Vitamine D et calcium : une mise au point s'impose

16/01/2018 Par Chantal Guéniot
Rhumatologie

Pour le Pr Patrice Fardellone* (Amiens), spécialiste de l’ostéoporose, les résultats de la récente étude qui a remis en question l’intérêt d’une supplémentation en calcium ou vitamine D étaient déjà connus, et ne doivent donc rien changer aux recommandations.

La grande méta-analyse que viennent de publier J-G Zhao et coll. dans le Jama (2017; 318(24) : 2 466-2 482) a fait grand bruit en montrant que ni les suppléments de calcium ou de vitamine D, ni ces deux traitements combinés ne réduisent le risque de fracture chez les personnes âgées de plus de 50 ans. Le Pr Patrice Fardellone, chef de service de rhumatologie au CHU d’Amiens, relativise l’intérêt de cette étude et rappelle que la vitamine D et le calcium ne doivent être prescrits que s’il y a vraiment un risque de carence.   Egora.fr : Quels sont vos commentaires sur le travail de J-G Zhao et coll. ? Pr Patrice Fardellone: Cette méta-analyse n’apporte strictement rien au débat, car tout ce qu’elle montre était déjà connu. Le seul groupe pour lequel on a pu constater que la supplémentation en calcium et en vitamine D diminue significativement le risque de fracture, ce sont les personnes âgées vivant en institution. La très belle étude de MC Chapuy, P Meunier et coll. (N.Engl.J.Med. 1992) est la première à l’avoir montré, avec une baisse de 43 % du nombre de fractures du col du fémur. Or, les personnes vivant en institution ont été exclues d’emblée de cette méta-analyse. Quand on donne du calcium et de la vitamine D à des personnes moins âgées, plus valides, ne vivant pas en institution, donc a priori moins carencées, on sait très bien qu’il n’y a aucun effet. Les suppléments de calcium et de vitamine D ne marchent que chez les sujets très carencés. Les méta-analyses de Buschoff-Ferari montrant une efficacité de la vitamine D prenaient en compte les études de supplémentation avec calcium et vitamine D et incluaient des personnes vivant en institution.   Ces traitements sembleraient même plutôt délétères puisque cette méta-analyse montre un risque relatif de fracture de 1,53 chez les personnes qui prenaient du calcium et de 1,21 chez celles qui recevaient de la vitamine D. Qu’en pensez-vous ? Les auteurs n’expliquent pas ces résultats, paradoxaux. Mais ils soulignent, eux-mêmes, que l’augmentation du risque constatée n’est pas significative. Pour moi, cette méta-analyse est un non-événement. Et elle est présentée de manière un peu trompeuse puisque les auteurs disent qu’ils ont passé en revue 880 articles, mais n’ont lu complètement que 10 % d’entre eux. Pour les autres ils se sont contentés des abstracts. Il faut aussi remarquer qu’une étude qui pèse lourd dans cette méta-analyse est la WHI (Women’s Health Initiative). Dans cette étude, la moitié des patientes prenaient de leur propre chef des compléments en calcium et en vitamine D, ce qui amoindri la puissance de l’étude.  

Lire aussi: Ostéoporose : la mise au point de l'Aflar après l’"Enquête de santé" de France 5

  Existe-t-il des études démontrant l’efficacité de la supplémentation vitamino-calcique chez les personnes ayant des antécédents de fracture ? Non. L’étude Record est intéressante car elle comparait calcium seul, vitamine D seule et les deux associés chez des personnes de 70 ans et plus, après une fracture de basse intensité (Grant AM et coll. Lancet 2005). Elle était négative.   En pratique, que faut-il en conclure ? La prévention des fractures chez les sujets atteints d’ostéoporose repose avant tout sur les médicaments. La supplémentation ne va rendre service qu’à ceux qui manquent de calcium ou de vitamine D. Donc il ne faut la prescrire qu’aux personnes ayant une carence, après avoir évalué les apports calciques (un autoquestionnaire est disponible sur le site du Grio) et dosé la vitamine D.   Mais l’utilité des dosages est elle aussi mise en doute et la HAS précise qu’une supplémentation en vitamine D peut être instaurée et suivie sans dosage de la vitamine D. Les dosages ne sont plus remboursés chez les femmes ostéoporotiques, mais le sont pour les personnes âgés sujettes aux chutes répétées. Cependant ils restent valides. Il y a des recommandations pour prescrire systématiquement de la vitamine D, sans avoir à faire de dosages, aux personnes de 70 ans ou plus.   De quelles données dispose-t-on concernant l’exercice physique ? On ne dispose de données que sur la densitométrie et sur le risque de chute. Il n’y a pas d’étude randomisées sur le risque fracturaire car cela serait très difficile à mener et demanderait d’inclure beaucoup de sujets. De plus, il n’y a pas de laboratoires pharmaceutiques pour payer ce type de recherche.    On a l’impression que les arguments en faveur de la supplémentation sont très fragiles. Oui.  Mais à mon avis, celle-ci reste intéressante chez les personnes très âgées, très dépendantes, qui mangent mal. On sait que le calcium et la vitamine D réduisent le risque de fractures, en dehors de tout autre traitement, chez les sujets très âgés institutionnalisés. C’est une mesure de santé publique. En dehors de ces cas, la supplémentation vitamino-calcique n’est qu’un traitement adjuvant, en complément des médicaments anti-ostéoporotique, chez les sujets ayant une ostéoporose. Elle n’est pas efficace toute seule. Les recommandations du Grio ont été actualisées en décembre 2017 et précisent très exactement les situations dans lesquelles il faut prescrire un traitement contre l’ostéoporose. Malheureusement, en France, seules 10 % des personnes ayant eu une fracture sévère sont traitées.   *Le Pr Fardellone déclare présenter ou avoir présenté des liens d’intérêt avec Expanscience (liens permanents), Amgen, Lilly, Teva, Roche-Chugaï, UCB, BMS (interventions), et Abbvie (liens indirects).

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