L’intérêt particulier de l’activité physique en fonction de la vie reproductive des femmes
Bien qu’elles occupent le premier rang des causes de mortalité féminine avec 35% de décès des femmes – soit près de 9 millions en 2019 – les maladies cardiovasculaires (CV) restent sous-étudiées, sous-reconnues, sous-diagnostiquées et sous-traitées comme le souligne un récent rapport du Lancet(1). Et lorsqu’on évoque l’intérêt en prévention CV de l’activité physique (AP) chez la femme, c’est généralement la période de la péri-ménopause qui est pointée, alors que l’AP démontre des effets bénéfiques beaucoup plus tôt, dans la période de vie fertile d’une femme, et notamment lorsqu’un facteur de risque CV est identifié.
"Les femmes présentent des facteurs de risques propres à leur vie reproductive comme le syndrome des ovaires polykystiques (SOP), les complications de la grossesse, la ménopause précoce ou encore la prise de contraceptifs", a rappelé Carina Enéa, chercheuse et maître de conférences à la faculté des sciences du sport à l’université de Poitiers. "Et à ces facteurs spécifiques, s’ajoutent d’autres facteurs de risque traditionnels qu’elles partagent avec les hommes mais auxquels elles sont parfois plus sensibles comme le diabète ou le tabagisme. On retrouve, par ailleurs, des facteurs psychosociaux qu’il ne faut pas négliger".
Effet limité sur le risque d’HTA lié aux contraceptifs oraux
Méthode contraceptive la plus utilisée en Europe et en Amérique du Nord, les contraceptifs oraux concernent près de 20% des femmes, soit 150 millions dans le monde. En dehors de l’effet délétère des pilules sur l’hémostase, plusieurs études ont mis en évidence une augmentation de la pression artérielle et du risque d’hypertension avec l’utilisation prolongée d’un contraceptif oral(2). Alors qu’en est-il de l’effet protecteur de l’AP dans ce contexte ? Une petite étude transversale(3) a été réalisée impliquant 49 jeunes femmes (21,9 + 2,1 ans) réparties en plusieurs groupes selon leur statut hormonal (prise de contraceptifs oraux ou non) et leur niveau d’AP quotidienne. Chacune d’entre elles devaient répondre au questionnaire GPAQ (Global Physical Activity Questionnaire) de l’OMS qui tient compte de l’AP globale (professionnelle, loisirs et vie quotidienne). L’évaluation a porté sur la pression centrale et la rigidité des gros troncs artériels via la vélocité de l’onde de pouls, marqueur de la rigidité artérielle. Les résultats ont montré des valeurs plus élevées de la pression artérielle systolique chez les femmes utilisant une contraception hormonale mais pas de différence en fonction du niveau d’AP. À l’inverse, l’AP a montré un effet bénéfique sur l’onde de pouls mais pas la contraception hormonale. "Nous en avons déduit que l’AP ne permettait pas de contrebalancer les effets un peu délétères de la contraception hormonale sur ces variables physiologiques", a déclaré Carina Enéa. "En revanche, il est intéressant d’observer que dès 20 ans, il existe des différences en fonction de l’AP sur la rigidité artérielle. On ne s’attendait pas à un âge si jeune !"
Intérêt pour les femmes atteintes de SOP
Trouble endocrinien le plus fréquent chez la femme en âge de procréer, le SOP concernerait entre 5 et 20% de la population féminine, selon les études et les critères retenus, et se caractérise par des troubles de la fertilité, un hyperandrogénisme, et des complications métaboliques et CV, essentiellement dues à la modification du ratio œstrogènes / androgènes. Les femmes qui en sont atteintes présentent un risque multiplié par 1,75 de développer une hypertension, et par 3 de déclarer un diabète(4). Un risque d’autant plus marqué pendant la 3ème et la 4ème décennie de la femme(5). Dans cette population, l’AP apparaît comme un outil très efficace de gestion du risque CV notamment chez les femmes présentant un profil cardio-métabolique particulièrement altéré(6). "Mais attention, ici suivre les recommandations de l’OMS en termes de durée et d’intensité n’est pas suffisant pour avoir un effet optimal. Il faudrait cumuler 120 minutes d’exercice d’intensité vigoureuse", a précisé Carina Enéa.
Alliée de taille pour diminuer le risque de complications gestationnelles
Occasionnant des adaptations CV importantes, la grossesse peut parfois révéler certaines pathologies. En ce sens, 33% des décès durant la grossesse sont dues aux pathologies CV, et 50% au cours de la période post-partum. "Un véritable effort doit être fait quand on sait que 68 % de ces effets pourraient être évités", a déploré Carina Enéa. Au cours de la grossesse, l’AP permet de diminuer le risque de complications gestationnelles et notamment de développer un diabète gestationnel (-38% avec une pratique adaptée), le risque d’hypertension gestationnelle (-39%), et enfin celui de pré-éclampsie (-41%)(7). Il y a donc un effet favorable important de l’AP et ce, peu importe des caractéristiques de la patiente. Des exercices de type aérobique d’un minimum de 140 minutes d’intensité modérée par semaine sont à privilégier. Ces résultats ont été très récemment confirmés dans une revue systématique avec méta-analyses parue en 2023(8). Les auteurs nuancent cependant un peu les propos indiquant que l’AP est plus efficace lorsqu’elle est débutée très tôt au cours du premier trimestre et réalisée avec encadrement. "Mais ce bénéfice semble annulé en cas de surpoids ou d’obésité pré-gestationnelle. Il faut donc rechercher à faire baisser l’IMC chez les femmes qui prévoient de concevoir", explique Carina Enéa.
L’importance de l’AP en période péri-natale
Le risque CV augmente beaucoup chez les femmes qui ont présenté des complications au cours de leur grossesse. Une récente publication de l’American Heart Association(9) montre un risque multiplié par 3 de développer une HTA dans les 10 ans qui suivent le post-partum lorsqu’on a souffert de troubles hypertensifs gestationnels et un risque de diabète de type 2 multiplié quasiment par 10 lorsqu’on a eu un diabète gestationnel. La période péri-natale doit donc être considérée comme une véritable opportunité pour faire de la prévention en mettant en place un suivi très étroit, notamment par les gynécologues, sage-femmes, et médecins généralistes pour évaluer le risque CV chez ces femmes et les encourager vivement à pratiquer de l’AP.
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