Ce “numerus apertus”, comme le surnomment les étudiants, sera notamment fixé par les ARS et les collectivités. Ainsi, dans la définition des capacités de formation pour la deuxième année de cette année universitaire 2020-2021, il faut ajouter au seuil plancher, une augmentation générale des effectifs. “Donc dans chaque université, le pourcentage de réussite cette année sera supérieur au pourcentage de réussite de l’année dernière puisque qu’il y a le plancher et des places supplémentaires”, résume Christine Ammirati.
Un discours appuyé par le Pr Nicolas Lerolle, doyen de la faculté de médecine d’Angers et membre du comité de pilotage de la réforme, qui appelle les étudiants, inquiets, à ne pas tout confondre. “Il y a deux choses”, alerte-t-il. “Nous voulons d’abord assurer l’équité d’un accès en filière MMOP promotion après promotion. Il y a évidemment un travail qui va se faire université par université en concertation avec le ministère pour que la deuxième chance de cette promotion, donc après une Las 2, fasse que le total de chances soit identique à ce qu’à eu la promo Paces 2019”, explique le doyen dans un premier temps. “On est des enseignants universitaires avant tout, on a quand même un sens des responsabilités auprès des jeunes. Il n’est pas question de sacrifier une promotion pour faire passer la réforme”, dit-il également, voulant rassurer les candidats. Mais pour lui, c’est un deuxième point qui inquiète les jeunes qui est source de confusion dans cette problématique des effectifs. “Il y a un souhait, qui n’est pas inscrit dans la loi mais qui est un souhait collectif, d’essayer de désormais faire passer l’essentiel des étudiants en MMOP dès la première chance, plutôt qu’à l’issue de la deuxième chance”, explique-t-il. “Or, cela imposerait, pour assurer l’équité, d’avoir une augmentation très importante des places pendant une année pour qu’aucune des promotions ne soit sacrifiée, avec en plus un nombre de redoublants paces très importants et un nombre de primants Pass/LAS très important également...” .
A ses yeux, les facultés ne peuvent tout simplement pas absorber une augmentation si massive d’étudiants en si peu de temps. “Tout simplement parce qu’on ne peut pas assurer ensuite qu’on amènerait cette promotion à la diplomation avec un parcours satisfaisant”, rappelle Nicolas Lerolle. Pour lui, bien que les exigences des étudiants en Pass/LAS et du collectif qui les représentent soient compréhensibles, il estime qu’il n’est concrètement pas possible de réviser ces deux aspects de la réforme en même temps. “En revanche, assurer l'équité, c'est un objectif principal. Faire la bascule de l’accès à la deuxième chance vers l’accès à la première chance, oui c’est un objectif, qui certes n’est pas inscrit dans la loi mais sur lequel nous sommes vigilants. Tout ça va prendre un peu de temps”. Il faudra donc, aux actuels étudiants des filières Pass/LAS, encore un peu de patience et faire confiance aux acteurs de la mise en place de la réforme. A quelques mois de la fin de l’année, les capacités d'accueil faculté par faculté en deuxième année les concernant n’ont toujours pas été publiées par les ministères, contrairement au dernier numerus clausus pour les Paces doublant. Sujet brûlant pour les facultés, elles font l’objet d’un peaufinage particulier par les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé, qui veulent éviter de nouveaux couacs.
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