"A ce jour, le choix thérapeutique demeure limité dans l’arthrose", déplore la Pre Flavia Cicuttini, de l’université Monash (Melbourne, Australie). Au-delà des antalgiques et des injections intra-articulaires, plusieurs médicaments anti-arthrosiques symptomatiques à action lente (AASAL), dont la chondroïtine sulfate et la glucosamine, visent à préserver les cartilages. Suite à la réévaluation de leur service médical rendu (SMR), ils ont été déremboursés en mars 2015. Sommes-nous à l’orée d’une "nouvelle ère des thérapies contre l’arthrose", selon l’intitulé d’une session organisée lors du récent congrès de l’Eular ? Quelques études présentées à Milan suscitent en effet l’espoir (encore ténu) d’ouvrir ce maigre arsenal thérapeutique à d’autres médicaments, dont certains déjà indiqués dans d’autres indications, parfois de longue date. Tel est le cas du méthotrexate, immunosuppresseur largement utilisé, entre autres, contre la polyarthrite rhumatoïde. Baisse de la douleur sous méthotrexate Publiée en 2021, une étude française avait échoué à montrer un bénéfice du méthotrexate à raison de 10 mg/semaine, chez des patients atteints d’une arthrose de la main. A défaut d’un bénéfice sur la douleur, les chercheurs avaient toutefois noté une moindre progression radiographique chez les patients traités au méthotrexate*. Suite à ces résultats en demi-teinte, la Pre Flavia Cicuttini et ses collègues ont cherché à déterminer si ce médicament, utilisé à plus forte dose (20 mg/semaine), pouvait trouver une utilité dans les arthroses plus résolument inflammatoires. Mené sur 97 patients souffrant d’une arthrose de la main, cet essai contrôlé a évalué l’effet du méthotrexate sur la douleur, mesuré sur une échelle visuelle analogique (EVA) de 0 à 100 mm. Au bout de six mois, les 50 patients sous méthotrexate présentaient une baisse de 15,2 mm de leur douleur, contre seulement 7,7 mm sous placebo. Soit une différence, modeste mais statistiquement significative, de 9,9 mm entre les deux groupes, n’émergeant qu’après trois mois de traitement. Initialement prévue pour une durée de deux ans, l’étude a été suspendue au bout de six mois en raison de la pandémie Covid-19 -les investigateurs ont jugé préférable d’interrompre l’administration de méthotrexate, craignant qu’il favorise le risque infectieux-. D’où l’absence de données à plus long terme sur la douleur, mais aussi sur la progression radiographique. Présentée lors de la même session, une étude belge portant sur l’anticorps monoclonal denosumab, indiqué contre l’ostéoporose, suggère quant à lui son efficacité contre la progression radiographique de l’arthrose de la main. Après 48 semaines de traitement, les 51 patients sous denosumab présentaient une amélioration moyenne de 10,1 points du score radiographique GUSS (Ghent University Scoring System, échelle de 0 à 300), signe d’un remodelage articulaire, contre une baisse de 7,9 points dans le groupe placebo. L’embellie s’est poursuivie jusqu’à 96 semaines, avec un score en hausse de 18,8 points par rapport à l’inclusion. Divergences quant aux effets de la colchicine Les résultats semblent en revanche plus partagés pour la colchicine, dont plusieurs travaux ont suggéré l’efficacité pour atténuer la douleur dans l’arthrose du genou. Derrière cette hypothèse, le fait que la colchicine inhibe indirectement la maturation de la pro-interleukine 1 bêta en interleukine 1 bêta, impliquée dans l’arthrose. Malgré ces signaux prometteurs, l’étude danoise Color, présentée au congrès, révèle son inefficacité pour soulager la douleur dans l’arthrose de la main, et ce après 12 semaines de traitement. A défaut d’agir sur la douleur, la colchicine pourrait-elle malgré tout freiner la progression d’autres formes d’arthrose ? C’est ce que suggère une étude néerlandaise présentée lors de la même session : selon cette analyse de l’étude LoDoCo2, qui visait à évaluer les bénéfices cardiovasculaires de la colchicine chez des patients atteints d’une maladie coronarienne, la prise de cet anti-inflammatoire est liée à une baisse de 31% du risque de pose d’une prothèse de la hanche ou du genou, au cours des cinq ans de l’essai. Des résultats similaires avaient été publiés en 2020, au sujet d’un anticorps monoclonal dirigé contre l’interleukine 1 bêta, le canakinumab, notamment indiqué contre la maladie de Still de l’adulte**. Là aussi, il s’agissait d’une analyse secondaire d’un essai de prévention cardiovasculaire, dénommé Cantos, mené chez des patients coronariens. La prise de ce traitement était liée à une baisse de 42% du risque de remplacement total de la hanche ou du genou. Mais l’étude initiale n’ayant pas trait à l’arthrose, les auteurs ne disposaient, comme ceux de l’étude sur la colchicine, d’aucune donnée sur la progression radiographique. *Seminars in Arthritis and Rheumatism, Ferrero et al., août 2021 **Annals of Internal Medicine, Schieker et al., 6 octobre 2020 Au sommaire de ce dossier :
- Maladies auto-immunes : un poids croissant
- Arthrose : le mode de vie, au cœur de la prise en charge
- Spondylarthrite axiale : les difficultés d’un diagnostic précoce
- Cancer : l’autre enjeu de la polyarthrite et de ses traitements
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