Rachialgies : opioïdes, thérapies manuelles… ces traitements qui font débat

25/01/2024 Par Caroline Guignot
Rhumatologie 36e Congrès français de rhumatologie
Une récente étude a remis en question la place des opioïdes dans la prise en charge des douleurs du rachis ce qui souligne l’intérêt d’une désescalade thérapeutique. Les thérapies manuelles pourraient avoir une utilité, mais à court terme.

  L’étude Opal publiée il y a quelques mois dans The Lancet (Jones CMP, 22 juillet 2023) a remis en question l’utilisation des opioïdes dans le traitement des lombalgies et cervicalgies aiguës. Dans cette étude, des patients présentant des douleurs modérées ou sévères avaient reçu l'oxycodone-naloxone (jusqu'à 20 mg/jour) ou un placebo, pendant une durée de 6 semaines maximum, en association à une prise en charge non médicamenteuse. Cette étude a conclu à une amélioration supérieure de la douleur et de la qualité de vie dans le bras placebo, et des effets secondaires moins importants. Dans le contexte de crise des opioïdes que traversent aujourd’hui les pays anglosaxons, ces conclusions peuvent toutefois être discutées, car l’étude présente un certain nombre de limitations méthodologiques. Et le fait de généraliser ces conclusions, spécifiques de l'oxycodone-naloxone, à l’ensemble des opioïdes peut questionner. Cette seule étude peut-elle suffire à contrecarrer les conclusions de plusieurs méta-analyses parues ces dernières années, dont la plus importante a regroupé plus de 7 000 participants, et qui avait conclu à une efficacité des opioïdes dans cette indication ? La question n’est plus uniquement médicale. En témoigne, d’ailleurs, les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), publiées depuis : « ce texte se positionne contre plusieurs approches pharmacologiques dont les opioïdes analgésiques, mais pas contre les benzodiazépines, le paracétamol ou le cannabis » a résumé le Dr Florent Bailly (Pitié Salpêtrière, Paris). Les auteurs de cette étude préconisent qu’ils ne soient pas utilisés en routine chez les adultes, mais reconnaît une efficacité faible sur la douleur et la fonction. Ce sont essentiellement les effets secondaires et surtout les éléments autres que les aspects médicaux qui ont conduit les experts de l’OMS à débattre difficilement de cette question avant de trancher sur le fait que les risques sont supérieurs aux bénéfices ». Faciliter la déprescription Afin de mieux conduire la déprescription, ou la désescalade posologique - progressive au-delà de 7 jours d’opioïdes -, l’Australie a établi des recommandations spécifiques (opioiddeprescribingguideline.com) : elles soulignent l’importance de la communication avec le patient et de l’alliance thérapeutique. L’opinion du patient sur les avantages et inconvénients à continuer le traitement, ses attentes, la prise en compte de ses dissonances cognitives sur le sujet sont des éléments utiles pour réussir une telle démarche. Une baisse posologique initiale minime permet aussi d’améliorer son adhésion à la décroissance et de réduire sa peur du sevrage en constatant que cette première étape se passe bien. Et en en cas de signes de sevrage ou de poussée douloureuse, il vaut mieux légèrement réaugmenter la dose de façon temporaire que de rompre cette alliance. Résultats incertains des traitements manuels Globalement, selon la littérature, les manipulations associées à une autre prise en charge donnent des résultats modérés mais constants, tandis qu’une thérapie manuelle isolée a des effets non concluants. Les indications des thérapies manuelles restent limitées aux pathologies articulaires et musculo-squelettiques (tendon, muscle), et ne doivent pas être envisagées pour les aires crâniales et viscérales. Les effets secondaires associés aux manipulations sont à prendre en considération (dissections de l'artère vertébrale, syndrome de Wallenberg, vertiges, hernies discales, névralgies...). Une méta-analyse suggère que les manipulations cervicales ne sont pas plus efficaces qu’une simple mobilisation dans les amplitudes physiologiques, ou que certains traitements de référence ou des approches alternatives. Les recommandations européennes disent que ces manipulations peuvent soulager de façon ponctuelle la lombalgie aigue, et, de façon plus précautionneuse, la lombalgie chronique. L’hétérogénéité des formations et des compétences dans le domaine des traitements manuels complique certainement cette équation et ces conclusions. Par ailleurs, le soulagement temporaire par la manipulation peut conduire les patients à négliger leur rééducation neuromusculaire. Concernant les cervicalgies chroniques, une méta-analyse en réseau indique que peu de traitements, manuels ou autres traitements conservateurs, ont un effet à long terme. S’ils sont intéressants en association par exemple à l'acupuncture, ils ne semblent pas efficaces seuls sur la douleur hormis à court terme, ou sur la fonction. Dans la lombalgie chronique, les techniques manuelles seules ne sont pas non plus efficaces. Pour autant, il existe une variabilité de techniques utilisées et donc des approches personnalisées. Ce qui rend difficile d’obtenir un niveau de preuve suffisant.     Au programme de ce dossier :

     

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