Covid-19 : un effet protecteur de la nicotine ?

15/04/2020 Par Marielle Ammouche
Infectiologie
Suite à la parution de données chinoises et américaines qui mettent en évidence une proportion plus faible de patients fumeurs parmi l’ensemble des malades hospitalisés en réanimation pour une forme grave de Covid, la possibilité d’un éventuel effet protecteur de la nicotine vis-à-vis des formes graves de Covid-19 est évoquée.
 

Ainsi, l’étude chinoise faisait était de 12,6% de fumeurs  chez les sujets atteints de Covid-19 ; tandis que les données américaines établissaient ce taux à 1,9%. Le Pr Bertrand Dautzenberg (Paris sans tabac), célèbre tabacologue français, écrivait sur twitter en conséquence: « les fumeurs font 5 à 10 fois moins de Covid que les non-fumeurs ». Il précise, dans un communiqué daté du 11 avril, que des données récentes de l’AP-HP font aussi état « d’un taux de fumeurs bas chez les Covid-19 ». Le Pr Delfraissy, président du Conseil scientifique s’est, lui aussi exprimé le 8 avril sur France-Info : « l’immense majorité des formes graves n’est pas composée de fumeurs. Comme si le tabac protégeait de ce virus, via la nicotine. […]… On dirait que la nicotine pourrait ainsi constituer une forme de protection ». « Ce serait la nicotine qui protégerait peut-être et non pas la fumée de tabac. […] Même s'il y a moins de fumeurs atteints, ceux qui sont atteints sont plus sévères" » a complété le Dr Marion Adler, tabacologue à l’hôpital Antoine Béclère de Clamart (92) sur la même radio. Elle insiste cependant sur la nécessité de rester «très prudent » pour le moment.   Plusieurs pistes sont évoquées pour expliquer cette sous représentation des fumeurs. Il pourrait s’agir d’un biais lié à l’âge. En effet, les sujets présentant une forme sévère de Covid sont généralement âgés, et donc généralement moins fumeurs que dans l’ensemble de la population. Une hypothèse physiopathologique est aussi évoquée, liée aux récepteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE2), « qui sont des récepteurs particuliers qui permettraient peut-être de diminuer le syndrome inflammatoire et qui permettrait peut-être, grâce à la nicotine, de protéger » explique Marion Adler, tout en insistant sur le manque de données sur ce sujet. L’ensemble des spécialistes rappellent que les études ont montré que les patients ayant des pathologies pulmonaires liées au tabac font partis des sujets à risque par rapport au Covid. En particulier une étude chinoise parue le 28 février dans The New England Journal of Medicine, et portant sur 1063 fumeurs et non-fumeurs a montré un lien entre statut tabagique et risque de présenter une forme sévère de Covid-19 (risque augmenté de 50%), ou une forme très sévère nécessitant soit ventilation artificielle soit passage en réanimation ou encore aboutissant au décès (risque augmenté de 133% par rapport au risque d’un non-fumeur).   Pas de différence significative dans une enquête française Une enquête a été réalisée en urgence par des associations de vapoteurs (Aiduce et Sovape), entre le 6 et le 8 avril. Les premières estimations ont porté sur 4000 foyers 9 824 personnes. Elles montrent l’absence de différence entre vapoteurs exclusifs et sujets ne consommant aucune forme de nicotine, concernant le risque de Covid confirmé ou probable (2,8 % contre 2,5). Le Pr Dautzenberg conclut que le tabac apporte « avec certitude un effet négatif qui est supérieur à celui d’un potentiel petit effet bénéfique qui n’est en rien confirmé ». Au contraire « l’espoir que la nicotine apport un bénéfice, initialement espéré, est contredit par les données préliminaires de l’enquête conduite chez les vapoteurs ». Il appelle à de plus amples études. Il ne s’agit donc pas de se ruer sur les substituts nicotiniques, ni le cigarettes-électroniques, préviennent les tabacologues. Et encore moins sur le tabagisme, qui doit être au contraire arrêté dans la mesure du possible.    

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