Prévenir les complications liées à la fibrillation atriale

25/02/2022 Par Alexandra Verbecq
Cardio-vasculaire HTA
L’évaluation du risque thrombotique et hémorragique chez chaque patient est centrale pour déterminer la prise en charge adaptée. Une mise au point a été effectué lors de la 32ème édition des Journées européennes de la Société française de cardiologie (JE-SFC, 12 -15 janvier 2022 à Paris). 

  La fibrillation atriale (FA) est une complication relativement fréquente au cours du syndrome coronaire aigu (SCA) dont l’incidence se situe entre 2 et 15%. Ces chiffres sont confirmés par les registres suédois (150 000 patients) et danois (160 000 patients) récemment publiés en 2021. « Dans le contexte d'infarctus myocardique ou de SCA, tous les types de FA sont associés à une augmentation de la mortalité et une augmentation des major adverse cardiac events (MACE), qu'il s'agisse d'un premier épisode de FA découvert à l'occasion du SCA ou d’une FA ancienne préexistante, d’une FA paroxystique, persistante ou permanente » précise le Pr Brahim Kishou, chef du service de cardiologie (CHU de Tizi-Ouzou, Algérie) et président de la Société algérienne de cardiologie. Le registre danois vient confirmer cette tendance. En effet, les patients SCA ayant un premier épisode de FA découvert ou apparu à l'occasion d’un SCA, présentent un taux d'événements à un an (accident vasculaire cérébral ischémique, décès ou saignements) au moins aussi létal que les patients SCA ayant une FA ancienne. Une étude française a montré que le taux d'événements thromboemboliques est similaire que la FA soit associée ou non à une cause aiguë temporaire (un SCA dans 40% des cas). Lorsque les patients avec une FA associée à une cause aiguë temporaire sont traités par anticoagulants, le nombre d’événements thromboemboliques et de décès est diminué comparativement aux patients n’étant pas sous anticoagulants.   Peser la balance bénéfice/risque Après implantation d'un stent coronaire, la double antiagrégation plaquettaire est supérieure à l'anticoagulation orale pour réduire les thromboses de stent. Inversement, l’anticoagulation orale est plus efficace que la double antiagrégation plaquettaire pour réduire les accidents vasculaires cérébraux chez les patients en FA. « Nous serions tentés de prescrire à ces patients une trithérapie antithrombotique (deux antiagrégants plaquettaires et une anticoagulation orale) mais comme nous le voyons dans le registre danois, cette trithérapie antithrombotique fait saigner les patients sans réduire les événements thrombotiques lorsque nous la comparons à un régime antithrombotique double associant un seul anticoagulant et un seul antiagrégant plaquettaire », précise le Pr Kishou. Concernant la durée de traitement, l’étude Isar n'a pas montré de supériorité d'une trithérapie de six semaines versus une trithérapie de six mois en termes de bénéfices.   Place du clopidogrel Le registre suédois a, d’autre part, révélé que la combinaison anticoagulant oral avec du clopidogrel faisait au moins aussi bien en termes d'efficacité et de sécurité que la trithérapie classique standard (anticoagulant, aspirine, clopidogrel). L'étude WOEST a été le premier essai randomisé à comparer chez des patients sous antagonistes de la vitamine K et traités par angioplastie, un régime antithrombotique double (antagonistes de la vitamine K plus clopidogrel) versus la trithérapie standard (antagoniste de la vitamine K, clopidogrel et aspirine). Les résultats ont montré que la bithérapie antithrombotique faisait mieux que la trithérapie standard en termes de réduction des événements hémorragiques, mais également en termes de réduction des événements ischémiques et de la mortalité totale. Mais cette étude n'inclut que 500 patients dont 25% de SCA.   Quatre autres grands essais cliniques ont également comparé un régime antithrombotique double (anticoagulant oral plus un inhibiteur de P2Y12) versus la trithérapie standard (antagoniste de la vitamine K, aspirine et inhibiteurs P2Y12). Ces études incluaient environ la moitié de SCA. L'arrêt de l'aspirine dans le régime antithrombotique double se faisait entre 0 et 4 jours après l'angioplastie en moyenne. L'inhibiteur de P2Y12 le plus utilisé était du clopidogrel. Les résultats ont montré que le régime antithrombotique double, était soit non inférieur, voire supérieur à la trithérapie pour réduire le critère primaire c’est à dire les hémorragies cliniquement significatives. Il n’existait pas de différences en termes d'événements ischémiques entre les deux régimes antithrombotiques. « Mais ces études n'avaient pas la puissance statistique suffisante pour mettre en évidence des différences cliniquement pertinentes entre les deux stratégies thérapeutiques » modère le spécialiste. Une métaanalyse, regroupant ces quatre essais (10 000 patients), a confirmé que le régime antithrombotique faisait mieux en termes de réduction des hémorragies majeures et des hémorragies intracrâniennes. Il n’existait pas de différence significative, en termes de MACE, de décès cardiovasculaires ou de mortalité totale entre les deux régimes double et triple antithrombotique. « En revanche, nous remarquons une tendance, bien que non significative, à l'augmentation des infarctus myocardiques dans le groupe régime antithrombotique double (3,6% vs 3%) et une augmentation significative de thromboses de stent dans le groupe régime antithrombotique double (1% vs 0,6%) bien que cet ensemble soit numériquement faible. Plus de 80% de ces thromboses de stent surviennent essentiellement dans les 30 premiers jours suivant une angioplastie » précise le Pr Kishou. L’étude Augustus a montré que l'aspirine fait plus saigner durant les 30 premiers jours que le placebo, mais elle réduit les événements ischémiques et antithrombotiques. En revanche, au-delà de 30 jours, l'aspirine fait toujours plus saigner que le placebo et ne réduit pas les événements antithrombotiques. Pour le Pr Kishou, « Si nous devons prescrire une trithérapie chez des patients chez qui le risque de thrombose de stent est élevé, la durée probable de trithérapie ne doit pas excéder 30 jours. La prise en charge des patients doit être individualisée en évaluant en pratique clinique leur risque thrombotique et leur risque hémorragique ». Les recommandations indiquent que la stratégie par défaut associe une trithérapie (AOD, clopidogrel et aspirine) pendant une semaine puis une bithérapie pendant 12 mois, puis l’AOD seul au-delà de 12 mois. Si le patient est à haut risque de thrombose de stent, la durée de l'aspirine peut être étendue en trithérapie à 30 jours. Si le patient est plutôt à haut risque hémorragique, la durée de la bithérapie est réduite à 6 mois. Au delà de 12 mois, dans la stratégie par défaut, dans la majorité des cas, seul un AOD est prescrit.

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