Coronavirus : la chloroquine, un espoir justifié ?

28/02/2020 Par Marielle Ammouche
Infectiologie
Selon le Pr Didier Raoult (directeur de l'Institut Méditerranée Infection à Marseille), un traitement par chloroquine a montré des signes d’efficacité contre le coronavirus.

Il s’appuie, pour cela, sur les résultats d’une étude clinique chinoise : « nous savions déjà que la chloroquine était efficace in vitro contre ce nouveau coronavirus et l'évaluation clinique faite en Chine l'a confirmé », explique le Pr Raoult. « Finalement, cette infection est peut-être la plus simple et la moins chère à soigner de toutes les infections virales », ajoute le directeur de cet institut hospitalo-universitaire très impliqué dans la détection du nouveau coronavirus en France. L’étude en question, parue dans la revue BioScience Trends (Gao J. et al.), et publiée le 19 février, a été menée dans 10 hôpitaux chinois sur plus de 100 patients. Les résultats obtenus jusqu’à présent mettent en évidence que « le phosphate de chloroquine était plus efficace que le traitement reçu par le groupe comparatif pour contenir l'évolution de la pneumonie, pour améliorer l'état des poumons, pour que le patient redevienne négatif au virus et pour raccourcir la durée de la maladie », précisent les chercheurs chinois. Le texte de l’étude est cependant succin et préliminaire. Vu l’urgence de la situation, il n’a pas été validé par un comité d’experts scientifiques. En particulier, il n’apporte aucune précision sur les différences constatées. Pour les auteurs, l’effet observé pourrait être lié aux « capacités antivirales et anti-inflammatoires de la chloroquine ». Cette découverte pourrait être d'autant plus...

intéressante que « la chloroquine est un médicament peu cher et sans danger, utilisé depuis plus de 70 ans », insiste l'article. Selon les chercheurs chinois, un traitement de 500 mg de chloroquine par jour pendant dix jours serait suffisant. « C'est une extraordinaire nouvelle ce traitement qui ne coûte rien », a insisté le Pr Raoult auprès de l'AFP, se félicitant du travail des chercheurs chinois pour trouver un médicament efficace, voie à privilégier selon lui plutôt que la recherche d'un vaccin qui ne pourrait de toute façon pas être disponible avant de longs mois.   Manque de données Interrogé sur BFMTV depuis Rome sur ce traitement, le ministre français de la Santé Olivier Véran a assuré s'être entretenu à plusieurs reprises avec Didier Raoult : « Il m'a fait part de ses observations et des études qu'il mettait en évidence, que j'ai fait remonter à la direction générale de la santé qui est en train de faire toutes les analyses ». « On sait qu'il y a des études intéressantes en effet sur un impact in vitro mais les études sur le patient restent encore à déterminer », a encore dit le ministre Cette prudence est aussi partagée par plusieurs spécialistes français. « Il faut être extrêmement circonspect et prudent », note d'emblée François Maignen, docteur en pharmacie et spécialiste de santé publique, interrogé par l’AFP. Il pointe, en particulier les...

limites de l'étude chinoise. « Il faut avoir à disposition les protocoles, pour savoir comment l'étude a été conduite, quels ont été les critères d'évaluation, la population de patients », selon les standards habituels de tests de médicaments, explique-t-il. Et « une fois les résultats disponibles, il faut une phase de publication (...) pour que les données soient évaluées de façon critique » par des experts, notamment les scientifiques de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), poursuit-il. En l'absence de données cliniques solides et publiques, on ne peut pas en déduire une preuve d'efficacité ni des recommandations, insiste François Maignen, qui appartient au collectif « FakeMed », qui veut lutter contre les fausses informations en santé.   Un produit non sans risque pour la population Par ailleurs la chloroquine peut même être « très dangereuse en cas de surdosage », ajoute-t-il, alertant en outre contre le risque de développement de résistance à la chloroquine. « Il faut faire attention car la chloroquine (...) a un certain nombre d'effets indésirables (...), affections du système immunitaire, affections gastro-intestinales, nausées, vomissements, des troubles au niveau hépatique voire hématologique », abonde le Pr Jean-Paul Giroud, l'un des spécialistes les plus reconnus en pharmacologie et membre de l'Académie nationale de Médecine. C'est « un produit important contre le paludisme mais cela ne signifie pas pour autant qu'il faut l'utiliser contre n'importe quelle infection sans avoir la sécurité que ce produit entraîne une amélioration », ajoute-t-il, notant aussi le manque de données de l'étude chinoise. « Le problème, c'est que la Nivaquine traîne dans de nombreuses armoires à pharmacie », s'inquiète le médecin généraliste Christian Lehmann (collectif "FakeMed") qui invite « à ne pas toucher à la Nivaquine sans avis médical » en raison de sa grande toxicité. Et mercredi dans la soirée, le numéro 2 du ministère français de la Santé, Jérôme Salomon, a confirmé, au cours du point presse hebdomadaire du ministère : « Aujourd'hui, la communauté scientifique n'est pas très convaincue. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'y intéresser », a-t-il dit, mais avec des recherches bien plus poussées. Le Covid-19 est déjà à l’origine de quelque 80 000 contaminations et de plus de 2700 morts dans le monde.

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