"En l’espace de quelques jours ce ne sont pas moins de trois professions de santé libérales qui ont claqué la porte de la Caisse nationale d’Assurance maladie, mettant ainsi en lumière l’essoufflement du modèle conventionnel tel qu’il existe aujourd’hui. Le 16 janvier dernier, les kinésithérapeutes libéraux, faisant suite à l’opposition du syndicat Alizé et du SNMKR, ont rejeté l’application de l’avenant signé quelques jours plus tôt par la FFMKR. Notre profession a ainsi emboité le pas aux sages-femmes qui en avaient fait de même quelques jours auparavant, dénonçant de « pseudos- négociations ». Le jeudi 19 janvier c’était au tour des médecins libéraux de quitter la table des négociations, mettant ainsi un terme à des négociations conventionnelles mal engagées. Les relations entre l’Assurance Maladie et les professionnels de santé libéraux, régies par les conventions qui définissent, pour chaque profession, les tarifs des actes et les modalités d’exercice, n’ont cessé de se dégrader. Ces conventions sont révisées tous les cinq ans afin de réévaluer le montant des honoraires et de faire évoluer les modalités d’exercice pour accompagner l’évolution de notre système de santé. Ces rendez-vous quinquennaux sont essentiels pour conserver l’attractivité de nos professions de santé et maintenir une offre de soin qui satisfasse les besoins de nos concitoyens. Ils doivent également permettre de faire évoluer cette offre de soin afin qu’elle prenne en compte les problématiques de santé publique actuelles, comme l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire et bien sûr leur qualité. Or, ce qui devrait être un moment d’échange privilégié où les droits et devoirs des professionnels de santé seraient mis en perspective afin de les faire évoluer pour mieux répondre aux besoins de notre système de santé, se résume à une tractation quasiment uniquement financière tant la contrainte sur les honoraires libéraux est forte. En effet, si l’on compare les honoraires des différentes professions de santé par rapport à la moyenne européenne on constate que les tarifs pratiqués en France sont nettement inférieurs. L’acte le plus courant en France pour les kinésithérapeutes (durée 30 minutes) est à 16,13€ contre 21€ en Allemagne, 28,60€ en Belgique et environ 35€ en Espagne. La comparaison de l’évolution de la rémunération moyenne des différentes professions de santé par rapport à l’inflation est également riche d’enseignements. Pour les kinésithérapeutes, le décrochage par rapport à l’inflation est de 24% en quinze ans. Si, pendant longtemps nous avons augmenté notre amplitude de travail hebdomadaire, avec des semaines de plus de 50 heures, cette possibilité a aujourd’hui atteint ses limites. À l’aune de cette situation, tout l’enjeu est d’assurer la pérennité économique de nos cabinets et maintenir la qualité des soins que nous prodiguons. Dans ce contexte, les kinésithérapeutes nourrissaient de grands espoirs concernant ces négociations conventionnelles. Cependant, pressée par un contexte économique contraint, et certainement un peu par la perspective que des honoraires bas vont inciter les professionnels à multiplier les prises en charge et ainsi répondre à la demande de soins de nos concitoyens, l’Assurance maladie a proposé un accord qui ne permettait pas, notamment du fait d’un calendrier d’application des revalorisations trop étalé dans le temps, de compenser l’inflation. C’est une des principales raisons qui ont conduit ces jours-ci les kinésithérapeutes à adresser une fin de non-recevoir à l’Assurance maladie, à l’instar des sages-femmes et des médecins. "Indexer les honoraires des professionnels de santé à 70% sur l'inflation" Les professions de santé libérales ne peuvent se résoudre à cautionner l’avènement d’une santé low-cost mais le rapport de force entre leurs représentants et l’Assurance maladie est déséquilibré. Le seul véritable pouvoir des organisations syndicales est de quitter la table des négociations ou bien de s’opposer à l’application d’un avenant. Nous en sommes arrivés là car ce modèle conventionnel nécessite d’être revu entièrement. Aussi, nous demandons au Gouvernement d’ouvrir des travaux avec les syndicats de professionnels de santé libéraux afin de définir un modèle conventionnel plus équilibré et plus performant. Une des pistes pour que ces travaux permettent de recentrer les débats sur les enjeux de santé publique, serait d’indexer les honoraires des professionnels de santé à 70% sur l’inflation et de baser les autres revalorisations sur des arbitrages concernant des problématiques de santé publique en lien avec la profession concernée. Si nous souhaitons retrouver l’excellence de notre système de santé, cette évolution des relations conventionnelles doit s’accompagner d’un changement de paradigme qui consiste à envisager les dépenses de santé non plus comme un coût mais comme un investissement pour la santé de nos concitoyens."
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