Allergies oculaires : une modification de la symptomatologie avec l’âge
Les allergies oculaires du senior évoluent. La modification de son environnement, la progression de l’atopie avec l’âge, l’utilisation de médicaments, le vieillissement et l’altération de la surface oculaire en sont les principaux facteurs.
"Chez le senior, les conjonctivites saisonnières et péranuelles ont tendance à s'améliorer. Les keratoconjonctivites (KC) vernales soit guérissent, soit évoluent vers les KC atopiques. Les KC atopiques ne guérissent pas et se chronicisent. Elles posent beaucoup de problèmes chez le sujet atopique qui vieillit et qui a un eczéma des paupières encore actif. L’allergie de contact se stabilise mais avec l’âge, l’exposition à des chimiques augmente, en particulier chez les patients ayant un glaucome", introduit le Dr Serge Doan, ophtalmologue (Hôpital Bichat, Fondation A. De Rothschild, Paris).
L’évolution des conjonctivites chez les sujets allergiques est influencée par plusieurs facteurs. Après la ménopause et l’andropause, la fréquence des symptômes et signes de sécheresse est en nette augmentation. "La prévalence des conjonctivites est de 15% après 60 ans et je pense que ces chiffres sont sous-estimés", souligne le spécialiste. Tous les organes sécrétant le film lacrymal sont sous dépendance androgénique (glandes lacrymales, glandes de Meibomius ou cellules à mucus conjonctivales). Leur atteinte entraine une réduction de la quantité et de la stabilité lacrymales. De plus, les androgènes étant anti-inflammatoires, leur chute provoque une augmentation de l'inflammation d'organes, dont la surface oculaire. Le dysfonctionnement meibomien est le plus fréquent.
Le portage du Demodex augmente (prévalence de 40% chez les > 60 ans) et cause des blépharites croûteuses +/- importantes selon les patients et leur âge et une inflammation en raison de Bacillus oleronius. La iatrogénie médicamenteuse systémique (psychotropes, anticholinergiques, antidépresseurs, anxiolytiques…) ont également un effet de tarissement de la quantité lacrymale. Le traitement doit être, si possible, modulé.
La sécheresse est principalement traitée par des larmes artificielles sans conservateurs. Les soins des paupières (masques ou lunettes chauffants) retirent les Demodex et améliorent les sécrétions méibomiennes.
L’allergie chronique amplifie la sécheresse oculaire et vice versa
L'inflammation chronique de l’allergie accélère le dysfonctionnement des glandes de Meibomius, la dégénérescence des cellules à mucus, l’altération de la surface cornéenne, et l’hyperréactivité conjonctivale. Pour le spécialiste : "La sécheresse évaporative par dysfonctionnement meibomien chez un patient ayant une allergie chronique est très fréquente." D’autre part, une publication (Tatsuma Kishimoto et al Int J Mol Sci. 2022) a montré sur un modèle animal un effet d'amplification de l'allergie par la sécheresse oculaire. "Les conjonctivites chroniques allergiques associées au vieillissement de la surface de l’œil entraînent une sécheresse qui à son tour aggrave les conjonctivites", poursuit-il.
L’atopie peut conduire à une atteinte visuelle
La dermatite atopique cause une madarose, une inflammation du bord libre qui se chronicise, un dysfonctionnement meibomien quasiment constant, un ectropion qui va induire un larmoiement et une macération aggravant la dermatite.
L’inflammation et l’âge entraînent une perte des cellules à mucus conjonctivales et un déficit de la sécrétion de mucines ce qui peut aboutir, dans les formes les plus sévères, à une kératinisation conjonctivale. La conjonctive peut alors évoluer vers une fibrose et une kératite.
Enfin, chez le sujet atopique senior, une insuffisance en cellules souches limbiques apparaît, la trophicité épithéliale baisse, la kératite se chronicise, des troubles de la cicatrisation surviennent. "Ces formes sont compliquées à gérer et diminuent la vision", prévient l’ophtalmologue.
Au sommaire de ce congrès :
- Immunothérapie allergénique aux pneumallergènes : des données récentes d’efficacité
- Allergies professionnelles : des formes multiples et sous-estimées
- Allergies IgE médiées aux additifs alimentaires : Identifier les substances responsables
- Régimes "healthy" et nouvelles allergies alimentaires : une tendance à la hausse
Références :
19ème Congrès francophone d’allergologie (CFA), du 16 au 19 avril à Paris. D’après la présentation du Dr Serge Doan (Hôpital Bichat, Fondation A. De Rothschild, Paris), lors de la conférence "Que deviennent les allergies oculaires chez les seniors ?"
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