Article initialement publié dans la revue Le Concours médical (novembre 2019) Si Ipso santé se présente comme un cabinet « nouvelle génération », le réseau n’en demeure pas moins très proche, structurellement parlant, d’une maison de santé. « On s’en rapproche – exercice pluriprofessionnel, staffs hebdomadaires, dossiers partagés, maître de stage universitaire, accueil des étudiants, horaires étendus..., explique Marie Benque, médecin généraliste associée, mais notre atypie est une approche interdisciplinaire intégrant des compétences nouvelles (technologiques, en management et organisation, etc.) qui permettent de développer des solutions innovantes et de prendre du recul sur l’évolution des métiers de la santé. On travaille notamment sur l’amélioration de la collaboration entre professionnels, l’évolution de la relation avec les patients. Nous avons conçu nous-mêmes notre système informatique : le logiciel utilisé en consultation, le portail de prise de rendez-vous, la gestion administrative. » D’où la présence à temps plein de huit développeurs dans les locaux – bel espace de travail au sous-sol, grandes verrières, mobilier moderne – du cabinet de Saint-Martin (Paris, IIIe). « Paradoxalement, notre approche ne nous donne pas accès à tous les financements des MSP, car on n’entre pas dans toutes les cases, notamment nos logiciels ne sont pas labellisés ASIP », explique-t-elle. Le défi : soigner plus avec moins de médecins Le projet naît en 2012, au sein d’une équipe de médecins, d’ingénieurs, de développeurs et de consultants en organisation. Leur idée : repenser les soins de premier recours pour faire face aux défis actuels : « Soigner plus de gens, plus vieux, plus malades, avec moins de médecins sans que ça coûte trop d’argent à la société », précise la généraliste. D’autant que Paris fait face à un problème de densité médicale, notamment en raison des contraintes financières que représentent la location d’un local, le recrutement de personnel administratif, etc. Au lancement des premières réflexions, la jeune remplaçante ne se reconnaît pas dans les structures qui existaient : « Il y avait de bonnes idées à prendre mais un peu partout. Nous étions à la limite de toutes les cases existantes et voulions simple-ment réfléchir à ce qui fait du sens. »
Et premier constat : « Pour repenser l’organisation, il faut avoir la main sur les outils qui la soustendent. » De 2012 à avril 2015, date de lancement du premier cabinet, les aspirations se précisent : exercice en équipe, force du collectif, prise en charge pluridisciplinaire proposée dans un même lieu, réduction des charges administratives... Le local de Saint-Martin, « le plus gros frein car on a mis deux ans à le trouver », ouvre sitôt les travaux terminés. Tout d’abord au rez-de-chaussée, puis, l’activité augmentant, l’espace de 400 m2 est entièrement investi. Repenser la médecine de proximité pour en faire « quelque chose d’accessible et de plus efficient » tout en veillant à « préserver la relation médecin-patient ». La politique de la maison est claire ! « Cette relation évolue, d’un rapport assez paternaliste à quelque chose de plus égalitaire. Il s’agit aussi d’accompagner les soignants dans cette évolution », précise le Dr Benque. Si les ingénieurs et consultants sont les premiers porteurs du projet, les médecins adhèrent rapidement, « convaincus qu’il y avait des choses à faire en repensant les choses en dehors du cadre habituel. On a souvent des biais de pensée car on a été structuré dans nos formations. Une réflexion commune permet de partager l’ensemble des compétences – médicales, juridiques, financières, organisationnelles et informatiques – et de prendre du recul. L’œil médical reste essentiel, mais il doit s’inscrire dans une équipe », affirme le Dr Benque. Assistants médicaux Un travail de groupe qui convient à Pierre Guérin, infirmier installé au cabinet de Saint-Martin, qui partage son temps entre les soins à domicile et au cabinet : « Exercer en pluriprofessionnalité permet de partager ses connaissances afin d’améliorer la prise en charge du patient. D’autant que grâce à Idomed, une start-up hébergée au sein d’Ipso santé, je participe au développement de la téléconsultation. Je peux aussi m’appuyer sur le coordinateur qui gère les plannings, contrats et rétrocessions de mes remplaçants ainsi que mes cotisations obligatoires... » Sans compter le personnel d’accueil qui tient un rôle plus large qu’un simple secrétariat médical. Ainsi, à la fin de la consultation, le médecin cote ses actes et transfère le dossier aux assistants médicaux – nom donné aux secrétaires depuis 2015 à Ipso santé – qui se chargent de la facturation, l’impression des ordonnances et le passage de la carte Vitale. « Ils effectuent un premier tri à l’aide d’un protocole, notamment pour les soins non programmés », précise le Dr Benque. Ils sont à la fois une aide à la consultation (ils déchargent le médecin en s’occupant de la gestion administrative et logistique) et au patient (ils aident à organiser son parcours de soins). La question des soins non programmés étant « une vraie préoccupation pour les soignants », un médecin d’Ipso santé est dédié à "l’aigu" sur chaque plage d’ouverture du cabinet. Son cabinet étant placé au rez-de-chaussée, il « entend ce qui se passe à l’accueil et peut réagir en conséquence ». Un partenariat a également été mis en place avec le GH Paris 10 (Saint-Louis, Lariboisière, Fernand-Widal) et dans un premier temps avec le département de médecine interne et de maladie infectieuse, afin de réancrer les patients suivis à l’hôpital dans un parcours de soin cohérent, centré sur le médecin traitant et de fluidifier localement les liens entre les hospitaliers et les libéraux. Des trois médecins à l’ouverture du cabinet de Saint-Martin en 2015, l’équipe compte désormais 14 titulaires (et cinq à Nation). Mais aussi deux sages-femmes, deux infirmiers et plusieurs remplaçants ponctuels ou réguliers. « Nous veillons à maintenir une organisation horizontale et transparente. D’ailleurs, l’équipe en charge des recrutements est aussi pluriprofessionnelle », précise Marie Benque. Le cabinet compte aujourd’hui plus de 6 000 consultations mensuelles et autant de patients médecin traitant. Un taux en constante augmentation. Un troisième cabinet devrait ouvrir courant 2020 à Porte d’Italie et un 4e près du canal d'Ourcq.
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