Hypothyroïdie infraclinique chez les plus de 80 ans : le traitement par lévothyroxine ne se justifie pas à titre systématique

12/12/2019 Par Pr Philippe Chanson
Endocrinologie-Métabolisme Gériatrie
Chez les patients de plus de 80 ans qui ont une hypothyroïdie infraclinique (c’est-à-dire une TSH au-dessus des valeurs normales avec une T4 libre normale), on s’interroge sur l’intérêt de prescrire de la L-thyroxine.

Afin de déterminer l’association entre la prise de lévothyroxine pour hypothyroïdie infraclinique et la qualité de vie en relation avec la thyroïde chez des sujets âgés de plus de 80 ans, les données d’une étude prospective impliquant des patients âgés de plus de 80 ans, non institutionalisés, et présentant une hypothyroïdie infraclinique, ont été utilisées. Il s’agissait de données provenant d’un essai randomisé, lesquelles ont été combinées avec celles d’un sous-groupe de participants âgés de plus de 80 ans d’un second essai clinique. Les essais ont été conduits entre 2013 et 2018 avec 112 participants recevant de la lévothyroxine (52 participants dans la 1ère étude et 60 dans la 2nde étude) et 139 recevant du placebo (53 dans la 1ère étude et 86 dans la 2nde étude). Les critères d’évaluation principaux étaient les scores ou questionnaires ThyPRO (Thyroid-Related-Quality of Life Patient-Reported Outcome) dans le domaine des symptômes de l’hypothyroïdie et de la fatigue à 1 an. Sur les 251 participants, d’âge moyen 85 ans, dont 47 % étaient des femmes, 105 ont été inclus dans la 1ère étude et 146 dans la 2ème étude clinique. Un total de 212 participants, soit 84 %, a fini l’étude. Le score de symptômes hypothyroïdiens a diminué, passant de 21.7 avant traitement à 19.3 à 12 mois dans le groupe lévothyroxine en comparaison de 19.8 avant traitement à 17.4 à 12 mois dans le groupe placebo, donnant une différence ajustée entre les groupes de 1.3 (-2.7 à 5.2 ; p = 0.53). Le score de fatigue a augmenté, passant de 25.5 avant traitement à 28.2 à 12 mois dans le groupe lévothyroxine vs 25.1 au début à 28.7 à 12 mois dans le groupe placebo, donnant une différence ajustée entre les groupes de -0.1 (-4.5 à + 4.3 ; p = 0.96). Au moins un effet secondaire est survenu chez 33 participants dans le groupe lévothyroxine, le plus fréquent étant un accident vasculaire cérébral qui est survenu chez 3 des participants et 40 participants (28.8 %) du groupe placebo. Dans cette analyse prospectivement planifiée des données de deux essais cliniques impliquant des sujets âgés de plus de 80 ans ayant une hypothyroïdie infraclinique, le traitement avec la lévothyroxine en comparaison du placebo n’est pas associé de manière significative à une amélioration des symptômes d’hypothyroïdie ou de la fatigue. Ces données confirment donc que l’utilisation en routine de la lévothyroxine pour le traitement de l’hypothyroïdie infraclinique chez les sujets âgés de plus de 80 ans n’est pas justifiée.

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