bpco

Asthme, BPCO : quelle place pour les inhalateurs numériques ?

Comme le diabète, l’asthme et la bronchopneumopathie chronique obstructive connaîtront-ils un tournant numérique ? Si leur intérêt en termes de télésurveillance demeure peu évident, les inhalateurs connectés, à ce jour inconnus en France, pourraient trouver application dans quelques indications, telles que l’éducation et le choix thérapeutiques.

25/02/2025 Par Romain Loury
29ème Congrès de pneumologie de langue française (CPLF)
bpco

« Les inhalateurs numériques relèvent encore, en France, du domaine de la recherche. Mais aux États-Unis, ces produits sont déjà sur le marché, et les patients peuvent se les procurer », explique le Dr David Drummond, du service de pneumologie et allergologie pédiatriques à l’hôpital Necker-Enfants malades (Paris). Il existe deux formes principales d’inhalateurs numériques : d’une part, des dispositifs vendus séparément de l’inhalateur, et qui peuvent être adaptés à celui-ci ; d’autre part, des inhalateurs prééquipés de capteurs numériques. Dans les deux cas, les données sont transmises par Bluetooth au smartphone de l’utilisateur, puis traitées par une appli dédiée.

Les données peuvent être consultées par le médecin lors d’une consultation, selon une télésurveillance dite « passive », afin de faire le point sur la prise du traitement. Autre possibilité, la télésurveillance « active », au cours de laquelle le médecin peut être informé en temps réel des modalités d’utilisation de l’inhalateur, via une plateforme informatique. « Ce système peut même être doté de systèmes d’alerte, qui préviennent le médecin si l’utilisation devient très fréquente. Ce qui lui permet de téléphoner au patient pour voir quel est le problème », explique David Drummond.

Redoutez-vous le rétablissement de l'obligation de participation à la permanence des soins ambulatoires?

Valentine Cervera

Valentine Cervera

Oui

on ne peut pas enchaîné ! On sera obligé de fermé et ne pas soigné nos patients pour voir des patients qu on connaît pas. Ridicule... Lire plus

Au-delà de la première génération d’inhalateurs numériques, qui ne recueille que l’heure d’administration – et permet donc d’estimer la fréquence d’utilisation –, une deuxième génération, plus sophistiquée, a vu le jour. Par ses capteurs, elle permet de vérifier les modalités d’utilisation de l’inhalateur, s’il est secoué avant usage, s’il est disposé de manière horizontale ou verticale. Certains dispositifs présentent une chambre d’inhalation incorporée, afin de mesurer le volume inspiré et le débit inspiratoire de pointe – et de s’assurer que le patient a bien inspiré le produit et ne s’est pas contenté de le vaporiser dans l’air ambiant.

Une télésurveillance sans grand avantage

Quel avantage ces inhalateurs numériques offrent-ils pour la prise en charge de l’asthme et de la BPCO ? Il n’est pas si évident, à en croire les études contrôlées randomisées comparant la télésurveillance avec inhalateur numérique au suivi standard. En télésurveillance passive, ces travaux ont confirmé une meilleure observance (de +10 à +30 %, selon les études) mais sans impact clinique, que ce soit sur le contrôle de l’asthme, le nombre d’exacerbations ou le volume expiratoire maximal par seconde(1).

Selon David Drummond, « pour avoir un bon contrôle des symptômes, il faut souvent atteindre une observance d’au moins 80 %, et dans la plupart des études, l’effet demeurait restreint. Peut-être faudrait-il que le gain d’observance soit encore meilleur. Autre possibilité, le traitement n’a pas été bien pris. Les inhalateurs de deuxième génération pourraient peut-être résoudre ce problème ».

Quant à la surveillance active, les résultats sont aussi en demi-teinte. Lors d’une étude américaine menée sur 252 enfants âgés de 4 à 17 ans, suivis pendant un an, les chercheurs ont certes observé un meilleur contrôle de l’asthme dans le groupe d’intervention (+2,7 points du score ACT, contre +0,5 point dans le groupe comparateur), mais le taux de consultation aux urgences était multiplié par 2,2, celui d’hospitalisation par 3,4(2). « À force de regarder ce qui se passe chez les patients, on en hospitalise plus », commente David Drummond.

Vers des indications de niche ?

Selon le pneumopédiatre, « les essais de télésurveillance n’ont pas très bien marché. Cela engendre un coût plus élevé, plus de travail pour les soignants, sans forcément de meilleurs résultats pour le patient. Tout cela a un peu douché l’enthousiasme initial » quant à l’intérêt pratique des inhalateurs numériques. Toutefois, des travaux plus récents ont suggéré que ces dispositifs pourraient présenter un intérêt dans des indications très précises, pour un usage plus ponctuel que prolongé.

En 2023, une étude menée en Irlande et au Royaume-Uni a révélé l’avantage des inhalateurs numériques pour distinguer les patients atteints d’asthme difficile à traiter (par exemple, en raison d’une observance sous-optimale) de ceux présentant un asthme sévère(3). Dans le groupe de patients équipés de ce dispositif, la probabilité de mise sous biothérapie, traitements réservés à l’asthme sévère, a ainsi été réduite de 58 %. Ce qui, outre l’épargne thérapeutique, permettrait des économies sur les coûts de santé, estimées à 34 % par rapport au suivi standard.

Autre possibilité, les inhalateurs numériques pourraient être prescrits aux patients récemment diagnostiqués, afin de s’assurer qu’ils utilisent correctement leur inhalateur au cours des premiers mois. Lors d’une étude néerlandaise menée sur 42 adultes asthmatiques, dont la moitié équipés d’inhalateurs de deuxième génération, leur emploi a été associé à une baisse de 26 % du nombre d’erreurs commises dans le geste d’inhalation, contre une hausse de 14 % chez les patients sous inhalateur standard(4).

Enfin, les inhalateurs numériques pourraient constituer de précieux outils lors des essais cliniques, « afin de vérifier que le médicament testé a été pris, et a été pris correctement », conclut David Drummond, qui n’a pu se prononcer quant à un horizon de déploiement de ces dispositifs en France.

 

Références :

29ème Congrès de pneumologie de langue française (CPLF, Marseille, 24-26 janvier 2025). D’après la présentation du Dr David Drummond (hôpital Necker-Enfants malades, Paris) lors de la session « Nouveautés dans les traitements inhalés ».

  1. Drummond D. Revue des maladies respiratoires, 24 février 2022.
  2. Gupta R, et al. Pediatrics, 1er janvier 2021.
  3. Mac Hale E, et al. Lancet Respiratory Medicine, 21 mars 2023.
  4. Dierick BJH, et al. Respiratory Medicine, 6 août 2023.
2 débatteurs en ligne2 en ligne
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Podcast Histoire
L’histoire oubliée de Trota, pionnière de la gynécologie au Moyen-Âge
10/02/2025
0
Reportage PASS/LAS
Réussir médecine sans payer 8000 euros : à Marseille, une "prépa sociale et solidaire" relève le défi
17/02/2025
4
Enquête Pédiatrie
Parents désespérés, cabinets spécialisés... Enquête sur l'explosion des frénotomies chez les bébés
05/02/2025
10