C’est à un changement complet de vision qu’appelle le Pr Roberto Mallone, du service de diabétologie de l’hôpital Cochin (Paris). Plutôt que de ne s’occuper que du stade symptomatique (destruction des cellules bêta, hyperglycémie), le diabète de type 1 doit être considéré comme un "continuum" mis en branle plusieurs années auparavant, dès l’apparition des auto-anticorps. Peu appliqué en pratique, ce concept est celui adopté par l’American Diabetes Association (ADA), dont les recommandations distinguent trois stades du diabète de type 1.
Durant le stade 1, asymptomatique, l’individu présente des auto-anticorps, mais une glycémie normale. Le stade 2, présymptomatique, se distingue par un début de destruction des cellules bêta et une dysglycémie, à savoir une légère hyperglycémie. Celle-ci s’aggrave jusqu’au stade 3, symptomatique, où le diabète de type 1 se caractérise par une destruction avancée des cellules bêta.
Selon Roberto Mallone, l’extension du diabète de type 1 à ces stades précoces n’est pas "seulement une modification sémantique. Si on accepte cette vision, cela implique que la personne présentant des auto-anticorps est déjà malade, et que la prise en charge doit être avancée dans le temps. Il faudrait arrêter d’utiliser le terme de ‘prédiabète’, parce que c’est la négation même de ce concept. Ce n’est pas un prédiabète, c’est un diabète de type 1 précoce."
Des traitements pour retarder le stade 3
D’où l’idée de mieux détecter ces formes présymptomatiques, stratégie qui offrirait plusieurs avantages. Outre qu’elle réduirait le risque d’acidocétose, grave complication du diabète de type 1, elle offrirait au patient le temps de se préparer aux futurs symptômes. Par exemple en lui permettant d’agir, en amont, sur son alimentation et son activité physique.
Surtout, un dépistage précoce ouvre de nouvelles possibilités thérapeutiques. En novembre 2022, la Food and Drug Administration (FDA) a autorisé aux Etats-Unis un premier traitement agissant dans un sens préventif, l’anticorps anti-CD3 teplizumab, indiqué chez les patients au stade 2. Lors des essais cliniques, il a permis de retarder de deux ans la survenue du stade 3. Si ces résultats sont "perfectibles", "ce traitement constituera un point clé dans l’histoire du diabète de type 1", estime Roberto Mallone. D’autres médicaments sont à l’étude, dont plusieurs déjà sur le marché dans d’autres indications. Parmi eux, l’antiarythmique verapamil a montré un effet protecteur sur les cellules bêta au stade 3 de la maladie, et gagnerait, selon le diabétologue, à être testé au stade 2*.
L’enjeu du dépistage précoce
Comment dépister un diabète de type 1 présymptomatique, alors que la moitié des cas sont actuellement diagnostiqués à l’occasion d’une acidocétose ? Par exemple en dépistant les parents au premier degré, 10 à 20 fois plus à risque que la population générale. Cette stratégie est à l’œuvre dans le programme européen Innodia, qui compte plusieurs hôpitaux parisiens. En France, 44 personnes, porteuses d’auto-anticorps caractéristiques du diabète de type 1, ont été identifiées parmi les 618 testées. Mais si ce dépistage familial est prometteur, sa portée serait limitée : il passerait à côté d’environ 85% des diabétiques de type 1, ceux n’ayant aucun cas dans leur famille.
D’autres songent déjà à un dépistage en population générale. Menée en Bavière, l’étude Fr1DA a permis de tester la présence d’auto-anticorps chez plus de 90 600 enfants âgés de 2 à 5 ans, à l’occasion de leurs visites médicales, par le prélèvement d’une goutte de sang adsorbée sur papier buvard. Parmi eux, 280 étaient positifs aux auto-anticorps, avec un risque de 25% d’évolution vers un diabète à trois ans**.
Serait-il possible d’agir avant même le stade 1 ? Selon Roberto Mallone, "dépister au stade 1, c’est peut-être encore trop tard. Ce qu’il s’agit de prévenir, c’est l’auto-immunité, avant même l’hyperglycémie. C’est un changement de paradigme, celui de la prévention primaire du diabète de type 1". Parmi les pistes d’intérêt, le diabétologue évoque l’administration de doses orales d’insuline à des enfants génétiquement à risque, actuellement testée sur des nourrissons de 4 à 7 mois. Ou encore celle d’un futur vaccin contre le Coxsackievirus, en cours de développement. A l’origine de rhumes et de gastroentérites chez l’enfant, de myocardites et d’encéphalites chez l’adulte, ce virus, apte à détruire les cellules bêta lorsqu’il se réfugie dans le pancréas, pourrait dans ses formes persistantes déclencher l’auto-immunité.
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