Cellules souches : les académies veulent accélérer leur production industrielle
Les thérapies régénératrices, basées sur l’utilisation de cellules souches, se sont développées de manière prometteuse ces dix dernières années dans divers domaines tels que l'infarctus du myocarde, la dégénérescence maculaire, les arthroses et les ulcères cutanés. Ces nouvelles thérapies sont désignées en Europe sous l’appellation de "médicaments de thérapie innovante" (MTI). La production de cellules souches à ces fins est en voie d’être reprise par l’industrie pharmaceutique. C’est pourquoi, l’Académie nationale de médecine et celle des technologies ont jugé utile de faire un point sur ce "passage à l’échelle industrielle de la production de cellules souches humaines à usage thérapeutique" et de formuler, dans un rapport qui vient d’être publié, des recommandations pour faciliter cette transition, prévenir les risques liés aux essais thérapeutiques, mais aussi apporter l’aide nécessaire aux entreprises françaises dans ce domaine. Ainsi, après les cellules souches hématopoïétiques humaines (HSC), médullaires et de sang de cordon, utilisées principalement en hématologie, un espoir important repose actuellement sur les cellules souches mésenchymateuses (MSC), mais surtout sur les cellules souches pluripotentes embryonnaires (ESC) ou induites (iPS). Ces dernières sont produites à partir de cellules adultes après reprogrammation en cellules souches, puis différenciation en cellules matures de tous les tissus, et ont l’avantage de pouvoir faire l’objet d’une production de masse et d’éviter le questionnement éthique. "Elles représentent la matière première de la fabrication industrielle de cellules souches à usage thérapeutique malgré le double inconvénient d’être instables génétiquement et immunogènes", précisent, dans leur rapport, Raymond Ardaillou (Académie nationale de médecine), Bruno Jarry et Jean-François Stoltz (Académie des technologies), au nom du groupe de travail. Le retard français L’utilisation des cellules souches s’est initialement développée dans des start-up, souvent créées par des chercheurs. Or, le passage à la phase industrielle de la production nécessite "un changement d'échelle considérable des procédés de production des cellules et de leur préparation afin de les rendre identiques à ceux utilisés pour les médicaments disponibles sur le marché". Il s’agit, en particulier, de bénéficier d’équipements adéquats (bioréacteurs…), de standardiser les matières premières, de respecter les bonnes pratiques de fabrication et de maitriser les coûts. La France ne dispose actuellement que d’une dizaine de sociétés impliquées dans la préparation de ces MTI, et les essais thérapeutiques sont encore limités. L’industrie pharmaceutique est actuellement peu engagée dans cette voie. "Seul, le groupe l’Oréal travaille activement dans le domaine des cellules souches de la peau, essentiellement avec la société Episkin qu’il a créé", précisent les académies. En conséquence, sur dix produits "cellules souches" aujourd’hui sur le marché, il n’y en a aucun en France ; et sur la vingtaine de produits d’ingénierie tissulaire, seuls deux sont commercialisés en France, mais non remboursés par l’Assurance maladie. Le marché, évalué à 4,5 milliards de dollars dans le monde en 2014, pourrait atteindre 12 milliards en 2020 et 31 en 2026 (stem cells technologies and applications: market 2016-2026. Décembre 2015). Actuellement Il est dominé essentiellement par les Etats-Unis (2,3 milliards de dollars en 2016). En Europe (1,5 milliard), l’Allemagne devance ses voisins (France en 3ème position). Les recommandations des académies Les Académies de médecine et des technologies recommandent donc de faciliter aux industriels l'accès aux matières premières permettant de fabriquer des MTI, "en permettant à l'Établissement français du sang et aux banques de sang de cordon de leur fournir les cellules nécessaires […] ou encore en facilitant l'importation et l'exportation des cellules et des matières premières biologiques nécessaires à la production de MTI […]". Pour limiter les risques, les académies proposent par ailleurs "de rendre obligatoire la publication sur un site dédié de tous les résultats d'essais thérapeutiques et des incidents éventuels survenus, y compris les essais qui n'ont pas abouti à des résultats positifs". Et pour favoriser le développement des entreprises françaises dans ce domaine, les auteurs du rapport proposent de développer des "plates-formes pour apporter l'aide nécessaire en matière d'industrialisation aux petites structures de production". Ces plateformes peuvent "sélectionner les patients, reprogrammer et immortaliser les iPS, produire des lignées témoins isogéniques, créer des banques de cellules différenciées, le tout disponible sur catalogue, et donner des conseils pour la préparation des dossiers règlementaires", précisent les académiciens. Il s’agit aussi de renforcer la formation (universités, écoles d’ingénieurs), et de créer les conditions financières permettant aux sociétés d'aller jusqu'aux phases III des études cliniques pour "permettre l'émergence de nouveaux groupes pharmaceutiques spécialisés dans cet axe de la médecine régénératrice". Les Académies de médecine et des technologies soulignent enfin l’importance d’assouplir les contraintes réglementaires : il s’agit de "ne pas soumettre les projets développés sur le sol national à un niveau d'exigence supérieur à celui des autres pays européens". Les auteurs proposent, en particulier, d’ouvrir aux MTI la réglementation des ATU facilitant la mise sur le marché de ces produits innovants pour une durée limitée, dès la fin de la phase III des essais cliniques ; et de demander à la Haute Autorité de santé (HAS) "d’accélérer l’examen des dossiers et d’améliorer les conditions de remboursements des MTI ayant fait la preuve de leur efficacité".
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