A l’occasion de son 10e anniversaire, la Fondation de l’Académie de médecine a publié un livre blanc "Alimentation aujourd’hui et demain", à destination du grand public et des professionnels. Il met en garde contre les régimes particuliers, surtout chez les enfants, et fait le point sur les recommandations nutritionnelles, les allergies et l’impact environnemental. Entretien avec le Pr Richard Villet, chirurgien viscéral, secrétaire général de la Fondation de l’Académie de médecine. Egora: Dans quel contexte la rédaction du livre blanc s’inscrit-elle ? Pr Richard Villet : Notre objectif est de lutter contre les fausses informations et de fournir des informations claires avec des messages forts, notamment contre certains régimes. Avoir une alimentation saine est important pour être en bonne santé. C’est aussi une source de plaisir et cela présente un intérêt pour la planète. Vous présentez des recommandations nutritionnelles qui diffèrent parfois de celles de Santé publique France… Nous avons insisté sur les piliers de l’alimentation dans les âges extrêmes avec, pour les enfants, l’importance du fer, du calcium, des acides gras essentiels et des phytonutriments. Les services de pédiatrie voient de plus en plus de carences et d’anémies, essentiellement au sein des familles végétaliennes. Le régime des enfants doit être riche en produits carnés. Les besoins en fer sont de 1 à 2 mg par jour, ce qui correspond à 180 g de viande ou 1,3 kg d'épinards… selon le mode de cuisson. Quels sont les messages de prévention que le médecin généraliste peut faire passer à ses patients ? Nous souhaitons rappeler des notions de bon sens qui ont été perdues. L’alimentation a un impact direct sur la santé, en bien ou en mal. Il faut privilégier les produits variés, frais, non transformés, sans additif, issus de circuits courts. A contrario, 40% des cancers sont imputables au mode de vie et à l’environnement : tabac, alcool, mauvaise alimentation... Aujourd’hui en France, une personne sur deux est en surpoids et près d’une personne sur cinq en obésité, dont 5 à 10% des cas sont d’origine génétique. L’obésité n’est malheureusement pas reconnue comme une ALD en France. Les inégalités sociales et économiques ont un impact négatif sur l’accès à l’éducation, à la santé et à une alimentation saine. Quelles sont les évolutions engagées ou à engager dans ce domaine ? Un des messages est que les produits non transformés sont moins chers que les produits transformés. Le Nutri-Score représente un progrès même s’il mériterait d’être amélioré. Des discussions sont en cours… L’éducation doit commencer très tôt à l’école. L’alimentation fait partie de l’acquisition de la culture, c’est un facteur social et sociétal. Le repas convivial par exemple permet une meilleure ingestion des aliments, une meilleure digestion et donc une meilleure utilisation des nutriments. Le livre blanc liste les bénéfices et les risques des différents régimes et plébiscite le caractère protecteur des régimes cétogène et méditerranéen… Le régime végétalien n’est pas recommandé, notamment chez les plus jeunes et chez les personnes âgées. Si certains modes de vie favorisent l’apparition de cancer, il n’existe pas de régime miracle contre cette maladie. Cependant, des données expérimentales montrent que le régime cétogène (pauvre en glucides) améliore la survie chez l’animal et diminue le taux de cancer. Le régime méditerranéen semble être le meilleur, avec un accroissement de la longévité. Vous vous attachez à distinguer les allergies des intolérances alimentaires… Les allergies alimentaires sont rares. Elles surviennent dans la petite enfance (3 à 6% des enfants) et concernent principalement les protéines de lait de vache. Il existe en parallèle des intolérances au lactose dont la prévalence diffère selon les ethnies : 20 à 30% en Europe contre 90% en Asie. L’intolérance au gluten est en croissance. La maladie cœliaque est une maladie grave qui nécessite de supprimer totalement le gluten. A côté de cela, l’hypersensibilité au gluten est une colopathie et une entéropathie provoquant des douleurs et des ballonnements, limités par l’évitement du gluten. Enfin, vous consacrez un chapitre à l’impact de la production alimentaire sur l’environnement, l’accès de tous à une nutrition de qualité au niveau mondial et la préservation de la biodiversité... L’élevage intensif génère des gaz à effet de serre et l’agriculture intensive consomme trop d’eau. Il faut trouver un équilibre entre apports en protéines animales et végétales. Aujourd’hui les adultes, à l’exception des personnes âgées, consomment 60% de protéines animales de plus que les recommandations. L’idée est aussi d’aller vers des productions plus locales, des circuits courts qui sont à organiser. *Le Pr Richard Villet déclare n’avoir aucun lien d’intérêt.
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