Serons-nous tous allergiques demain ?

21/01/2023 Par Marie Ruelleux-Dagorne
Allergologie
La prévalence des allergies a considérablement augmenté au cours des vingt dernières années dans les pays industrialisés. L’OMS les classe désormais au quatrième rang des maladies chroniques. Un vaccin anti-asthme sévère est à portée de main. Entretien avec le Pr Laurent Guilleminault, pneumo-allergologue au CHU de Toulouse.

    Egora-le Panorama du Médecin : Les allergies touchent aujourd’hui 18 millions de Français et leur croissance est exponentielle. Quelles sont les hypothèses avancées pour expliquer cette augmentation ?

Pr Laurent Guilleminault (DR)

Pr Laurent Guilleminault : Un ensemble de choses doivent être considérées. L’évolution de nos sociétés industrialisées induit une réduction de l’exposition, notamment en bas âge, aux infections et aux composantes microbiennes qui entraîne une réorientation de notre système immunitaire vers une composante plus allergique. On sait aujourd’hui que le mode de vie occidentale, l’alimentation, le manque d’activité physique et la pollution jouent un rôle sur l’épigénétique. La modification des gènes impliqués dans l’inflammation de l’allergie a effectivement été démontrée. C’est ce qui explique l’augmentation de la prévalence des allergies, qui va d’ailleurs continuer dans les années à venir. La problématique des virus doit aussi jouer un rôle en la matière.   On assiste parfois à une importante errance diagnostique dans le domaine des allergies médicamenteuses notamment, avec un lourd retentissement médico-économique. Comment l’expliquer ? La difficulté actuelle en allergologie est d’établir le bon diagnostic car il y a encore aujourd’hui de trop nombreux cas dans lesquels de fausses étiquettes ont été posées sur certains patients ; et c’est particulièrement vrai pour les cas d’allergie médicamenteuse à la pénicilline. En effet, 90% des patients étiquetés allergiques à la péniclline ne sont pas allergiques à ce médicament en réalité. Et cela vaut aussi bien pour l’asthme en général. Cela s’explique probablement par le fait que les diagnostics différentiels ne sont pas toujours évidents en allergologie.  

  L’immunothérapie allergénique est aujourd’hui un outil essentiel dans l’arsenal thérapeutique des allergies respiratoires. D’autres progrès diagnostiques ou thérapeutiques sont-ils attendus ? Dans le domaine de l’asthme et de la dermatite atopique, il ne faut pas oublier non plus l’arrivée des biothérapies qui ont considérablement changé la donne pour les patients. L’immunothérapie allergénique est, quant à elle, en voie de développement pour les allergies alimentaires. Jusque-là, pour ce type d’allergies, le traitement était soit l’éviction de l’allergène, soit une immunothérapie orale pour obtenir une tolérance chez le patient, qui devient ensuite moins réactif à l’allergène en cause. Récemment, des gélules de cacahuètes ont été mises sur le marché Elles sont plus précises en termes de dosage et devraient permettre des avancées. L’allergologie a aussi connu une avancée considérable avec les allergènes recombinants. Leur mise à disposition pour le dosage des IgE spécifiques représente, par rapport aux extraits allergéniques totaux, un progrès considérable dans le diagnostic et la prise en charge des allergies médiées par les IgE. Enfin, des études sont en cours avec des anticorps monoclonaux dirigés contre les IgE dans l’allergie alimentaire. Si les résultats sont positifs (attendus pour fin 2024), ce type de traitement pourrait soulager un certain nombre de patients souffrant d’allergies alimentaires sévères.   Un vaccin anti-asthme sévère est à l’étude aujourd’hui (équipe Inserm du Dr Laurent Reber à Toulouse en collaboration avec l’entreprise Néovacs). En se projetant à long terme, peut-on imaginer des vaccins contre les différentes formes d’allergies d’ici une vingtaine d’années ?  Un vaccin anti-asthme sévère est effectivement à l’étude. Et c’est devenu possible aujourd’hui car la physiopathologie de l’asthme sévère est beaucoup mieux connue et en particulier l’implication des cytokines qui jouent un rôle majeur dans l’inflammation. C’était totalement illusoire il y a encore quelques années mais on commence à toucher du doigt quelque chose qui risque d’être révolutionnaire : la capacité d’une part de traiter les patients allergiques avec un vaccin, et d’autre part en allant plus loin, de prévenir le développement des allergies ! Alors bien entendu, nous n’en sommes qu’au stade pré-clinique mais en tout état de cause, l’efficacité démontrée chez l’animal est très bonne, voire comparable aux traitements par biothérapies dont nous disposons actuellement dans l’asthme.   *Le Pr Laurent Guilleminault déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour : ALK, AstraZeneca, Bayer, GlaxoSmithKline, MSD, Novartis, Sanofi et Stallergènes.

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