Allongement du délai d'IVG : "Nos maternités sont en danger", alertent les gynécologues
Modifiée début mars 2022, la loi concernant le droit à l’IVG permet désormais aux sage-femmes de réaliser des IVG chirurgicales jusqu’à 10 semaines de grossesse (SG). Par ailleurs, le délai de recours à l’IVG médicamenteuse qui était passé à 7 SG durant la crise sanitaire a été pérennisé. Mais la mesure phare reste le délai maximum pour avorter qui est passé de 12 à 14 SG. Même s’il est évident pour le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) que cette mesure permettra de faciliter la prise en charge d’une partie des femmes se trouvant en grande difficulté à la suite d’un dépassement modéré du délai antérieur de 12 semaines (elles seraient environ 2.000 femmes par an contraintes de se rendre à l’étranger), cet allongement a reçu un accueil assez mitigé par la profession en raison notamment des difficultés techniques et organisationnelles que cela va engendrer. Des difficultés techniques et organisationnelles « La technique chirurgicale des IVG entre 12 et 14 semaines est bien plus complexe et fait appel à des techniques dites de morcellation. En effet, le fœtus est plus gros et le crâne plus compact. Il faut donc dilater davantage le col de l’utérus, ce qui exige compétences et temps, dans un contexte de sous-effectif chronique de soignants » explique le Dr Geoffroy Robin, Secrétaire Général du CNGOF. « En général, le geste prend 3 à 4 minutes pour une IVG avant 12 semaines et 20 minutes pour une opération à 14 semaines, ce qui implique une organisation différente pour les blocs opératoires », ajoute le Dr Cyril Huissoud, gynécologue à Lyon. S’ajoutent à cela des risques accrus pour les patientes. « L’allongement du délai maximum ne veut pas dire que les femmes ont deux semaines de plus pour se décider. Il est essentiel de privilégier une prise en charge la plus précoce possible car les risques augmentent à mesure que la grossesse avance » ajoute le Dr Robin. Autre inquiétude pour ces professionnels de la santé des femmes : les moyens dévolus à l’avortement. « Le droit à l’IVG ne semble pas être mis en cause dans notre pays, mais nos maternités sont en danger », avertit le Dr Huissoud. Or, tous les avortements chirurgicaux et une partie de ceux réalisés par voie médicamenteuse sont réalisés dans ces maternités.
Des maternités en danger Le nombre de maternités Françaises a diminué de 33% en 20 ans. Elles étaient 721 en 2000 pour passer à 478 en 2021. La plupart de celles concernées par une fermeture définitive sont des maternités de type 1, c’est à dire assurant moins de 1 000 naissances par an et disposant de moyens limités à la prise en charge des enfants nés à terme. « Ce sont donc des maternités de proximité qui ont disparu mais le maillage reste aujourd’hui encore satisfaisant avec un temps médian d’accès à la maternité de 9,1 minutes » précise le Dr Huissoud. Il y a eu un phénomène de redistribution qui n’a pas été anticipé par les autorités de santé pour le CNGOF. Les plus grosses maternités sont devenues de plus en plus grosses. Ces fermetures aujourd’hui subies, non planifiées et non coordonnées créent de véritables sources de tensions pour les femmes et les soignants. Accueillir l’afflux important de nouvelles patientes met une pression considérable sur les épaules des professionnels qui ont un sentiment désolant de prévarication, écrasés par le manque de temps et le poids croissant d’un travail dont la part administrative elle aussi s’accroît, sans jamais fléchir. « Notre spécialité est la seule qui ait à la fois une activité programmée et une activité d'urgences gynécologiques et obstétricales. Les urgences représentent jusqu’à 75 % de l'activité d'un service de gynéco-obstétrique » indique le Dr Huissoud. Mais pour le CNGOF, cette activité n'est pas reconnue comme elle le devrait. Résultat : des durées de travail pouvant dépasser 90 heures hebdomadaires pour les médecins qui ne bénéficient pas de statut spécifique et une absence de prime pour les sage-femmes.
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